La Maison Daignas vient de fêter ses 125 ans. Edouard Daignas, petit-fils de la famille, a tenu les rênes du magasin situé à Pau (64) pendant 43 ans. Cet opticien, diplômé de l’école de Morez (39), l’a vendu en 2012 à Valérie Mougeotte, opticienne. Interview croisée...
Acuité : Quelle est l’histoire du magasin ?
Edouard Daignas : Mon grand oncle a créé la Maison Daignas en 1890 et le magasin a été tenu successivement par 3 générations. A l'origine, la boutique fournit du matériel médical et orthopédique puis se spécialise dans l'optique. J'ai repris l'entreprise de mon père en 1972 avec les 3 activités, mais assez rapidement je me suis consacré à mon métier d'opticien. Avec ma femme qui me secondait, j'étais une référence à Pau. Je contrôlais les ordonnances avant de délivrer un équipement et, pour me différencier, je faisais aussi de la microscopie et de l'astronomie en assurant l'entretien des jumelles et des microscopes.
Valérie Mougeotte : L’histoire de la Maison Daignas et son identité m’ont séduite. Petite-fille d’antiquaire, j’ai craqué pour ce magasin qui possède une âme. Et avec le soutien de mon mari, j’ai essayé de lui redonner un second souffle.
La Maison Daignas, plus vieux commerce d'optique de Pau |
A : Quel est sa particularité et son positionnement ?
E.D : Le magasin est authentique depuis 1890. Valérie Mougeotte l'a racheté il y a plus de 3 ans et son discours m'a plu. C'est une des rares personnes qui a souhaité conserver son lustre d'antan. Depuis sa création, la Maison Daignas apporte son professionnalisme, sa compétence et fait preuve de sincérité avec les clients. Nous ne sommes pas des marchands de lunettes. Valérie perpétue mon travail et celui de mon père.
Décoration des présentoirs de montures |
V. M : J’ai été séduite par le côté ancien et atypique de la Maison. Ma philosophie est fondée sur deux éléments essentiels : l’écoute de mes clients et le conseil pour leur offrir un service de qualité. Il y a un certain besoin d’humanité aujourd’hui. J’ai également apporté ma touche personnelle. L’intérieur a été rénové sans changer sa structure et pour une meilleure visibilité, le magasin est désormais présent sur les réseaux sociaux et dispose d’un site Internet.
La salle d'examen de vue de la Maison Daignas |
A : Quel est le type de clientèle ?
E.D : J'avais une clientèle locale et fidèle. C'était du bouche-à- oreille, car je ne faisais pas de publicité. Durant ma carrière, j'ai eu la chance d’équiper des personnes connues comme Juan Manuel Fangio, quintuple champion de F1, ou mêmes des poètes.
V. M : Je l’ai développé ces 3 dernières années en diversifiant les collections. Je propose du haut de gamme, du créateur et des produits moins connus sur le marché, mais de qualité. Ma cible principale aujourd’hui : les porteurs âgés de 30 à 45 ans. Cette catégorie ne venait plus comme les jeunes âgés de 25 à 30 ans. Quant à la clientèle d’Edouard Daignas, elle est restée fidèle même si au début certains ont été tenté d’aller ailleurs.
A : Comment percevez-vous l’évolution du métier?
E.D : L'évolution du métier m’attriste. La profession est devenue mercantile et a perdu sa noblesse. A l'heure actuelle, nous avons trop de marchands de lunettes.
V. M : Je regrette la tournure que prennent les choses, avec des clients qui choisissent leur opticien en fonction de leur remboursement. Pour ma part, je ne suis dans aucun réseau et comme mon prédécesseur, je ne pratique pas le tiers payant. Seul le côté technique m’intéresse. J’ai racheté ce magasin parce qu’Edouard Daignas partage cette philosophie et a développé une entreprise saine.