Le décret d'application de l'adaptation des primo-prescriction a été publié vendredi 28 juin au Journal Officiel. Il était attendu depuis depuis de nombreux mois, après plusieurs années de négociations.
Au fil du temps, pas moins de 3 versions ont été proposées au ministère de la Santé.
Le décret finalement publié au JO a pris de court les syndicats de la filière visuelle pour 2 raisons :
- Personne ne s'attendait à ce qu'il soit publié à quelques jours des élections législatives
- Son contenu ne correspond pas aux négociations menées
Quelle est l'origine de ce décret ?
Il est la conséquence d'une réalité du terrain : les opticiens adaptent régulièrement les prescriptions pour apporter le meilleur confort visuel aux porteurs qui supportent mal leur correction optique. Une pratique fréquente ; pour autant, personne ne sait combien d'adaptations de primo-prescriptions sont réalisées chaque année.
C'est pour donner un cadre réglementaire à cette pratique du terrain que sont nés une loi et un décret.
- La convention avec la Cnam en 2022 proposait un accord écrit ou oral du prescripteur lors d'une modification d'une première ordonnance par un opticien.
- La loi Rist de 2023 réduisait cet accord à une réponse écrite uniquement.
- Aujourd'hui, le décret d'application de la loi Rist impose un accord écrit du prescripteur sous 10 jours ouvrables. Cependant, sans réponse du prescripteur au bout de ces 10 jours, l'adaptation est considérée comme autorisée.
Pour le Snof (ophtalmologistes), le Snao (orthoptistes) et la Fnof (opticiens), ce nouveau texte est en contradiction avec les accords préalablement établis lors des réunions de travail avec le ministère de la santé. Surtout, il introduit une notion juridique qui n'existe pas en médecine (le principe de "qui ne dit mot consent"). C'est la raison pour laquelle le Snof a annoncé demander un recours en annulation auprès du Conseil d’État.
Les syndicats (Aof, Fnof, Rof, Snof, par ordre alphabétique) ont rapidement accepté de s'exprimer sur Acuite.fr
- Thibaut Thaëron, président de l'association des opticiens de France (AOF)
- Hugues Verdier-Davioud, président de la Fédération nationale des opticiens de France (Fnof)
- Jean-François Porte, président du Rassemblement des opticiens de France (Rof)
- Vincent Dedes, président du Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof)
« Nous sommes satisfaits de cette reconnaissance des compétences des opticiens », déclare Thibaud Thaëron, président de l'Association des optométristes de France (AOF)
« Nous accueillons avec satisfaction la publication d'un décret attendu depuis longtemps, qui rappelle que ce sont les opticiens qui sont chargés techniquement et financièrement des équipements optiques. Nous souhaitons que les patients soient à l'aise en ayant les équipements les mieux adaptés. Le décret va dans ce sens, et il était nécessaire d'établir un cadre pour l'adaptation des primo-prescriptions. Cette dernière passe nécessairement par l'opticien.
Nous incitons nos adhérents et tous les opticiens à améliorer la communication avec les prescripteurs avec la messagerie sécurisée de leur choix. C'est indispensable et je suis confiant que nous pouvons ensemble généraliser cette pratique.
Néanmoins, on peut regretter qu'il n'y ait pas eu un meilleur compromis. Un délai de 10 jours d'attente, dans le monde du commerce, c'est extrêmement long. Le temps médical et le temps commercial n'ont pas les mêmes contraintes.
Nous sommes ouverts au dialogue et nous trouverons une solution de compromis tous ensemble chaque fois que cela sera nécessaire. N'oublions pas que les relations entre les 3O se passe très bien dans la très grande majorité des cas ».
Thibaud Thaëron, président de l'Association des optométristes de France (AOF)
« Ce décret est un sabotage de la loi, de son esprit et de ses objectifs », s'indigne la Fnof qui souhaite supprimer à la fois le délai et l’accord écrit
« Je ne vois pas comment on peut se réjouir d'un tel décret », nous explique Hugues Verdier-Davioud, président de la Fédération nationale des opticiens de France. « Non seulement il ne bénéficie pas au patient, mais en plus il est inapplicable.
Les patients attendent déjà souvent des semaines voire des mois avant d'obtenir un rendez-vous chez l’ophtalmologiste et une ordonnance, et aucun d'entre eux ne va patienter 10 jours supplémentaires pour obtenir son équipement.
Il sera beaucoup plus rapide pour lui d’avoir recours à la télémédecine et obtenir une nouvelle ordonnance, plutôt qu'attendre la réponse d'un ophtalmo qui ne viendra pas. Sur l'année qui vient de s'écouler, moins de 5% des prescripteurs ont accepté d’échanger avec les opticiens via une messagerie sécurisée.
