La plupart des grands médias l'évoquent en boucle depuis ce matin : selon une enquête du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii), remplacer tous nos achats par des produits uniquement made in France coûterait cher aux ménages Français.
Le patriotisme économique plébiscité par notre ministre du Redressement, Arnaud Montebourg, ne serait pas une initiative si judicieuse à en croire les travaux du Cepii. Ces derniers révèlent en effet qu'en moyenne, le surcoût potentiel pour n'acheter que français serait compris dans « une fourchette large, de 100 à 300 euros par ménage et par mois. »
Dans le détail toutefois, notre filière ne serait pas concernée, dans la mesure où les lunettes ne sont pas un bien de consommation comme les autres. Il s'agit en effet d'un produit de santé à forte valeur ajoutée. A moins de vouloir détruire irrémédiablement une industrie qui a longtemps été leader mondial du secteur, le « made in France » doit demeurer pour nous un atout de différenciation et un argument de vente auprès du porteur.
Pour s'en convaincre, il suffit de tourner les yeux vers les bassins oyonnaxien et morezien, qui ont vu naître l'industrie de la lunette et demeurent les territoires français les plus spécialisés dans ce domaine. Ils ont enregistré à eux seuls la suppression de plus de 200 emplois en 2008, au plus fort de la crise.
Or comme le soulignait déjà en 2010 David-Alexandre Seiller, dirigeant de l'entreprise LDS de Champagnol (Jura), « des fabricants de lunettes reviennent en France, alors que depuis une dizaine d'années ils étaient partis en Asie. Nous avons un bon savoir-faire et une qualité supérieure à celle des pays asiatiques, c'est ce qu'ils viennent chercher. »
Il demeure donc important de conserver cette industrie locale pour préserver un certain nombre d'emplois, compte-tenu des difficultés à produire en France comme en témoigne le cas de Naja, l'un des plus importants sous-traitants de lunetterie jurassiens, a engagé une procédure de sauvegarde. Pour son directeur général, Stéphane Cornu , « nous avons de nouveaux commanditaires, notamment à l'export. Je me félicite aussi que de grands donneurs d'ordre comme les chaînes (Atol, Optic 2000...) relocalisent de plus en plus leur production. Idéalement, il faudrait que ce phénomène de relocalisation s'amplifie davantage. Ce serait autant d'activité pour nous. »
La fabrication française peut donc être une chance, y compris pour les verriers qui ont obtenu le label « origine France garantie », afin de conserver des produits de qualité et éviter de tomber dans les équipements low cost comme cela existe chez nos voisins, par exemple Anglais.
Le sac en cuir chinois, produit le plus importé
Les auteurs considèrent dans leur analyse l'ensemble des pays émergents et en développement, donc non membres de l'OCDE, auxquels il ajoute la Turquie. Le Cepii constate que la Chine, l'Inde et le Bangladesh représentent « près de 80% du surcoût total compris entre 100 et 300 euros». Et dans ces 80%, est-il précisé, 71% proviendrait du remplacement des produits en provenance de Chine par des produits Français.
Parmi les biens concernés, les économistes Charlotte Emlinger et Lionel Fontagné, auteurs de cette étude, observent que « le quart du surcoût serait concentré sur les seuls articles en cuir (essentiellement les sacs) ». Arrive ensuite en seconde position, à hauteur de 10% du total, le petit matériel électrique, suivi de près par le textile (vêtements et sous-vêtements) pour 8%.
Quant à la question de l'emploi, le fait de tout acheter en made in France ne changerait finalement pas grand-chose à la situation. L'étude avance ainsi que « la substitution de produits nationaux aux produits importés augmenterait la dépense sur les produits concernés, ce qui réduirait la consommation de services ». Pour Lionel Fontagné, « la logique d'opposition entre produits importés et produits fabriqués en France ou entre industrie et service n'a pas de sens. L'enjeu pour la France est d'être suffisamment attractive et de rendre ses entreprises plus compétitives et innovantes. »
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