La réforme des contrats de complémentaire santé dits « responsables et solidaires* » entre intégralement en application au 31 décembre 2017. Les contrats individuels et collectifs, si ce n’est pas déjà fait, doivent être adaptés en conséquence.
Interrogé par Acuité, Christophe Lafond, vice-président de la MGEN, Vincent Harel, directeur de l’activité Santé et Prévoyance de Mercer France, Anne André, directeur général délégué chez Henner, et Jean-Pierre Diaz, directeur santé prévoyance d’AG2R La Mondiale, dressent un premier bilan de cette réforme mise en place en avril 2015.
Christophe Lafond, MGEN |
Pour Christophe Lafond, « cette réforme a eu un sérieux impact. Nous avons été contraints de revoir certaines garanties des assurés et le remboursement de quelques verres. Par exemple, les unifocaux de fortes corrections pour les adultes remboursés 85 euros sont passés à 140 euros. Pour les moins de 18 ans équipés de verres multifocaux, le constat est le même : le verre est passé de 70 à 120 euros. Au final, le reste à charge des équipements a énormément diminué ».
Les contrats responsables pénalisent certains assurés
Mais, le vice-président du groupe MGEN pointe du doigt la règle d'un équipement tous les 2 ans pour les adultes et un par an pour les moins de 18 ans. « La réforme des contrats responsables pénalise les adhérents dont la vue évolue en quelques mois, par exemple suite à une opération de la cataracte. Sont également exposés les jeunes. Pour des raisons médicales, certains enfants doivent changer de verres 2 à 3 fois dans l'année. Les assurés ont des difficultés à comprendre le dispositif et les complémentaires comme la MGEN ont dû revoir et adapter leurs règles de remboursements. Malgré tous nos efforts, les solutions pour répondre aux besoins de nos adhérents ne sont pas toujours satisfaisantes compte tenu des obligations réglementaires ».
La MGEN alerte, via la Mutualité Française, le Gouvernement des problématiques actuelles, mais la situation n’a pour le moment pas changé. « Les mutuelles qui se sont inscrites au contrat responsable doivent l’appliquer, car elles sont sous contrôles. Je suis pourtant convaincu qu’il y aurait des dispositifs plus pertinents à mettre en place », ajoute Christophe Lafond.
Vincent Harel, Mercer France |
De son côté, Vincent Harel, de Mercer France, affirme que la réforme des contrats responsables est « un carcan qui rend complexe la lecture des garanties, et bride complètement la créativité et l’innovation sur les garanties en santé. Elle n’a pas conduit à une modération tarifaire et n’a pas résolu les problèmes d’accès aux soins. La situation est aujourd’hui plus compliquée pour les assurés ». Ainsi, sur l’hospitalisation, la prise en charge moyenne a diminué de l’ordre de 50% et elle est en recul de 10% dans le cadre de consultations médicales chez des spécialistes.
En revanche, l’impact n’est pas « significatif » en optique, (les Français changent en moyenne leurs lunettes tous les 3 ans, ndlr), à l’exception des contrats qui n’étaient pas encore passés à une paire tous les 2 ans. « Un certain nombre de nos bénéficiaires était concerné. Le fait de passer d’une paire de lunettes tous les ans à une paire tous les 2 ans a baissé de 10% le montant total remboursé au titre de l’optique. Nous avons une fréquence de remboursement moins importante », fait savoir Vincent Harel.
L’impact de la monture à 150 euros
« Le remboursement des lunettes tous les 2 ans n’a pas énormément d’incidence. Pour éviter des hausses de cotisations trop importantes, beaucoup de sociétés avaient déjà intégré dans leur contrat cette limite d’une paire tous les deux ans sauf évolution des dioptries et la plupart des assurés ne renouvelaient donc pas leurs équipements tous les ans ne seraient-ce qu’en raison des difficultés à obtenir un rendez-vous chez l’ophtalmologiste », affirme Anne André, chez Henner. En effet, 10% des porteurs seulement changent de lunettes tous les ans**. Un chiffre en baisse notable puisqu’en 2015 ils étaient 19% à le faire. (Source : baromètre Bien Vu Gallileo Business Consulting 2016).
Anne André, chez Henner |
En revanche, pour le Groupe Henner, l’impact est significatif sur la monture. « 150 euros est dans la moyenne basse des contrats de complémentaires santé d’entreprise. Nos assurés étaient remboursés autour de 180-190 euros. Le reste à charge des porteurs n’a pas augmenté, car les prix ont diminué et l’offre des opticiens a évolué avec des équipements sans reste à charge. Aussi, les clients se sont adaptés à leur remboursement en diminuant les dépenses », explique Anne André.
Elle souligne également que le « contrat responsable a donné la possibilité aux entreprises d’améliorer les remboursements pour les verres de fortes corrections qui étaient moins bien pris en charge auparavant. Avant la réforme d’avril 2015, nos assurés qui bénéficiaient de contrats moyens n’étaient pas remboursés jusqu’à 850 euros par équipement pour des verres multifocaux », détaille-t-elle.
Quid de la suppression des contrats responsables ? « Je n’y suis pas favorable. Certaines entreprises viennent de s’y conformer et d’autres sont encore en négociation avec les salariés. Supprimer cette réforme créerait une confusion et ne serait pas productif. Néanmoins, un sujet d’une telle envergure nécessite un bilan et des adaptations », conclut Anne André.
Jean-Pierre Diaz, d’AG2R La Mondiale |
Jean-Pierre Diaz, d’AG2R La Mondiale, est de cet avis : « Supprimer les dispositions du contrat responsable me semble une mauvaise idée. Pourquoi ? Les dépenses de santé et la consommation médicale augmentent sensiblement plus vite que la richesse nationale, cela ne peut pas durer éternellement. Il y a eu également trop d’abus, les assurés ne peuvent plus payer des contrats frais réels, d’où la nécessité d’instaurer des mécanismes de régulation ». Et de poursuivre : « il nous faut une réglementation stable et lisible : lorsque les garanties des assurés évoluent, nous devons modifier certains programmes et revoir les paramétrages de l'ensemble des contrats dans nos systèmes d'information, cela coûte très cher ».
Pour AG2R La Mondiale, la réforme des contrats responsables n’a pas entraîné de changements notables pour le remboursement des assurés en optique, sinon une légère baisse de la consommation. En revanche, le reste à charge des patients augmente sur des postes tels que l’hospitalisation et en cas de dépassements d’honoraires pratiqués par le médecin. « La réforme des contrats responsables n’a pas été bénéfique pour les assurés puisqu'elle a conduit à augmenter le reste à charge. D’ailleurs, nombre d'entre eux se sont plaints de la situation auprès des organismes d'assurance, des courtiers et du ministère de la Santé », conclut Jean-Pierre Diaz.
*La réforme des contrats de complémentaire santé dits responsables et solidaires a été votée dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2014.
**2 289 porteurs de 18 ans ou plus, ayant effectué un achat de lunettes en 2016.
Il reste maintenant à expliquer à tous, clients et entreprises que pour leurs intérêts, il est impératif de changer de mutuelle tous les ans. Cela supprime la contrainte d'un remboursement tous les deux ans, et surtout cela réinstalle la notion de concurrence entre assurances qui s'inquiètent beaucoup du reste à charge des assurés, mais qui n' incluent jamais le coût ni les augmentations de leurs tarifs souvent prohibitifs.
En ce qui concerne les opticiens, certains clients comme les enfants et autres qui changeaient leurs lunettes tous les ans,le remboursement tous les deux ans a eu un impact économique négatif.