Il n'est pas étonnant que la PLL Le Roux ait déjà été partiellement adoptée (article 1), mercredi 24 juillet par le Sénat, quand on lit les conclusions du Haut Conseil pour l'Avenir de l'Assurance Maladie (HCAAM) sur la généralisation de la complémentaire santé*. L'ensemble rentre dans une stratégie de réduction des coûts et, on peut le supposer, de désengagement de l'Etat sur l'optique.
En effet, parmi les préconisations visant une plus grande efficacité du système de santé français, un certain nombre concerne notre secteur. Rejetant l'hypothèse d'une fixation d'un prix-limite de vente, l'instance recommande de se tourner vers les Ocam pour gérer le risque et contenir les hausses tarifaires, en particulier à travers les réseaux de soins. Une suggestion qui a déjà été entendue par les parlementaires avec la PPL Le Roux...
Repenser les modes de remboursement
Pour le HCAAM, il apparait judicieux de réfléchir aux moyens d'oeuvrer pour « une meilleure articulation et coordination de la gestion du risque » entre l'Assurance maladie obligatoire (AMO) et l'Assurance maladie complémentaire (AMC). En termes plus pragmatiques, « cette intention pourrait se traduire par une nouvelle définition des contrats responsables » qui devraient dès lors se plier à de nouvelles règles. Notamment dans le cas de notre secteur où les rapporteurs du Haut Conseil proposent d'interdire « les formules de remboursement incitant des dépenses injustifiées », tels que « le remboursement des lunettes tous les ans sans modification de la prescription médicale ou le remboursement aux frais réels ». Reste que « le bon “réglage“ des exigences est délicat sauf à encadrer trop étroitement les contrats, ce qui risque d'être inopérant compte tenu de la difficulté de contrôler les formules diverses de garanties et de la capacité d'innovation des complémentaires sur ce point », conclut-il.
Une alternative consisterait à instaurer « un plafonnement du remboursement », néanmoins se poserait la question du bon niveau à trouver. Cette « solution exige, d'après le Haut Conseil, la mise en place d'un processus combinant observation des marchés, concertation et suivi avec les Ocam et les professionnels ». Un plafonnement déjà en place pour les assurances et institutions de prévoyance, qui sont libres de pratiquer des remboursements différenciés. Côté mutuelles, la MGEN devrait être à l'abri de toute poursuite grâce à l'adoption de l'article 1 de la PPL Le Roux. Or à l'instar des médecins, de nombreuses voix s'élèvent pour dénoncer une probable médecine « à 2 vitesses ».
Les réseaux pour baisser les prix ?
Pour le HCAAM, la meilleure idée serait donc finalement « de confier la gestion du risque aux organismes complémentaires pour l'optique, les soins dentaires et les audioprothèses », moyennant la création « d'un socle partagé de valeurs : non sélection des risques de santé, refus de prendre en charge une dépense de soins non justifiée, recherche de la qualité des soins.» Là encore on voit dans l'article 2 de la PPL Le roux qu'il s'agit de limiter les clauses tarifaires à ces seules 3 professions (il est dit dans l'article2 : «Pour les professionnels de santé autres que ceux appartenant à des professions mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 162-14-3 du présent code, ces conventions ne peuvent comporter de stipulations tarifaires relatives aux actes et prestations mentionnées aux articles L. 162-1-7 et L. 162-14-1 du présent code.»)
Ainsi d'après l'instance, les réseaux professionnels « encadrés par l'Autorité de la concurrence, seraient un outil de cette gestion du risque s'ils permettent effectivement de contrôler la qualité des soins, de maîtriser les volumes et les prix, et donc les restes à charge pour les assurés. » Pour y parvenir, les Ocam ont besoin d'« avoir la garantie du besoin médical, pouvoir moduler les remboursements en fonction de ce besoin et contrôler l'adéquation du remboursement aux garanties du contrat. » Le rapport précise que « dans le domaine de l'optique, il apparait que les Ocam disposent des informations permettant d'ajuster les remboursements aux besoins effectifs. Il est possible d'avoir des garanties différentes selon la correction visuelle, dans le cadre éventuellement d'un même contrat, ce qui permet aux Ocam de ne pas rembourser des dépenses injustifiées. » Comme le disait Philippe Mixte, président de la Fnim (Fédération nationale indépendante des mutuelles) dans une interview réalisée par Acuité , « mettons le paquet sur le côté santé de l'optique mais ne remboursons pas les accessoires de mode. Il faut rendre le système plus vertueux ».
Mais «d'autres éléments pourraient également contribuer à la régulation du secteur et à une meilleure concurrence », selon le Haut Conseil qui cite comme exemple « l'information des assurés sur les prix d'achat des dispositifs médicaux, le développement des ventes en ligne ou encore la mise en place d'un numerus clausus pour les opticiens, etc.»
Décidemment notre profession est dans l'oeil du cyclone et comme le disait Marc Simoncini, il est possible que sa réussite se construise sur nos ruines.
*Dans son article 1er, le projet de loi sur la sécurisation de l'emploi, issu de l'Accord national interprofessionnel (ANI) signé entre les organisations patronales et syndicales, prévoit de généraliser la complémentaire santé d'entreprise d'ici le 1er janvier 2016. Il a été adopté par l'Assemblée nationale en avril dernier puis en mai par les sénateurs. Lire notre news ici
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