Le rachat effectif de GrandVision par EssilorLuxottica depuis le 1er juillet pose des interrogations à bon nombre d’entre vous. Principalement parce qu’il fait bouger les lignes dans notre secteur, en introduisant, pour la première fois en France, un groupe totalement verticalisé dans la distribution (depuis les matériaux jusqu’aux magasins et sites internet). Compte tenu du poids des 2 entreprises, Essilor et Luxottica, auprès de la grande majorité des opticiens français, l’évolution de leur politique commerciale sera scrutée de près et pourrait modifier, selon les stratégies adoptées, les positions des enseignes et centrales d’achat.
Interrogés par Acuité, seuls 4 acteurs de la distribution se sont exprimés pour le moment.
Jean-Luc Sélignan, président de Club OpticLibre
« Cette finalisation du rachat n’est pas une surprise, compte tenu de la volonté de Leonardo Del Vecchio d’aller jusqu’au bout de l’opération. Il y aura probablement des ajustements du prix d'achat en 2021 avec la moins-value possible de la cession des chaînes de magasins aux Pays-Bas, Belgique et Italie.
Sur le marché français où GrandOptical et Générale d’Optique rentrent déjà dans le jeu concurrentiel, ce rachat ne signifie pas l’arrivée d’un nouveau concurrent et ne pose donc pas de problème. Sauf si ces enseignes bénéficient de la part d’EssilorLuxottica de conditions exclusives, discriminatoires et sélectives sur les produits et la politique commerciale. Si les indépendants constatent un quelconque biais de concurrence à l’avenir, ils seront amenés à changer de fournisseurs. Ce mouvement déjà visible chez certains indépendants pourrait ainsi se confirmer. »
Jérôme Schertz, directeur général de Luz
« Le rachat complet de GrandVision par EssilorLuxottica n'est pas une surprise évidemment, en dépit des dernières péripéties qui l'ont précédé. Le groupe mène une intégration verticale (depuis les matériaux jusqu'à la distribution) au bout du compte classique qui est seulement le prolongement des stratégies qu’avaient déjà entreprises Luxottica et Essilor avant cette fusion. Ce type d’intégration verticale est en place depuis de longues années dans le secteur de l'audioprothèse. Il aurait été incompréhensible qu'ils n'aillent pas jusqu'au bout.
Attention à ne pas confondre la stratégie mondiale du groupe EssilorLuxottica et celles conduites par les filiales de la « galaxie EssilorLuxottica » sur les marchés nationaux. Chez Luz, nous avons toujours noué de bons partenariats avec l’ensemble de leurs filiales françaises dans l’intérêt de nos adhérents. Il s'agit maintenant de veiller à ce qu'il n'y ait pas de distorsion de concurrence (politique commerciale et prix) au profit des 2 enseignes de GrandVision. Mais, cela me semble peu probable, le groupe EssilorLuxottica n'ayant pas intérêt à "se couper" d’une partie de leur marché. J'en veux pour preuve ce qui se passe dans le secteur audio où des fabricants détiennent des enseignes. »
Benjamin Zeitoun, directeur général de Cercle Optique
Je crois beaucoup dans la synergie entre les groupes dans notre secteur. De ce point de vue, je me félicite de cette opération qui va permettre à EssilorLuxottica de se valoriser. Même si le coût de l’acquisition me semble excessif avec une augmentation de l’ordre de 35% du cours de l’action sur les 12 derniers mois précédant l'OPA.
Bien évidemment, ce dernier pose question pour les opticiens français : un fournisseur, et même 2, entrent pour la première fois dans le retail. Mais cette configuration existe déjà dans d’autres secteurs comme l’audiologie et les audioprothésistes travaillent en bon partenariat avec ces acteurs fournisseurs qui détiennent des centres.
A mon avis, le fait que GrandOptical et Générale d’Optique tombent dans le giron d’EssilorLuxottica ne va pas changer grand-chose, particulièrement pour les opticiens indépendants. Ces 2 enseignes ont un positionnement très différent qui ne vient pas concurrencer les indépendants. En revanche, cela pourra poser plus de questions pour les enseignes et leurs stratégies.
Olivier Padieu, président du groupe Optic 2000
« Ce rachat de GrandVision était attendu, ce n'est donc pas une surprise. Mais cela va engendrer un changement pour le marché de l'optique. »
Un an et demi d’intégration ?
Selon des spécialistes de fusion/acquisition, l’intégration de GrandVision pourrait durer un an et demi. De quelle manière va-t-elle s’effectuer ? Selon Cedric Rossi, analyste chez Bryan Garnier, société spécialisée dans les investissements bancaires et la gestion d'actifs, « on peut s’attendre à la cession d’autres réseaux de distribution, outre celles déjà actées en Italie, Pays Bas, Belgique par de la Commission européenne, et peut-être des fermetures. Il est peu probable cependant qu’EssilorLuxottica modifie en France le positionnement des 2 enseignes de GrandVision, Générale d’Optique et GrandOptical. » Un an et demi : un laps de temps suffisamment long pour que tous les acteurs de la distribution ne soient pas pris de court et mettent en place leur stratégie.