Le conseil d’administration du Syndicat National des Ophtalmologistes de France (Snof) a récemment élu le docteur Vincent Dedes, ancien secrétaire général du Snof, comme nouveau président. Cet ophtalmologiste libéral et ancien praticien hospitalier, installé à Lille, a répondu à Acuité pour expliquer quelles vont être les grandes lignes de son mandat de 3 ans.
Quelle direction allez-vous donner au Snof ?
« Cela fait maintenant 10 ans que je participe aux travaux du Snof, donc nous allons poursuivre ce que nous avons déjà engagé. J'ai bénéficié des conseils de Thierry Bour, mon prédécesseur, et nous sommes sur la même longueur d'onde : le développement de notre profession, et sa défense, en respectant les règles de déontologie au service du patient et à la qualité des soins. Ces 10 dernières années, nous avons beaucoup travaillé pour améliorer l'accès aux soins en ophtalmologie : nous souhaitons pérenniser ces efforts. »
Quelle est la représentativité du Snof chez les ophtalmologistes ?
« Le Snof c’est un peu plus de 40% des ophtalmologistes en France, soit entre 2000 et 2500 adhérents, ce qui en fait le seul syndicat représentatif de la profession. Il regroupe essentiellement des ophtalmologistes libéraux, mais aussi des ophtalmologistes hospitaliers. Nous avons noué des contacts très étroits avec le conseil national professionnel, ainsi qu'avec l’Anjo, l'association nationale des jeunes ophtalmologistes. »
Quels vont être les principaux axes de travail pour ces trois prochaines années ?
« La priorité va être donnée à l'amélioration de l’accès aux soins. Nous constatons une belle amélioration ces dernières années, si nous regardons les chiffres nationaux, bien que la situation reste tendue dans certains territoires. Sur ces zones-là, il va falloir que nous avancions sur le sujet des sites multiples, anciennement sites secondaires. Au Snof, nous sommes promoteurs de cette solution, avec un fonctionnement multimodal, car il faut pouvoir assurer la continuité et la territorialité des soins.
Pour cela, nous nous appuyons sur les équipes de soins spécialisés (ESS), c'est-à-dire une prise en charge sur un territoire par différents ophtalmologistes afin de faciliter le parcours de soins. Nous avons aujourd'hui deux équipes qui sont opérationnelles, une dans les Hauts-de-France et une en région parisienne.
Par ailleurs, l’ophtalmologie est une spécialité qui s’appuie énormément sur les opticiens et les orthoptistes grâce à la délégation de tâches avec les orthoptistes et par une coopération avec les opticiens. Depuis des années, le renouvellement des lunettes chez les opticiens à grandement fluidifié l'accès aux équipements et réduit les contrôles simples auprès des ophtalmologistes. Il faut poursuivre dans ce sens. »
Quelle place doit avoir la télémédecine dans l’offre de soins ?
« Je pense que la télémédecine est un bon outil. Cependant, un encadrement est nécessaire. En médecine générale, une récente étude fait état d'une moyenne d’âge quasiment 20 ans inférieure, un taux de prescription d’antibiotiques deux fois supérieur et un nombre de reconsultations trois fois plus important, par rapport aux consultations physiques.
Nous constatons souvent que le patient ne connait pas le nom de l’ophtalmologiste qu’il consulte. C’est en opposition avec le libre choix du praticien. Et un médecin éloigné géographiquement ne pourra pas assurer la continuité des soins. Les téléconsultations ont tendance à désorganiser nos consultations physiques. Les patients arrivent parfois avec un dépistage, déçus ou très inquiets, sans dossier...
Thomas Fatôme, le directeur de la Cnam, a même parlé de "Far West de la téléconsultation". Nous le rejoignons pleinement. En optique, l’offre de télémédecine est plutôt proposée non pas pour améliorer l'accès médical du patient, mais pour des raisons mercantiles, pour amortir le coût de ces plateformes en délivrant des équipements. »
Lors de votre nomination, vous avez parlé de réduire la dépendance des français aux lunettes. Qu'est-ce que cela signifie ?
« L’idée n'est pas que les gens se passent de lunettes. Réduire cette dépendance, commence par l’amélioration du dépistage en bas âge, jusqu'aux moyens de freination de la myopie.
Deuxième chose : améliorer l’accès aux lentilles. Le taux d’équipement est un peu faible par rapport à d'autres pays, alors que ça peut être une très bonne solution pour les patients, en complément des lunettes. Nous nous réjouissons d'ailleurs de voir de plus en plus de jeunes ophtalmologistes se réinvestir dans la contactologie.
Troisième solution : la chirurgie réfractive se développe avec des résultats qui sont de plus en plus performants.
Quatrième point, la chirurgie de la cataracte. Aujourd’hui nous pouvons améliorer la transparence du cristallin et réduire fortement la correction. Les implants sont de plus en plus précis.
Toutes ces solutions permettent aux patients d’être de moins en moins dépendants de leurs lunettes. »
Quel avenir pour les centres de santé qui fraudent ?
« Le Snof a été lanceur d’alerte, en 2018, concernant ces établissements. Une quarantaine de centres de santé ont été soit fermés soit déconventionnés. D’autres centres de santé sont concernés : le combat continue.
Nous sommes extrêmement surpris de l’attitude silencieuse de la fédération des centres de santé ou parfois des mutuelles puisque ces dérives étaient bien connues. Nous voyons malheureusement certains gestionnaires ou certains dirigeants de centres essayer de réouvrir sous un autre nom, dans une autre région. Les médecins et les professionnels de santé qui y exercent sont aujourd'hui plus attentifs : il leur est désormais difficile d'ignorer lorsqu'ils participent à un modèle frauduleux.
L'encadrement a été renforcé et va l'être de plus en plus pour redéfinir le modèle des centres de santé. »