Après Catherine De La Boulaye, présidente de l’UDO et le Dr Thierry Bour, président du Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof), Olivier Padieu, vice-président du SynOpe a répondu à nos questions sur les règles générales d’exercice de la profession d’opticien-lunetier.
Acuité : Quelle est votre première réaction suite à la publication ce dimanche du décret ?
Olivier Padieu : La publication du décret n’est pas une surprise, le SynOpe ayant été consulté durant son élaboration. Il met en œuvre deux objectifs poursuivis par le SynOpe visant d’une part à allonger la durée pendant laquelle un opticien peut adapter une prescription médicale de verres correcteurs, et étend cette faculté aux prescriptions de lentilles correctrices, afin de réduire les délais d’attente chez l’ophtalmologiste. Il assouplit aussi la nécessité de délivrance sur ordonnance, afin de garantir l’accès à l’équipement en cas d’urgence. Enfin, ce décret contribue à clarifier partiellement les règles d’exercices professionnelles.
A. Ce décret est-il une avancée pour la profession ? Si oui, en quoi ?
O. P : Ce décret va donc clairement dans le bon sens, puisqu’il met en œuvre une partie des recommandations du rapport Voynet saluées par l’ensemble des acteurs de la filière de santé visuelle et nous ne pouvons que nous en féliciter. Il inscrit véritablement l’opticien comme acteur de cette filière, professionnel de santé au service des porteurs pour un accès facilité à l’équipement optique. C’est une deuxième étape, (après 2007) ; qui certes, est mesurée, mais qui va apporter de vraies réponses aux porteurs dans un contexte sécurisé, ce qui est l’objectif prioritaire.
Il conviendra cependant d’aller plus loin pour répondre au problème de désertification médicale et aux besoins de santé visuelle des Français.
A. Comment vos adhérents vont-ils mettre en pratique ces mesures ?
O. P : Les opticiens mettent déjà en œuvre au quotidien ces mesures, dans le cadre du renouvellement et de l’adaptation des ordonnances médicales, c’est donc une continuité. Les seules interrogations portent sur la mise en place du registre des délivrances exceptionnelles (en urgence sans prescription médicales). Le SynOpe travaille sur un document type afin de le proposer à ses adhérents pour garantir une certaine uniformité du dispositif. De même des questions vont se poser sur la nécessité pour l’opticien de conserver la copie de l’ordonnance « sauf opposition du patient » : nous préconisons de recueillir systématiquement le consentement du patient à cette conservation, afin de pouvoir prouver, le cas échéant l’absence d’opposition.
A. Qu'avez-vous demandé comme mesures supplémentaires et qui n'ont pas été retenues ?
O. P : Beaucoup de choses … nous souhaitions introduire, à l’instar des autres professions de santé, une définition claire du métier, et valoriser ces compétences en supprimant l’interdiction de communication sur la faculté des opticiens à réaliser une réfraction. Nous considérons en effet qu’il est essentiel que les compétences des opticiens puissent être connues du grand public afin qu’il y recoure. Un assouplissement de la règle d’interdiction a été introduit puisque désormais l’opticien pourra « sur son lieu d’exercice » communiquer sur ses compétences. Nous considérons toutefois que c’est insuffisant. De même, nous souhaitions un plus grand encadrement des nouveaux modes de distribution, tels que la vente itinérante ou encore la vente sur internet dans un souci de sécurité sanitaire pour les patients. Des dispositions ont été insérées sur ces deux volets, mais ne répondent pas aux propositions que le SynOpe a formulées. Comme nous le disions en préambule, il ne s’agit que d’une deuxième étape, pas la dernière…
A. Pour la délivrance de lunettes sans ordonnances, comment est évaluée la situation en « en cas d'urgence constatée et sans solution médicale adaptée » ? Le client sera-t-il remboursé de son équipement ?
O. P : L’appréciation se fait au cas par cas, par l’opticien. Cette rédaction vise à exprimer le caractère exceptionnel de cette faculté. En tout état de cause l’opticien devra rechercher avec le patient privé de son équipement, une solution lui permettant d’accéder à un ophtalmologiste. Si cela s’avère impossible dans un délai raisonnable, ou s’il s’agit d’un étranger, l’opticien pourra délivrer l’équipement. Il ne devrait pas donner lieu à remboursement, sauf à rentrer dans les critères de l’article R165-24 du code de la sécurité sociale.
A. Ce nouveau décret va-t-il désengorger les cabinets ?
O. P : L’allongement de la durée pendant laquelle un opticien peut adapter une prescription, ainsi que son extension aux lentilles correctrices devrait effectivement permettre de diminuer les délais d’attente chez l’ophtalmologiste, mais il ne résoudra pas tout. C’est la raison pour laquelle le SynOpe considère qu’il faut aller plus loin, pour établir une véritable complémentarité entre les 3 O.
Il ne s’agit pas d’une mesure financière ou lucrative mais d’une mesure visant à répondre à un problème de santé publique.
A. La profession peut-elle faire connaître au grand public ces nouvelles prérogatives ? Comment l'opticien peut-il le faire savoir ?
O. P : A l’instar de ce que nous avions sollicité et obtenu lors de la réforme de 2007, le SynOpe entend bien inviter les pouvoir publics à communiquer largement sur cette réforme. Nous allons également informer directement les médias.
Parallèlement, chaque opticien devra informer directement les porteurs au sein même de son magasin, de ces nouvelles mesures.