Maître Matthieu Berguig, avocat au barreau de Paris, spécialiste de la propriété intellectuelle des marques, s’est intéressé pour acuite.fr au litige entre Optical Center et Optical Centre, un opticien du Kremlin-Bicêtre. L'arrêt rendu de la Cour d’appel de Paris le 24 mai dernier, précise que le nom commercial « Optical Center » n’est pas suffisamment distinctif et ne peut donc pas faire l’objet d’une protection par le biais en concurrence déloyale.

Rappels des faits et analyse

A la tête d’un réseau de franchise, Optical Center se plaignait d'actes de concurrence déloyale du fait de l'utilisation de cette enseigne proche de son nom commercial ainsi que de supports de communication, l'opticien ayant autrefois appartenu au réseau de la demanderesse.

Il convient de noter que, même si la société Optical Center est titulaire d'une marque communautaire du même nom, ce titre n'était apparemment pas invoqué au soutien de ses demandes dans le cadre de cette procédure qui, en première instance, s'est tenue d'abord devant le Tribunal de commerce, qui s'était déclaré incompétent, puis devant le Tribunal de grande instance de Paris.

Alors qu'Optical Center se plaignait de l'entretien d'une confusion dans l'esprit du public par son concurrent Optical Centre, la Cour d'appel de Paris a confirmé le jugement qui avait refusé d'y voir des actes de concurrence déloyale. La motivation principale de l'arrêt repose sur le fait que le nom « Optical Center » ne serait pas suffisamment distinctif pour pouvoir, à lui seul, rallier la clientèle.

C'est ainsi que l'arrêt rappelle que « l'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée ». Or, au regard de ces éléments, les magistrats ont estimé que la société exerçant sous l'enseigne « Optical Centre » n'avait pas pu commettre de faute puisque l'enseigne de son concurrent n'était tout simplement pas protégeable, le public français étant conduit à comprendre que le signe « Optical Center » désignait un « centre optique ».

La solution peut apparaître surprenante si l'on tient compte de la renommée du réseau « Optical Center », qui compte 400 boutiques en Europe ainsi qu'un site internet, présenté comme le premier du genre. Elle marque en tout cas une nouvelle fois une forme de « contamination » de l'action en concurrence déloyale par le droit de la propriété industrielle, puisque le raisonnement retenu par la Cour est très proche de celui qui gouverne la validité des marques, lesquelles ne doivent pas être génériques ou descriptives au regard des produits et services visés dans l'acte d'enregistrement.

Sur le plan des principes de droit des marques, qui n'étaient pas abordés dans cette affaire, il est vrai que le signe « Optical Center » peut apparaître peu distinctif si l'on ne tient compte que de son élément verbal. Cependant, la marque a été déposée sous une forme semi-figurative (avec un logo). En outre, l'usage de la marque peut lui avoir conféré un caractère distinctif. Il est donc impossible de tirer de cette décision la moindre conclusion en ce qui concerne la validité de la marque.

Les amateurs de droit processuel auront par ailleurs relevé avec intérêt que, pour la Cour, la portée de l'appel peut se déduire du texte des conclusions et pas seulement du dispositif (alias le « Par ces motifs »).  

Cette analyse de Maitre Matthieu Berguig a également fait l’objet d’une chronique dans le Journal du Net.

Rédigé par Maitre Matthieu Berguig