Dans l’attente de la mise en œuvre des actions correctives immédiates recommandées par l’Igas, le syndicat national des audioprothésistes (Unsaf) réclame « la suspension de tout nouveau conventionnement par les réseaux de soins ». Cette demande intervient quelques jours après que Carte Blanche Partenaires ait lancé un nouvel appel à conventionnement de son réseau d'audioprothésistes.
Critiqués par les professionnels de santé et comme le prévoit la loi Le Roux, les réseaux de soins ont fait l’objet d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), rendu public par le ministère de la Santé le 20 septembre dernier. Dans cet écrit, l'institution constate que les réseaux, « construction principalement empirique fondée sur quelques expériences mises en place par des organismes complémentaires », doivent leur développement aux forts restes à charge et à la faible régulation, conséquence du « désengagement de la puissance publique sur les secteurs de l’optique, de l’audition et du dentaire » et « à un cadre juridique très sommaire, constitué principalement par le droit de la concurrence dont l’Autorité de la concurrence a donné, depuis 2009, une interprétation favorable aux plateformes de gestion ».
Le syndicat des audioprothésistes rappelle que selon le rapport, « la relation contractuelle entre les plateformes et les professionnels de santé est (...) déséquilibrée. En plus d’être conclues sans aucune négociation (...), les conventions comportent une très forte asymétrie des droits et obligations réciproques », au détriment des professionnels de santé. Pour l'unsaf, contrairement aux idées reçues, l’Igas constate que « loin de corriger les inégalités d’accès aux soins, les réseaux auraient plutôt tendance à les accentuer », tout en opérant « une forte restriction de la liberté de choix et de prescription ». Quant à la potentielle baisse des dépenses des complémentaires grâce à la pression tarifaire des réseaux, « interrogés par la mission, les organismes complémentaires eux-mêmes – et leurs fédérations respectives – n’ont pas été en mesure de fournir des chiffres. La mission s’étonne d’une telle réponse alors que les réseaux sont présentés comme un levier essentiel de gestion du risque ».
L’Igas conclut par 9 recommandations, dont 2 justifient « une action corrective immédiate des pouvoirs publics » :
- « procéder à une évaluation juridique approfondie du dispositif conventionnel sur lequel reposent les réseaux de soins »
- et « améliorer la sécurité des données à caractère personnel et médical collectées par les réseaux de soins ».
En attendant que ces actions correctives soient mises en place, l'Unsaf souhaite que les conventionnements soient suspendus.
A QUOI SERVENT LES RESEAUX DE SOINS EN OPTIQUE?
- EVITER LE RENONCEMENT AU SOINS ? : PAS SÛR !
Aucune statistique à ce jour ne vient soutenir cette image. Selon l’IGAS, les rézos ne font que reproduire les inégalités des couvertures de santé existantes. Les contrats qui ont les meilleurs remboursements sont ceux qui fournissent l’accès aux prix les plus bas.
- EVITER LES DESERTS MEDICAUX ? : NON !
Rézo = restriction du nombre de Professionnels de Santé (PS) accessibles car vocation à sélectionner peu d’adresses pour baisser les prix en augmentant le volume de patients.
- EVITER LE RAC et DIMINUER LES DEPENSES OPTIQUES ? : NON !
Les rézos imposent certes des prix plus bas mais la promesse de volume pour le PS étant rarement tenue, il incite à renouveler plus souvent les équipements optiques et développe les ventes additives (2e voir 3e paires payantes) qui au final réaugmentent la participation des assurés. D’ailleurs ces ventes supplémentaires, bien que s’agissant de produits de santé réglementés, ne bénéficient d’aucun remboursement et sont donc souvent facturés à part. Ils ne sont donc visibles ni par les rézos, ni par les pouvoirs publics. Doit on également pointer un manque de transparence ?
- DIMINUER LES COTISATIONS MUTUELLES ? : NON !
Chaque année les cotisations augmentent alors que les rézos sont actifs depuis une décennie !
Je pense que le coût de fonctionnement des rézos, le remboursement différencié qu’ils utilisent, l’augmentation de fréquence d’achats optiques qu’ils génèrent, coûtent très cher et ne permettent aucune économie pour les assurés.
- AMELIORER LA QUALITE ? : NON !
L’IGAS estime que l’asymétrie de pouvoirs en faveur des rézos instaure des contraintes fortes sur le PS et a fortiori sur son travail : dépendance financière, poids sur les marges freinant l’innovation, compensation de la baisse de prix de vente par une restriction de la masse salariale et donc du temps d’expertise consacré à chaque patient etc.
- LUTTER CONTRE LA FRAUDE ? : TRES PEU !
Les contrôles à posteriori sont très faibles (0,2%) et nous constatons tous lors de devis que des patients nous réclament de faire « comme leur précédent opticien » pour qu’ils bénéficient de zéro RAC. Pourtant leurs garanties ne permettent pas d’avoir par exemple les montures réclamées dont le PV dépasse 150€ (Dior, Chanel, Starck…).
Au final, selon moi, ces structures ne semblent servir que des intérêts financiers ou commerciaux. D’une part, les sociétés dirigeant ces rézos s’acheminent lentement mais sûrement vers une activité de centrale d’achats. D’autre part, les enseignes nationales d’optique semblent y avoir trouver un partenariat commercial leur garantissant du chiffre d’affaire mais aussi des adhérents en se positionnant au fur et à mesure comme l’interlocuteur indispensable aux opticiens pour obtenir « l’agrément ».
Les rézos ont-ils d’ailleurs la légitimité pour lutter contre la fraude ou pour structurer notre système de santé ? Aujourd’hui l’administration se penche sur ces structures aux champs d’activités et aux codes NAF/APE très éclectiques (cf rapport IGAS publié en septembre 2017). Comment de telles aberrations ont pu prospérer sans contrôle ? Il est urgent que le système de santé français restaure ses fondements à savoir l’accès pour tous à des soins basés sur la qualité. Le nouveau devis et la protection des données personnelles de santé vont interdire l’usage d’OptoAMC en 2018. Une opportunité de reprendre en main son métier se présente aux opticiens. Résistez à la logique commerciale des réseaux de soins. Préparez vous à montrer pleinement votre savoir faire de professionnel de la vision !
Dans l’optique, Alain Gerbel, président de la Fnof, avait déjà évoqué ce sujet dans l’article « Réseaux de soins : les réactions des syndicats sur le rapport de l’Igas ».