Lorsque l'opticien adapte une ordonnance, ce n'est pas pour la modifier ou remettre en question la prérogative du médecin, c'est avant tout pour le confort de ses patients, parce qu'il est consciencieux et assume son rôle de professionnel de santé.
Ce décret est un sabotage de la loi, de son esprit et de ses objectifs.
Pour ma part, je vais écrire au ministère de la Santé pour demander de supprimer la notion de délai et l’accord écrit, toujours dans l’intérêt de l'accès à l'équipement des patients. Et la Fédération est prête à se remettre au travail tous ensemble pour la filière. »
Hugues Verdier-Davioud, président de la Fédération nationale des opticiens de France (Fnof)
« Cette nouvelle compétence implique de nouvelles responsabilités », se réjouit le Rof
Le Rassemblement des opticiens de France « se réjouit d’une prise en compte de ses propositions et remercie ses interlocuteurs de leur confiance ».
Pour le président du Rassemblement des opticiens de France (Rof) Jean-François Porte, c'est « une avancée notable dans la coopération entre ophtalmologistes, orthoptistes et opticiens pour fluidifier le parcours de santé en France. Cela va libérer du temps médical.
Le décret augmente la responsabilité et le rôle des opticiens dans la filière visuelle. À nous d'être à la hauteur et de communiquer avec les ophtalmologistes lors d'adaptations de primo-prescriptions, et à eux de répondre pour éviter que le patient attende 10 jours pour obtenir un équipement le mieux adapté. Cette nouvelle compétence implique de nouvelles responsabilités, pour l'opticien comme pour l'ophtalmologiste. »
Jean-François Porte, président du Rassemblement des opticiens de France (Rof)
« Ce n'est un bon texte pour personne », regrette le Snof qui saisit le Conseil d'État
Dans un communiqué conjoint, le Snof (ophtalmologistes) et le Snao (orthoptistes) « alertent sur une réécriture unilatérale et dangereuse du décret d'application de la loi Rist, sans concertation préalable. Les ophtalmologistes et les orthoptistes s’opposent donc de manière solidaire à ce nouveau décret d’application et demandent un recours en annulation auprès du Conseil d’État ».
Vincent Dedes, président du Snof, nous a précisé que « ce n'est un bon texte ni pour les patients, ni pour les opticiens, ni pour les ophtalmologistes. Il n'est pas envisageable de laisser aux opticiens l'adaptation des prescriptions thérapeutiques incluant les prismes ou les verres freinateurs.
Dans son état actuel, cette modification du projet de décret ne constitue en rien une amélioration pour les patients, mais pourrait conduire à de nombreuses situations conflictuelles et contentieuses.
Par ailleurs, pour Vincent Dedes, « 10 jours d'attente pour adapter une prescription, c'est très long. Idéalement, ça devrait se faire dans la journée. Pour cela, il faut revenir à un enjeu essentiel d'aujourd'hui : avancer sur une meilleure communication entre les 3O, sur laquelle nous travaillons entre les syndicats de la filière.
Il existe une véritable entente et coopération entre nous depuis quelques mois sur plusieurs sujets, et je veux croire que nous allons ensemble trouver une solution concernant l'adaptation de la primo-prescription ».
Vincent Dedes, président du Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof)
Rappel de votre nouvelle compétence
En attendant de potentielles nouvelles négociations et éventuellement des ajustements, le décret publié vendredi dernier permet désormais à l'opticien d'adapter la prescription d'un primo-porteur, ce qui n'était pas le cas précédemment. Et de respecter la procédure suivante :
- informer le prescripteur par messagerie sécurisée de la modification à apporter à l'ordonnance du patient/client,
- patienter jusqu'à 10 jours pour obtenir une réponse favorable ou défavorable du prescripteur
- sans réponse de sa part au bout de 10 jours ouvrables, votre modifcation est considérée comme validée et vous pouvez passer la commande...
C'est long, mais c'est désormais la règle à adopter.
mais non 10 jours ?pfff ,niveau administratif ca devient très lourd
les opticiens ont en marre de cette %#@ de paperasse en magasin ,
les gars allez en audio, centre ophtalmologies ou ailleurs c'est invivable
Une Loi ou un décret inapplicables tous les ans. Bien d'autres secteurs seraient ravis, pourquoi ne pas s'en réjouir nous aussi. Peut-être parce que le temps de travail administratif en magasin devient infernal, que nos collaborateurs démissionnent et quittent le métier ? Bon courage pour expliquer aux clients le délai supplémentaire.
Merci Messieurs les petits hommes gris, je penserai à vous en glissant mon bulletin de vote dans l'urne dimanche prochain.