Soigner le corps en trompant le cerveau, voici une idée déjà appliquée à quelques patients en France grâce à l’utilisation de lunettes prismatiques. La méthode qui présente plusieurs avantages est aujourd’hui testée chez des personnes atteintes d’algodystrophie.
Cette maladie qui fait partie des pathologies rares se caractérise par des douleurs importantes, des oedèmes ou des rougeurs. La conséquence principale de l’algodystrophie est la concentration excessive du malade sur une zone douloureuse localisée. Un effet dangereux puisque certains patients tendent à négliger le reste de leur corps. De fait, nombre d’entre eux ont perdu conscience de plusieurs membres. La plupart du temps, les cas d’héminégligence sont décelés après un AVC. Pour y remédier, de plus en plus en plus de patients ont recours à une méthode novatrice pour soulager l’algodystrophie.
Afin de contourner la focalisation du cerveau sur les zones douloureuses un médecin japonais, le Dr Masahiko Sumitani de l'université d'Osaka, a eu l’idée d’altérer l’activité cérébrale à l’aide de lunettes prismatiques. Des verres spéciaux reproduisent l’image en la décalant vers le côté droit. La déviation du champ visuel redirige en quelque sorte la concentration du cerveau. Le Japonais a fait appel à Lyon, à une équipe de praticiens du Centre orthopédique Paul-Santy et des chercheurs de l’Inserm pour expérimenter ces lunettes prismatiques.
Le verre prismatique dévie le champ visuel et crée une image virtuelle décalée sur la droite et "trompe" le cerveau. Munis de ces lunettes, les patients durant leurs exercices doivent désigner ou prendre des objets. Ce travail permet une réapropriation du côté négligé. L'adaptation prismatique agit sur des fonctions sensitivomotrices élémentaires qui sont inconscientes, on sait simplement que c'est l'activation du cervelet qui permet l'adaptation puisqu'il y a une répercussion au niveau du cortex temporal.
Selon le degré d'atteinte, les patients peuvent se contenter de plusieurs séances quotidiennes d'une dizaine de minutes pour avoir une amélioration de la vue, de l'audition mais aussi de l'attention et ce, de manière soutenue dans le temps, tandis que d'autres auront besoin de séances ultérieures. Si l’étude est encore en cours plusieurs malades ont déjà retrouvé une liberté de mouvement des membres atteints ainsi qu’un sommeil plus stable.
Vantée pour l’absence d’effets secondaires et un coût faible, cette innovation pourrait être élargie très prochainement. Pour le professeur Yves Rossetti qui suit de près les premiers résultats c’est le concept même de déviation de l’attention visuelle qui pourrait être développée et appliqué à d’autres pathologies.
NB : L’algodystrophie
Plus connu sous le terme d’algodystrophie ou de causalgie, le syndrome douloureux régional complexe (SDRC) désigne une douleur continue, spontanée ou provoquée, qui touche le plus souvent les membres supérieurs. D’origine traumatique dans 40 % des cas, ce syndrome douloureux peut aussi apparaître après une intervention chirurgicale, mais n’a parfois aucune cause identifiée (5 à 10 % des cas). Une des particularités des patients souffrant du SDRC est que leur attention est focalisée sur la zone douloureuse, cela pouvant aller dans les cas extrêmes jusqu’à négliger l’autre côté non douloureux.
Atteinte d'algodystrophie depuis 2012, et ayant mené des recherches sur le sujet, je voudrais ajouter quelques précisions à l'article.
Dans tous les cas que je connais, la négligence en algo concerne la zone douloureuse (bras ou jambe généralement...) et peut aboutir à une hypoesthésie.
Cette pathologie méconnue étant extrêmement douloureuse et pouvant avoir des conséquences graves, cette technique représente un réel espoir, de même que la thérapie Moseley, qui utilise les images...