A ce jour, la téléexpertise en ophtalmologie permet d’ores et déjà à un professionnel de santé dit "télérequérant" de solliciter à distance et au moyen d’une plateforme numérique sécurisée, l’avis d’un professionnel médical dit "télérequis" sur l’état de santé visuelle d’un patient.
Grâce à la téléexpertise, un professionnel de santé opticien-lunetier peut ainsi proposer en magasin, à ses clients ayant besoin d’une paire de lunettes avec des difficultés à obtenir un rendez-vous chez un médecin ophtalmologiste, d’en solliciter un à distance. L’objectif est de leur faire bénéficier d’une analyse de dossier, d’un avis médical indépendant, et le cas échéant d’une délivrance de prescription pour un équipement optique, en tenant compte de données collectées par l’opticien-lunetier ou remises par le patient.
La téléexpertise, dans son efficacité à lutter contre les déserts médicaux, est donc autant une modalité de prise en charge plus rapide évitant l’aggravation de l’état de santé, qu'un dispositif d'orientation et de réintégration du patient dans son parcours de soins en matière de santé visuelle.
De nombreuses solutions de téléexpertise ont vu le jour depuis 2022 avec souvent de bonnes pratiques et, malheureusement, parfois quelques dérives…
Entretien avec Jean-Valéry Desens, opticien et cofondateur de la start-up LYLEOO, qui milite pour un encadrement éthique et déontologique de la téléexpertise entre opticiens et ophtalmologistes dans le but de mieux soigner la population en désert médical tout en préservant les finances publiques :
1. Dans quelles situations la téléexpertise peut-elle être proposée en magasin d’optique ?
Il y a plusieurs situations évidentes dans lesquelles la téléexpertise offre une vraie chance d’accès aux soins pour les patients : les territoires en tension en termes de délais de rendez-vous avec un ophtalmologiste, la distance du lieu de consultation, le problème du pouvoir d'achat avec l'absence d'offres de soins en secteur 1, les difficultés de mobilité de certains patients, les Ehpad, les centres pénitenciers, les ophtalmologistes débordés qui ne prennent plus de nouveaux patients…
Des millions de Français vivent dans des déserts médicaux. La téléexpertise est aujourd’hui souvent le seul maintien d’un contact avec un ophtalmologiste à distance grâce à l’opticien et aux 14 000 magasins répartis sur tout le territoire français.
2. La téléexpertise entre opticiens et ophtalmologistes repose-t-elle sur un cadre règlementaire ?
Oui. Le décret n°2021-707 du 3 juin 2021 permet aux opticiens-lunetiers, en leur qualité de professionnels de santé auxiliaires médicaux, de recourir à la téléexpertise pour l'ensemble des patients, à leur libre appréciation.
Comme pour une téléconsultation mettant le patient en contact direct avec le médecin de façon synchrone, la téléexpertise est soumise au cadre rigoureux de la télémédecine et notamment aux exigences du Règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD) ou des règles liées à l’utilisation de services d’hébergement certifié de données de santé.
3. Les sociétés de téléexpertise peuvent-elles faire coter les actes de leurs partenaires ophtalmologistes ?
Dans le cadre de la téléexpertise entre opticiens et ophtalmologistes, il n’y a pas à ce jour de cotation prévue par les textes au profit des opticiens.
C’est l’opticien qui met ses compétences au service de la téléexpertise et qui supporte le coût du service. Le service des sociétés de téléexpertise comme LYLEOO ne pèse pas sur les comptes publics ni sur le patient.
4. L’article 65 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 (LFSS) imposerait un contact direct entre l’ophtalmologiste et le patient dans le cadre de la téléexpertise ?
Dans le cadre de la téléconsultation, l’ophtalmologiste échange directement avec le patient de manière synchrone, alors que dans la téléexpertise, l’opticien collecte des données auprès du patient puis les adresse à l’ophtalmologiste pour que celui-ci mène une analyse asynchrone. L’opticien apprécie tout d’abord le recours à la téléexpertise tandis que le médecin apprécie ensuite l’opportunité de sa réalisation. Par définition, il n’y a pas de contact direct entre le patient et le médecin dans le cadre de la téléexpertise.
L’article 65 de la loi de financement de la Sécurité sociale de 2024 a été rédigé pour freiner les arrêts maladie abusifs accordés à distance par certains médecins. Il ne s’applique aucunement à la téléexpertise entre opticiens et ophtalmologistes. L’opticien est responsable des informations collectées et de leur transmission, l’ophtalmologiste de leur analyse. Exactement comme pour toute prescription, cotée ou non cotée, la Sécurité sociale et les mutuelles interviennent sur la prise en charge des dispositifs prescrits.
5. Une téléexpertise permet-elle la délivrance d’une prescription ?
En conformité avec l’article R. 4127-8 du Code de la Santé Publique ainsi qu’en se référant au "Guide de bonnes pratiques pour la qualité et la sécurité des actes de téléconsultation et de téléexpertise" de la Haute Autorité de Santé (HAS), les ophtalmologistes qui pratiquent la téléexpertise sont libres de délivrer les prescriptions médicales qu'ils estiment les plus appropriées en fonction des circonstances et de leur contenu (bilan orthoptique, examens complémentaires, équipement optique, etc.). Ils sont les seuls décideurs et font leurs choix sur le fondement des éléments collectés lors de l'examen du patient.
En conclusion :
La téléexpertise en soins optiques constitue un atout essentiel pour améliorer l'accès aux soins visuels, en particulier dans les zones en tension. En 18 mois, LYLEOO a accompagné des dizaines de milliers de Français grâce à un réseau de près de 1 000 opticiens clients. Pour garantir la qualité et l'éthique de ce service, il est crucial de renforcer l'encadrement réglementaire. LYLEOO milite pour que ses standards déontologiques, allant au-delà du cadre réglementaire, deviennent la norme et s'appliquent à toutes les sociétés de téléexpertise en soins optiques, assurant ainsi une prise en charge respectueuse et sécurisée pour tous les patients.
Jean-Valéry Desens, cofondateur de Lyleoo
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