Le 130e congrès de la Société Française d'Ophtalmologie s'est tenu du 4 au 6 mai à Paris.
Avec 146 exposants, 12 wetlabs, des dizaines de sessions de formations spécialisées, des conférences-débats riches et diverses, le rythme est soutenu, les allées vivantes et les salles combles.
Si les thèmes des symposiums étaient nombreux, la myopie chez l'enfant a occupé une place inédite : 8 sur 31 y étaient consacrés.
Tour à tour, Hoya, Precilens, Essilor, CooperVision, Optic 2000, Zeiss, Johnson & Johnson et Krys ont proposé aux meilleurs experts de s'exprimer sur les raisons de la multiplication d'enfants très myopes dans les pays industrialisés et les solutions thérapeutiques pour freiner cette courbe d'évolution.
Un diagnostic inquiétant
En s'appuyant sur des études toujours plus étoffées au fil des années, ainsi que de la pratique quotidienne auprès des jeunes patients, les ophtalmologistes ont clairement exprimé leur préoccupation de l'aspect grandissant de la menace.
Rappelons que dans 25 ans, la moitié de la population mondiale sera myope, si on ne fait rien. Avec à la clef des risques pathologiques conséquents engendrant des coûts directs et des pertes de productivité se chiffrant en centaines de milliards de dollars, selon l'International Myopia Institute.
Solutions thérapeutiques plutôt que prévention
Or, si les solutions thérapeutiques (verres, lentilles et atropine) ont prouvé aujourd'hui leur efficacité à freiner la myopie - et vont s'améliorer -, la prévention qui consiste à changer profondément le fonctionnement de notre société en diminuant le temps passé à des activités en intérieur qui favorisent la vision de prêt n'est pas prêt d'arriver.
La grande majorité d'entre nous a le nez rivé sur les écrans, toute la journée, et toutes nos activités en dépendent. La consommation d'écrans commence dès le plus jeune âge. Chez les enfants de moins de 12 ans, la longueur axiale des yeux en formation est très sensible à la sollicitation de la vision de près et peut rapidement évoluer vers une myopie forte (-5D pour les enfants).
La myopie forte peut non seulement handicaper l'amétrope au quotidien mais elle engendre aussi des risques accrus de développer des pathologies comme des glaucomes et cataractes précoces ou provoquer un décollement de rétine - parmi d'autres risques. Les myopies évolutives augmentent cette probabilité à chaque dioptrie supplémentaire.
Chaque dioptrie compte
Le Pr Dominique Bremond-Gignac, chef de service à l'hôpital Necker-Enfants malades, est intervenue dans la quasi totalité des symposiums dédiés à la myopie des enfants. Avec, à chaque fois, l'énergie de transmettre des informations supplémentaires et complémentaires.
« Il faut en parler très tôt aux parents. A leur époque il n'existait ni études, ni solutions pour freiner la myopie. Aujourd'hui, on a la possibilité d'améliorer la qualité de vie de leurs enfants et leur éviter de nombreuses complications par la suite ».
Elle regrette le manque d'informations dont disposent les Français, comme le rappelle une étude récente de l'Asnav :
- 34% des adultes myopes ne peuvent pas décrire ce qu'est une myopie
- 55% des parents d'enfants de 8 à 12 ans ne savent pas que les enfants sont de plus en plus myopes
- Ils sont 77% à savoir qu'il existe des moyens de freiner la myopie, mais ils ne savent pas lesquels
Le professeur Bremond-Gignac détaille les zones géographiques les plus touchées par "l'épidémie" de myopie. Les pays fortement industrialisés comme l'Amérique du nord, l'Europe de l'ouest et l'Asie du sud-est sont particulièrement concernés
Informez vos clients sur la myopie et sa freination
C'est d'abord de la responsabilité des médecins et professionnels de la santé visuelle, ophtalmologistes, orthoptistes et opticiens, de partager avec leurs patients et clients, à la moindre occasion, toutes les informations sur la myopie - ses origines, ses facteurs aggravants et ses conséquences.
Pour les opticiens, expliquer la myopie auprès des clients relève avant tout de leur responsabilité en tant que professionnels de santé et leur conscience des enjeux visuels actuels. Votre suivi des enfants équipés en solutions de freination est essentiel pour que le traitement soit efficace.
Un héritage à honorer
La France a compté de nombreux ophtalmologistes illustres, comme en témoigne la longévité de la SFO : peu de Sociétés savantes peuvent se prévaloir d'avoir réalisé 130 congrès.
Mais l'un d'entre eux a manqué cette année. Spécialiste de la rétine, déterminé à percer tous les secrets de la myopie, fondateur et moteur du jeune Institut de la myopie inauguré au mois de mars, le regretté professeur Ramin Tadayoni devait intervenir dans de nombreuses conférences ce weekend.
Disparu brutalement il y a quelques jours, il a été remplacé au pied levé par des confrères au coeur lourd, qui n'ont pas manqué de multiplier les hommages en sa mémoire.