Après la suppression par le Sénat des avantages fiscaux accordés aux Ocam qui pratiquent les remboursements différenciés via les réseaux de soins, nous avons interrogé André Balbi, président du Rassemblement des opticiens de France (Rof). Interview…
Acuité : Lors de la discussion sur le PLFSS 2019 et la réforme 100 % Santé, la question des remboursements différenciés pratiqués par les Ocam est revenu dans le débat. Pourquoi ?
André Balbi : Au Rof, nous avons soutenu un amendement portant sur la suppression des avantages fiscaux (taux réduit de taxe de solidarité additionnelle) dont bénéficie les contrats responsables pour les Ocam qui pratiquent le remboursement différencié. En effet, dans ce cas, les complémentaires santé ne sont plus responsables et solidaires, en poussant à la consommation optique et en excluant des assurés de la prise en charge. Cet amendement pointe du doigt les dysfonctionnements et les dérives des réseaux de soins tout comme leur absence d’encadrement que dénonçait d’ailleurs le dernier rapport de l’Igas de 2017. Le remboursement différencié rompt avec le principe d’égalité dans la prise en charge. L’assuré devrait pouvoir choisir d’aller chez un opticien d’un réseau de soins, non parce qu’il serait censé être mieux remboursé, mais parce qu’il disposerait d’une meilleure qualité et d’un meilleur service. La réforme 100 % Santé a pour finalité d’améliorer l’accès aux soins optiques pour tous, elle vise à une égalité d’accès aux soins. Le remboursement différencié va à l’encontre de cet objectif.
A. Pourtant la ministre a donné un avis défavorable à cet amendement…
A. B : En évoquant l’impact sur la cotisation de la suppression des avantages fiscaux pour les contrats d’Ocam qui pratiqueraient le remboursement différencié sur les cotisations, on se trompe de débat. L’objectif de cet amendement n’était pas d’augmenter les cotisations des contrats complémentaires, mais de supprimer les dérives constatées dans un certain nombre de réseaux de soins. Chaque euro de cotisation doit ouvrir le même remboursement pour tous les assurés.
Par ailleurs, dans la mesure où le remboursement différencié est le fait d’un tiers seulement des organismes complémentaires selon le rapport de l’Igas, il est impossible de calculer l’impact sur les cotisations. Les arguments du Rof sont par ailleurs proches de ceux évoqués par les 2/3 d’Ocam qui ne mettent pas en œuvre ce remboursement différencié, à savoir le « souci d’équité entre assurés, de ne pas pénaliser ceux qui ne peuvent accéder au réseau (problème géographique), ou par respect de la liberté de choix du professionnel de santé ».
A. Comment les réseaux de soins réagiront-ils à la réforme 100% Santé, selon vous ?
A. B : Avec le 100% Santé, tous les assurés pourront se rendre chez l’opticien de leur choix. Tandis que les opticiens vont s’engager à délivrer des lunettes de qualité pour tous, la possibilité de continuer à pratiquer des remboursements différenciés de 428% (exemple issu d’un contrat Carte blanche bien connu) pourra conduire certains réseaux de soins à privilégier une sanction financière pour les assurés plutôt que de leur garantir la qualité de service promise.
L’augmentation de la TSA et les mesures pénalisant par la fiscalité les réseaux de soins des organismes complémentaires introduites au Sénat ont été supprimées à l’occasion du retour du budget de la sécu au Palais Bourbon.
Après l’échec mardi de la commission mixte paritaire réunissant sénateurs et députés, la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, saisie du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2019 en nouvelle lecture, a supprimé mercredi l’article 12 ter qui instaurait une hausse de la taxe de solidarité additionnelle (TSA) qui pèse sur les contrats de complémentaire santé. Des sénateurs du groupe Les Républicains (LR) voulaient relever son taux de 13,27 % à 18,02% en 2019, à titre de participation exceptionnelle des organismes d’assurance maladie complémentaire (Ocam) à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale. Cette mesure avait été adoptée contre l’avis du gouvernement.
Conséquences désastreuses
La commission a adopté deux amendements identiques, émanant pour l’un du rapporteur général du texte Olivier Véran (LREM), pour l’autre du groupe socialiste. Dans leur exposé, ces amendements soulignent que cette hausse, d’un rendement potentiel de 1,5 milliard d’euros, « risque de peser avant tout sur les assurés » et qu’il « convient de ne pas déstabiliser les mutuelles avec une hausse de taxe qui aurait des conséquences désastreuses sur l’accès aux soins et aux complémentaires ».
Elle a également supprimé l’article 12ter introduit par les sénateurs qui majorait de sept points le taux de TSA applicable aux Ocam qui appliquent des pratiques de remboursement différencié en fonction du recours ou non par les assurés à des professionnels partenaires d’un « réseau de soins »). L’exposé de l’amendement présenté par Olivier Véran indique que « si la réforme dite « 100 % santé » prévue à l’article 33 du présent projet de loi amoindrira certainement l’intérêt de ces réseaux de soins pour les assurés, il est toutefois primordial de ne pas pénaliser les organismes complémentaires mettant en œuvre des réseaux de soins, et encore moins les assurés ayant recours à ces réseaux ».
Appliquer le RAC 0
Concernant la réforme du reste à charge zéro (Rac 0), la commission est revenue au texte initial de l’Assemblée. Elle a rétabli les sanctions prévues en cas de non-respect, par les fabricants ou les distributeurs, des dispositions relatives à la mise en œuvre du « 100 % santé ». L’exposé de l'amendement souligne que les produits et prestations « doivent figurer dans les devis des professionnels, sans quoi les Français ne pourraient y accéder », et que « l’existence de sanctions garantit l’application effective de la réforme ».
Toujours sur le Rac 0, les députés ont également rétabli une disposition dérogatoire consistant à permettre la fixation par arrêté ministériel des tarifs des équipements qui ne figurent pas dans le panier « 100 % santé ».
Enfin, concernant l'article 12, qui instaure une nouvelle taxe , la commission des Affaires sociales a supprimé un ajout du Sénat qui prévoyait une prorogation de cette taxe au-delà de 2021, au motif qu'elle contrevenait à l'esprit du texte adopté à l'Assemblée nationale.
Ce lobbying antiremboursement différencié est une illusion.
Si les enseignes étaient déterminées à lutter contre le remboursement différencié, le seul moyen d'y parvenir serait de quitter le seul endroit où ce remboursement différencié s'exerce = les réseaux...
Le projet du gouvernement est défini comme n'impactant pas les cotisations. Il est donc impossible qu un tel amendement puisse être validé par l'assemblée nationale...