Deux semaines après le redémarrage de l’activité, Acuité vous propose un tour d’horizon des enseignes d’optique. Après Marcel Cézar, directeur de la franchise Acuitis, nous avons interrogé Didier Pascual, PDG du groupe Afflelou. Le dirigeant nous confie sa satisfaction de la reprise et sa stratégie post-confinement. Interview…
Acuité : Comment se sont déroulés les premiers jours de la reprise ?
Didier Pascual : La reprise se passe bien, c’est encourageant pour la suite. Néanmoins, les résultats sont contrastés selon les types de magasins. Ceux de centre-ville ont repris une dynamique très positive. Certains sont même en progression. En revanche, les centres commerciaux souffrent. Ceux qui ont réouvert dans les « grands centres commerciaux » enregistrent une baisse de chiffre d’affaires qui peut aller jusqu’à 80 voire 90%.
A. Quelles mesures avez-vous prises pour le redémarrage rapide de l’activité ?
D.P : Outre les mesures strictes de distanciation sociale prises au sein de toutes les enseignes, l’élément marquant du redémarrage de l’activité est la prise de rendez-vous. C’est un très bel outil pour gérer le flux de clients en magasin et notre taux de concrétisation des ventes est supérieur à 90%. Notre souhait : continuer à proposer ce service à nos clients après le Covid-19. Avant la crise sanitaire, nous avions insisté fortement auprès de nos franchisés pour développer la prise de rendez-vous. Le Covid-19 a démontré l’utilité de ce service digitalisé pour les opticiens et les porteurs de lunettes. Pour donner un ordre de grandeur, en 10 jours, nous avons généré 50 000 rendez-vous.
A. Alors que sur les 4 premiers mois de l’année le marché de l’optique est à -36%, quelles sont vos estimations pour l’année complète ?
D.P : Le 2e semestre est conditionné à plusieurs inconnues. A quel horizon aurons-nous un vaccin ou traitement ? A quelle vitesse le virus va continuer de circuler dans les mois à venir ? Toutes ces questions restent pour le moment en suspens. 3e facteur à prendre à considération : un report d’achat dû à la pénurie d’ordonnances. Nous allons probablement avoir d’ici fin juin à fin septembre un grand nombre de patients en attente d’une consultation chez l’ophtalmologiste. Le problème d’engorgement des praticiens sera encore plus conséquent qu’il y a 2 mois. Se posent alors les questions : quand allons-nous récupérer les 2 à 3 millions d’ordonnances manquantes ? Et à quel rythme ? Dans ce contexte, établir un scénario semble compliqué. Toutefois, nous pouvons anticiper une baisse du marché entre -10% et -20%.
A. Compte tenu de la situation, quand les opticiens pourront-ils retrouver une activité proche de celle de 2019 ?
D.P : Si nous ne connaissons pas de 2e vague, nous pensons qu’à la rentrée, entre septembre et octobre, nous pourrons retrouver de très près une activité proche de celle de 2019.
Cette crise est inouïe, mais je n’ai pas d’inquiétude pour notre réseau. Seulement 2% de nos franchisés vont rencontrer des difficultés suite à l’épidémie. Pour ces opticiens, nous avons décidé de dégager des moyens financiers spécifiques pour les accompagner : facilités de paiement, reports d’échéances quasi-totales... Pour les 98% restants de nos franchisés, ils vont faire face grâce aux moyens importants du groupe mis à leur disposition. Entre les efforts de trésorerie supportés par le groupe, les garanties données pour que les opticiens puissent réaliser des emprunts, plusieurs dizaines de millions d’euros ont été mobilisés.
A. Pour retrouver une activité plus conforme, quelle est votre stratégie post-confinement ?
D.P : Nous devons tirer les conséquences de cette crise sanitaire et nous adapter. Pour autant, nous avions une stratégie avant le Covid-19, et elle restera notre base de travail. L’année dernière, nous avions lancé des chantiers sur les outils digitaux. Compte tenu de la situation, un décalage dans le temps va s’opérer. Mais nous travaillons sur une solution d’omnicanalité où la préparation de l’acte d’achat, de sélection, de réflexion commence en ligne avant d’être finalisé en magasin. Le sens inverse est également à l’étude. Même si nos taux de transformation sont élevés. Seuls 10% des clients qui se déplacent en magasin ne se décident pas dans l’instant. Il faut leur laisser la possibilité de valider la vente directement de chez eux dans les jours qui suivent.
Nous pensons donc que la transformation digitale va devenir essentielle. D’où la nécessité de mettre en place des solutions. Cette crise nous convainc que c’est la bonne voie à suivre et que nous devons accélérer les choses. Les différents projets s’inscrivent sur une période de 18 mois et ont pour objectif de faciliter le parcours client en magasin. Comment ? Avec des outils digitaux pour la recherche des besoins, de nouvelles versions encore plus abouties pour l’essayage des montures… Certains avanceront plus rapidement que d’autres en fonction des développements techniques.
En tout état de cause, le processus sera long car l’omnicanalité n’est pas ancrée dans les habitudes françaises. Mais durant le confinement, un certain nombre de clients se sont convertis à l’achat en ligne. Ces ventes ont d’ailleurs été multipliées entre 2 et 3 au sein du groupe Afflelou.