La Cour des comptes, dans son dernier rapport sur la Sécurité sociale, dresse un tableau critique de la situation des soins visuels en France. Pénurie démographique des ophtalmologistes dont le nombre pourrait baisser de 20% d’ici 2030, répartition inégale sur le territoire qui se traduit par un délai d’attente moyen de 80 jours *, tous ces éléments appellent, selon les Sages, à une réorganisation de la filière de soins visuels. Et ce d’autant que les dépenses de soins visuels ont fortement augmenté pour atteindre 9,6 milliards d’euros en 2016. Parmi celles-ci, la cour pointe notamment la croissance rapide des dépenses liées à l’activité libérale des ophtalmologistes (+21,6% en euros constants entre 2010 et 2016, 1,7 milliards d’euros en 2016). Cette hausse découle autant des dépenses laissées à la charge de l’assuré (ticket modérateur et dépassements d’honoraires) qu’à l’augmentation des actes.
+1,9% pour les revenus des ophtalmologistes entre 2005 et 2014
En 2016, les dépassements d’honoraires représentaient 25,6% des dépenses en ville. Près de 58% des ophtalmologistes exercent en secteur 2 (ou 1 avec droit de dépassement) et le taux moyen de dépassement d’honoraires s’établit en 2017 à 54,3%. Une situation qui « engendre des rentes de situation », selon la Cour des comptes.
Entre 2005 et 2014, le revenu moyen d’activité des ophtalmologistes a augmenté de 1,9% par an contre 0,9% pour les spécialistes dans leur ensemble. En 2014, il s’établissait à 169 530 euros (contre 111 760 euros pour l’ensemble des médecins). Or « en dépit de cette augmentation des dépenses de soins visuels, les besoins de la population ne sont imparfaitement couverts » selon les Sages.
Conditionner l’installation dans les zones à niveaux élevés de dépassement d’honoraires
Pour remédier à cette situation critique, les Sages proposent de mettre en place une politique d’ensemble des soins visuels : ouvrir la prescription en première intention des équipements optiques aux orthoptistes et aux opticiens. Ils recommandent également une politique volontariste de maîtrise des dépassements d’honoraires, s’il n’y a pas de réduction significative de ceux-ci d’ici 5 ans, en régulant l’accès au secteur 2. Ils préconisent en outre de conditionner les nouvelles installations d’ophtalmologistes libéraux dans les zones caractérisées par des niveaux élevés de dépassements à l’adhésion obligatoire à l’OPTAM (option de pratique tarifaire maîtrisée**). Pour rappel, selon la Cour des comptes, en juin 2018, seuls 516 ophtalmologistes ont adhéré au dispositif.
*Source : Drees, Etudes et Résultats octobre 2018
**Depuis le 1er janvier 2017, le contrat d’accès aux soins a été remplacé par l’option de pratique tarifaire maîtrisée (OPTAM) : en contrepartie d’une prime valorisant son activité réalisée à tarif opposable, chaque médecin qui y adhère s’engage sur un taux moyen d’activité à tarif opposable et sur un taux moyen de dépassement qui ne peut excéder 100%.