Suite à la révélation il y a quelques jours par BFMTV d’une importante affaire d’erreur médicale impliquant un ophtalmologiste marseillais, nous avons voulu en savoir plus. L'avocat de la victime, Me Philippe Courtois, nous a répondu.
Cette affaire remonte au 5 octobre 2020, lorsqu’un patient de 41 ans se rend chez son ophtalmologiste à Marseille, le Dr Bernard Castelli, pour faire vérifier que ses lunettes de repos sont bien adaptées à sa vue. C’est son ophtalmologiste habituel, il l’avait encore consulté deux mois auparavant pour un contrôle de routine. Jusque-là, le patient n’a aucune amétropie et il a une acuité visuelle de 10/10. Sans explications, et sans examens préalables, le médecin lui demande de poser son front sur un appareil, et lui fait un laser YAG, utilisé d’habitude pour traiter les cataractes sur les patients de plus de 60 ans.
Des dégâts considérables
Dans les secondes qui suivent, il perd complètement la vue. L’ophtalmologiste laisse son patient aveugle dans la salle d’attente. Paniqué, il appelle sa mère qui vient le chercher, et l’amène aux urgences à l’hôpital nord de Marseille. Le Pr Denis le prend en charge et constate les dégâts : il a 2/10 à l'oeil droit et 1/10 à gauche, et une cataracte blanche totale bilatérale. Il est opéré le 7 octobre ; l'intervention comprend une phacoémulsification, une vitrectomie postérieure 3 voies avec phacophagie postérieure des fragments cristalliniens intra vitréens, et pose d’implants. 4 médecins suivent son état de santé.
Le patient doit désormais instiller un collyre quotidiennement pour éviter une infection. Il a aujourd’hui 3 paires de lunettes différentes selon la luminosité, et 3 autres pour compenser sa vue. L'acuité visuelle de son oeil droit, testée hier, s'est améliorée pour atteindre 4/10.
Personne ne comprend ce qui s'est passé
« Il vit aujourd’hui à l’écart de toute vie sociale, avec des douleurs permanentes et un stress psychologique très important », explique son avocat Philippe Courtois. « Il travaillait dans l’événementiel et bénéficiait d’une reconnaissance internationale. Il ne peut plus exercer, il est aujourd’hui reconnu comme handicapé. Mais personne n’explique ce qui s’est passé ce jour-là. Une erreur de diagnostic ? Ce serait incompréhensible. Une erreur de patient ? Il connaissait pourtant son patient. Même l’expert ne comprend pas comment cela a pu se produire et il a décidé de laisser le magistrat apprécier l’origine mais aussi la ou les raison(s) de l’acte du docteur Bernard Castelli en lui transmettant le rapport d’expertise ».
Philippe Courtois, spécialisé dans la défense des victimes de dommages corporels
À aucun moment, l’ophtalmologiste n’a pris de nouvelles de son patient. Il ne s’est jamais présenté devant les experts, ni devant l’Ordre des médecins qui l’avait convoqué. Il a simplement reconnu dans la presse avoir « fait une connerie ». Le Dr Castelli n'a pas souhaité répondre à nos questions.
Il existe pourtant des témoignages d’erreurs similaires depuis 2008, suite à des interventions de cet ophtalmologiste, toujours en exercice à l'heure qu'il est. Seule l’ARS peut prendre la décision de le suspendre.
Procès en vue
À la suite du rapport d’expertise médicale, une plainte a été déposée en avril 2022 auprès du procureur de la République de Marseille qui a aussitôt ouvert une enquête préliminaire.
Une autre plainte dans le même délai a été déposée à l’Ordre des médecins qui a décidé de la transmettre à la Chambre disciplinaire en s’y associant, compte tenu de la gravité des faits qui lui ont été rapportés.
Dans ces conditions, tout porte à croire que le Dr Castelli devrait se retrouver devant les magistrats et ses pairs en 2023.