Ce mercredi 2 avril 2025, l'Assemblée nationale a adopté un article controversé d'une proposition de loi visant à réguler l'installation des médecins généralistes et spécialistes sur le territoire français. Cette mesure, portée par un large groupe de députés allant de la droite à la gauche, a été votée malgré l'opposition du gouvernement et suscite déjà de vives réactions.
Le député socialiste Guillaume Garot, fer de lance de cette initiative législative depuis 2022, a rappelé l'urgence de la situation : « Six millions de Français sont sans médecin traitant, huit millions de Français vivent dans un désert médical ». Un constat partagé par plus de 250 parlementaires qui ont cosigné le texte.
Une régulation inédite
L'article 1 de la proposition de loi prévoit que les médecins libéraux ou salariés souhaitant s'installer sur un territoire sollicitent l'aval de l'Agence régionale de santé (ARS). L'autorisation sera accordée de plein droit dans les zones sous-dotées en professionnels de santé.
En revanche, dans les territoires déjà bien pourvus, une nouvelle installation ne sera possible qu'en cas de départ d'un médecin existant. Cet article, qui avait été supprimé en commission, a finalement été rétabli dans l'hémicycle avec une majorité de 155 voix contre 85.
Le gouvernement, par la voix du ministre de la Santé Yannick Neuder, a exprimé sa vive opposition à cette mesure. Il a mis en garde contre les risques de déconventionnement, de départ de médecins à l'étranger et d'une « perte d'attractivité de l'exercice médical ».
Pour le ministre, « une pénurie de médecins, même potentiellement régulée, reste une pénurie ».
Les discussions sur le reste de la proposition de loi, qui prévoit notamment la suppression de la majoration des tarifs pour les patients sans médecin traitant et le rétablissement d'une obligation de participer à la permanence des soins, reprendront la semaine du 5 mai.
« La coercition n'est pas la solution »
Qu'en pensent les ophtalmologistes ? Nous avons interrogé Vincent Dedes, président du syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof) : « Il y a un vrai problème sur certains territoires avec quelques spécialités, c'est indéniable » reconnaît-il.
Cependant, il se montre très sceptique quant à la solution envisagée : « La coercition n'est pas la solution, et le texte de loi me semble être une usine à gaz qui ne va pas répondre à grand-chose.
Il s'interroge également sur la mise en œuvre concrète de ces mesures : « La loi prévoit que ce soit les ARS qui s’occupent de ça, mais je ne vois pas comment cela pourrait fonctionner. Il y a encore du chemin pour que la loi soit adoptée, mais je suis un peu inquiet sur l’absence d’efficacité de cette mesure ».
« L’ophtalmologie est la démonstration qu’on n'a pas besoin de ce genre de loi. La profession a réglé le problème de façon naturelle, sans coercition. Aujourd’hui, les jeunes ophtalmologistes sont pragmatiques et vont s’installer dans les zones où on a besoin d’eux. Ils s’orientent vers des villes moyennes. Et c'est là où on constate que les temps de rendez-vous se sont le plus améliorés. Avec le multi-site, cela leur permet d'exercer dans une métropole mais aussi dans des territoires sous-dotés ».
Les jeunes ophtalmos s’installent où on a besoin d’eux ? Génial, j’ai dû rater l’inauguration de leur cabinet fantôme dans ma région. Quant au multi-site, c’est sûr qu’un ophtalmo débordé qui court entre plusieurs villes, ça va miraculeusement réduire les délais !
Bref, si la profession a « réglé le problème », je me demande bien où… Parce que chez moi, prévoir un rendez-vous, c’est presque un don de voyance.