En France, le principal acteur de la collecte en optique c’est le Medico Lions Club. Son quartier général est situé au Havre, où transitent chaque année plus de 4 millions de paires de lunettes venues de toute la France et au-delà. 8 salariés et 27 bénévoles s’affairent à la gestion de ces volumes impressionnants.
 

La pépite du Havre

Quelques semaines avant de devenir premier ministre en 2017, Edouard Philippe disait en quittant les locaux du Médico Lions Club : « J’ignorais qu’il existait une telle pépite au Havre ». Et cette pépite rend bien service au secteur de l’optique en récupérant une bonne partie de ses déchets. En France, mais aussi en Europe proche : sur les +4 millions de lunettes usagées collectées cette année par le Médico Lions Club, 400 000 viennent de Grande-Bretagne, 250 000 de Belgique et 65 000 d’Allemagne. Les Lions Club des pays frontaliers participent à centraliser les lunettes usagées - et cela depuis 50 ans – et parfois même des fins de stocks ou des invendus d’opticiens. Depuis sa création il y a un siècle, le Lions Club est particulièrement investi dans la protection de la vue (on leur doit la généralisation de la canne blanche pour les aveugles, la création du Centre du glaucome, mais aussi le programme international Sightfirst* depuis 1990 et de nombreuses actions humanitaires à travers le monde en faveur de la prévention et du traitement des pathologies oculaires). L’investissement moral et l’humilité des Lions les forcent à rester discrets : ils sont pourtant des acteurs complémentaires à la filière.stock_lunettes_usagees.jpg

Un échantillon des lunettes collectées 


90% de la collecte est inutilisable

Les collectes sont organisées 3 fois par an, ou lorsque les boites de lunettes usagées chez les opticiens sont pleines. Mais aussi lors d’évènements publics, le Lions Club invite les particuliers à ramener leurs lunettes usagées, appuyés par les associations locales. Des opérations plus larges sont régulièrement menées par la plupart des enseignes.
Sur les 4 millions de lunettes récupérées en 2021 par le Médico Lions Club, 10% seulement seront réutilisables directement. Le reste, ça part au recyclage. Les déchets sont « valorisés » et transformés en petites billes de plastique qui deviendront une table de jardin, ou parfois du textile, comme des chamoisines ou des vestes polaires.

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Les lunettes sont d'abord triées et reconditionnées

 

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Avant d'être classées par degré de correction

 

Les verres progressifs compliquent la donne

Le volume de lunettes collecté augmente chaque année, mais les contraintes également, comme le précise le président du Medico Lions Club, le Dr Gérard Châline : « Plus on collecte, plus les demandes sont importantes. On est victime de notre succès et un peu débordé. À tel point que certains transporteurs qui nous aidaient gratuitement nous demandent maintenant de participer financièrement, ce qui est normal, mais cela augmente nos frais de fonctionnement ». Le Lions Club vit essentiellement grâce aux dons : les équipements qu’ils fournissent et les services qu’ils assurent sont en revanche gratuits.
La montée en puissance des verres progressifs ces dernières années a considérablement baissé le pourcentage de lunettes directement réutilisables. Les verres progressifs représentent près de la moitié du volume collecté, et sont systématiquement détruits.
Essilor fournit des verres pour les montures reconditionnées sur place au Havre. Elles sont ensuite envoyées lors de missions en Afrique francophone, en Amérique Latine ou en Asie du sud-est. Si les missions ont dû stopper pendant le Covid, elles reprennent peu à peu le rythme d’avant 2020, bien que le prix de carburants comme le fioul lourd du transport maritime ait sensiblement augmenté.

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Retrouver la vue, ça change la vie, comme ici au Laos


En France, le Medico Lions Club est la structure principale de la collecte de lunettes usagées. Si des initiatives ont lieu sur tout le territoire, elles ne sont pas coordonnées et restent faibles en termes de volumes. L’Ordre de Malte, qui collectait jusqu’à 400 000 lunettes par an, a arrêté cette activité en janvier.
Lunettes Sans Frontières, association alsacienne créée il y a 50 ans reposant sur des bénévoles retraités, collecte environ 70 000 lunettes par an, dont seulement 10% peuvent être réutilisées et envoyées à l’étranger.


Rappelons que, si en France le marché de l’optique est saturé, 90% de la population mondiale est sous équipée en termes de soins visuels.
Selon l’OMS, en 2019, au moins 2,2 milliards d’individus dans le monde sont atteints d’une déficience visuelle ou de cécité.

 

 

*Sightfirst : Depuis 1990, le programme SightFirst joue un rôle majeur pour restaurer, améliorer et préserver la vue de millions de personnes dans le monde.