Le 21 mai dernier, le Tribunal administratif de Paris a condamné l’État pour son refus d’agir pour rendre accessibles des logiciels utilisés par les enseignants et agents administratifs et sociaux de l’Éducation nationale, les élèves et leurs parents.

Cette décision est une première juridique et une victoire pour les personnes déficientes visuelles dont les intérêts étaient défendus dans ce dossier par les associations apiDV (Accompagner, Promouvoir, Intégrer les Déficients Visuels) et Intérêt à Agir.

 

Impossibilité d'accéder à certains services publics

Hervé Rihal, professeur émérite de droit public à l’Université d’Angers, est membre de ces deux associations, et à l’origine du recours. Il explique : « ce qui pose problème c’est l’impossibilité d’utiliser certaines fonctionnalités non accessibles, comme la sélection du nom d’un professeur pour un parent qui veut lui écrire dans la messagerie, ou le décryptage d’un pictograme de couleur pour un travailleur social qui souhaite vérifier l’absence d’un élève, ou simplement lire les notes d'un élève. »

 

Une pénalité pour l'autonomie des déficients visuels

Face à une inaccessibilité numérique, un déficient visuel est dans la même situation qu'une personne handicapée moteur confrontée à un escalier : il ne peut franchir seul l'obstacle et doit avoir recours à l'aide d'un tiers.

Pierre Marragou, président de l’association apiDV, précise : « pour lire une information sur un site web ou un logiciel, les personnes déficientes visuelles utilisent un lecteur d’écran qui donne les information sous forme vocalisée ou en braille. Pour que cela fonctionne, il faut respecter des critères d’accessibilité. »

 

Ce que dit la loi de 2005

La loi du 11 février 2005 vise à instaurer une égalité des chances entre les personnes handicapées et les autres et à favoriser l'inclusion scolaire. Mais tous les logiciels ne la respectent pas. 

 

Les établissements scolaires aux ENT inaccessibles désormais hors-la-loi

Saisie par nombre de ses adhérents, l'association Intérêt à Agir a déployé ses juristes qui ont longuement travaillé sur le sujet.

Le 21 mai 2024, après une longue procédure entamée en 2021, le Tribunal administratif de Paris ordonne à l'ARCOM, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique de veiller à la mise en accessibilité rapide de ces logiciels, faute de quoi les établissements scolaires seront hors-la-loi s’ils les utilisent.

Pour l'ensemble des personnes déficientes visuelles, il s'agit d'une victoire considérable contre cette discrimination. Il aura fallu près de vingt ans pour que la loi s'applique.

 

Obligations et sanctions

Les acteurs publics et privés ont 2 types d'obligations :

  • Obligation d'affichage et de transparence  = publier une déclaration d'accessibilité, même si celle-ci affiche une accessibilité non conforme
  • Mise en place des actions de corrections pour rendre accessible le site ou le logiciel si celui-ci n'est pas conforme.

En cas de non-réponse et/ou d'inaction suite aux mises en demeure de l'ARCOM, celle-ci peut aller jusqu'à prononcer une amende de 50 000€.

 

Ampleur du phénomène

Le nombre d'établissements concernés par ce problème d'accessibilité numérique n'est pas connu car aucun diagnostic général n'a été mené, mais les plaintes des usagers déficients visuels ont été nombreuses.

On sait néanmoins que plus de 80% des collèges/lycées et 20% des écoles primaires utilisent des ENT (Espace numérique de travail) et 2 millions de personnes sont concernées en France par les problèmes d'accessibilité numérique.