L’Assurance Maladie a décidé de prendre à bras-le-corps la lutte contre le renoncement aux soins, via la généralisation d'un nouveau dispositif d’aide. En s’appuyant sur une étude de l’Observatoire des non recours aux droits et aux services (Odenore)*, qui replace enfin dans son contexte le renoncement aux soins, elle estime que cette source d’inégalités et de dépenses supplémentaires à moyen et long termes devient un défi qui concerne la collectivité dans son ensemble.

Renoncement aux soins : les réalités du terrain

Historiquement, la question du non-recours était posée principalement pour les prestations sociales légales financières mais peu de liens étaient faits entre non-recours aux prestations et difficultés d'accès aux soins. Face à ce constat, une équipe de chercheurs issus de Sciences-Po Grenoble (Pacte/CNRS) a créé l’observatoire des non-recours aux droits et services (Odenore) en 2003. Grâce à cette démarche scientifique menée avec et pour l’Assurance Maladie, le profil des personnes en situation de renoncement aux soins, mais aussi les causes de renoncement, la nature des soins concernés ainsi que ses conséquences sont désormais mieux identifiés.

La Cnam note alors que :

  • Les personnes concernées représentent 26,5% des assurés interrogés*, avec des différences notables d’un département à l’autre (33,8% dans la Drôme et 19,7% dans le Hainaut).
  • Les situations de renoncement aux soins concernent majoritairement des femmes (58,6%), des personnes vivant seules (36,6%) ou les familles monoparentales (17,7%).
  • Le renoncement aux soins touche particulièrement les soins dentaires ainsi qu'auditifs ou ophtalmologiques et optiques, au reste à charge plus élevé. Notons qu'ici les achats d'optique n'arrivent seulement qu'en 5ème position. Plus nouveau, « le phénomène concerne effectivement ces soins mais qu’il ne se cantonne pas à ceux-ci : les consultations de spécialistes, voire même l’accès à un généraliste, sont également concernés », souligne l’Assurance Maladie.

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À travers les travaux menés, 2 raisons principales ont été identifiées. Dans 3 cas sur 4, les obstacles financiers constituent toujours la ou l’une des raisons du renoncement aux soins. Mais il s'agit aussi de prendre en considération la méconnaissance des circuits administratifs et médicaux : manque de connaissance de ses droits (CMU-C, ACS…), complexité des démarches pour obtenir une protection maladie complète et adaptée, difficulté de savoir à quel spécialiste s’adresser, voire de trouver un médecin traitant. « Ces raisons principales ne doivent toutefois pas faire oublier les autres : délais pour obtenir des rendez-vous auprès de certains spécialistes, éloignement géographique par rapport à l’offre de soins et/ou problèmes de mobilité, craintes de diverses natures, attitudes par rapport au risque maladie, aux soins, au fait de demander. In fine, c’est toute une sédimentation de raisons qui, cumulées, causent lassitude, découragement et renoncement », constate la Cnam.

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Vers un accompagnement personnalisé sur 3 niveaux

Concrètement, lorsqu’une difficulté d’accès aux soins est repérée, la réponse de l’Assurance Maladie consiste en un accompagnement cousu main à 3 niveaux :

  • un bilan exhaustif des droits aux prestations intégrant une explication approfondie de leurs usages (allant jusqu’à l’accompagnement dans la bonne utilisation du chèque ACS, par exemple) ;
  • une orientation dans le système de soins ;
  • un accompagnement au montage financier, construit le cas échéant par cofinancement de plusieurs partenaires pour faire face à des restes à charge auxquels la personne, en raison de son « reste pour vivre », ne pourrait faire face.

L’action de proximité complète les mesures nationales (Protection maladie universelle, Aide à l’acquisition d’une complémentaire santé...) mais aussi les mesures conventionnelles visant à maitriser les dépassements d’honoraires, à lutter contre les déserts médicaux ou à faciliter un accès rapide aux médecins spécialistes. Une nouvelle approche pour l’Assurance Maladie qui, au-delà de délivrer des droits ou des prestations dans une logique de « guichet », va au-devant des personnes qui méconnaitraient leurs droits administratifs et se charge de repérer celles qui rencontreraient des difficultés pour accéder aux soins, voire qui renonceraient à se soigner.

Cette aide repose également sur une coopération étroite avec les autres acteurs du tissu local (professionnels de santé, collectivités territoriales, centres communaux d’action sociale (CCAS), établissements hospitaliers, organismes complémentaires...) au service de l’identification des situations sensibles et de l’accompagnement individualisé. Ce sont eux, et non l’assuré, qui saisissent l’Assurance Maladie de ces situations problématiques.

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Ainsi la Cnam s’emploie-t-elle à restaurer le nécessaire continuum entre l’accès à l’information, l’accès aux droits et l’accès aux soins, condition d’une meilleure santé des personnes comme d’une meilleure santé du système de soins. Sur les quelques 9 400 dossiers ouverts lors de la phase d’expérimentation, près d’un dossier sur trois a abouti à la réalisation effective de soins, et moins d’un sur deux est encore en cours de traitement.

Dates clés :

2013 : Création du Baromètre du renoncement aux soins

Novembre 2014 : Première expérimentation dans le Gard (sous le nom de « Pfidass »)

Mai 2016 : Expérimentation étendue à 21 organismes

Avril 2017 : Généralisation du dispositif - 1ère vague

Mi-2018 : Généralisation à l’ensemble du territoire

*Odenore, « Diagnostic quantitatif du renoncement aux soins dans 18 départements (parmi les 21 expérimentateurs du dispositif Pfidass) », juin 2016