La piste des montures reconditionnées pour diminuer l'impact de la filière sur l'environnement fait son chemin.
L'un des principaux acteurs est Lunettes de Zac, entreprise lilloise fondée en 2020, qui se fait progressivement sa place sur le marché national de l'optique-lunetterie. Elle rencontre nénamoins quelques obstacles, comme l'accès aux gisements (stocks de montures collectés) et l'hésitation des opticiens à se lancer.
Les consommateurs, eux, semblent y trouver leur compte puisque Zac a aujourd'hui 2 magasins, à Lille et à Amiens, ainsi qu'un partenariat avec Ecouter Voir et des dizaines d'opticiens partenaires.
Quel place sur le marché ?
Avec environ 12 000 montures reconditionnées en 2024 dans un marché qui compte une vingtaine de millions de montures neuves vendues chaque année, l'impact de Lunettes de Zac sur les volumes reste dérisoire, mais participe à une prise de conscience auprès des consommateurs comme de la filière. Si le marché du reconditionné se développe, il a aussi ses limites.
Les opticiens hésitants
Acuité a réalisé 2 sondages similaires à 1 an d'intervalle. Les résultats indiquent un intérêt limité votre part :
- en 2023, vous êtes 36% à être favorable aux lunettes de seconde main en magasin (1 600 répondants)
- contre 26% en 2024 (350 répondants, vous pouvez encore participer à ce sondage lancé le 28 octobre)
Les raisons évoquées par les opticiens qui refusent d'équiper des montures de seconde main relèvent parfois du fantasme, comme l'absence de prise en charge (Zac dispose pourtant d'un code LPP qui ouvre les droits des mutuelles), l'inquiétude autour de la garantie et du SAV, le fait de détourner ces montures d'une vocation humanitaire...
La fondatrice de Lunettes de Zac, Ophélie Vanbremeersch, est intervenue lors du Cold (Congrès de l'optique-lunetterie durable) dans le cadre d'une table ronde aux côtés de Nadjib Renai, délégué général de RCube (spécialisé dans l'accompagnement des réparations et le réemploi). Et si le marché du reconditionné se développe, il a aussi ses limites.
De gauche à droite : Ophélie Vanbremeersch fondatrice de Lunettes de Zac, Nadjib Renai délégué général de RCube, Margaux Bédé journaliste
3 raisons qui attirent le consommateur
« Il y a 3 principales raisons pour lesquelles les consommateurs se dirigent vers les montures reconditionnées. La 1ère, c'est le prix, environ 40% moins cher qu'un produit neuf. La 2e, c'est de faire un geste pour l'environnement. La 3e, c'est de porter une monture de marque qu'ils ne pourraient pas s'offrir en 1ère main. Dans l'ensemble, nous avons très peu de SAV, de l'ordre de 2% ».
Pour Nadjib Renai, la lunetterie reconditionnée est à la traine par rapport à d'autres secteurs comme l'électronique, l'électroménager ou le textile. « On aide les filières qui le veulent bien. En optique-lunetterie, c'est très récent et il manque encore beaucoup de données pour développer des débouchés solides et créer une filière pérenne de seconde main ».
A l'issu de la table ronde, nous avons posé plusieurs questions à Ophélie Vanbremeersch :
- Quel est l'impact environnemental des lunettes reconditionnées et leur influence sur les flux entrants de produits neufs ?
- Comment réagissent les grandes marques au fait que vous remettez en état et en vente leurs produits ?
- Que répondre aux opticiens qui estiment qu'il est navrant de remettre sur le marché des montures qui pourraient servir à des fins humanitaires ?
Ses réponses sont dans la vidéo ci-dessous.
Déjà sur l'impact environnemental je me pose la question : si les lunettes sont reconditionnées ça suppose quand même plusieurs choses qui me semblent pas très écologiques. Déjà refaire des verres de présentation. Et oui comme ce sont des lunettes déjà portées il faut refaire des verres de présentation pour les revendre, forcément. Or on sait que c'est l'un des produits les plus polluants dans notre secteur, le verre de présentation n'étant pas recyclable.
Ensuite se pose la question du transport. Car il faut envoyer les lunettes à l'entreprise pour les reconditionner, puis elle renvoie les montures aux opticiens pour les revendre. Ca fait donc 2 trajets qui émettent du CO2 pour revendre une monture reconditionnée. 1 pour que la monture arrive dans l'entreprise de reconditionnement, 2 pour être renvoyée chez un opticien.
Au final je me demande si ces aspects n'annulent pas les avantages écologiques du reconditionnement en soi. Au final ne serait-ce pas kif kif ? Faudrait vraiment calculer la pollution engendrée par toutes les étapes nécessaires au reconditionnement et à la revente et la comparer à la pollution engendrée par la fabrication de la monture avec des milliers d'autres en même temps et envoyée dans un seul paquet. Je pense perso que déjà niveau transport une monture reconditionnée pollue plus qu'une monture neuve. Car une monture reconditionnée va être envoyée avec peut être quoi ? Une dizaine, une vingtaine, une trentaine d'autres à tout casser dans un envoi ? Puis va nécessiter une 2ème transport dans l'autre sens. Alors qu'une monture neuve expédiée dans un seul envoi avec des milliers d'autres bah niveau transport ça semble émettre moins de CO2.
Puis la question du SAV est centrale bien sur, car les gens doivent pouvoir compter sur une paire de lunettes qui tient 2 ans minimum et qui est donc réparable si besoin dans cette période.
Je rajouterais aussi la notion de nouveauté. Les gens qui changent de monture le font en général tous les 2 ans et demi. Donc c'est un évènement qui reste "rare" car un long temps s'écoule entre 2 achats. Quand un tel temps s'écoule entre 2 achats, les gens ont souvent envie d'investir dans quelque chose qui va tenir dans le temps, qui est qualitatif, à la mode, qui change, etc. Cela ne correspond donc que peu aux montures reconditionnées. Si les gens changeaient de lunettes tous les ans ou tous les 6 mois, là oui le reconditionné aurait beaucoup de sens. Mais en changeant tous les 30 mois cela semble moins approprié. Les gens n'ont pas attendu 2 ans et demi pour acheter un produit reconditionné au final et repartir 2 ans et demi avec.
Enfin la question du prix se pose aussi. Car le succès du reconditionnement dans certains domaines (notamment l'électronique) ne repose PAS DU TOUT sur une motivation écologiste de la part des clients. Cette motivation reste à la marge. La motivation qui déclenche 70-80% des achats de produits reconditionnés c'est le prix. Les appareils électroniques (notamment les smartphones) sont devenus tellement chers neufs que le reconditionné a cartonné logiquement. Donc c'est bien le prix qui permet au reconditionné de marcher. Or dans l'optique les prix restent raisonnables. On peut avoir une monture de grande marque Dior ou Chanel pour 200 euros voire moins avec le remboursement mutuelle. On est loin des 800 ou 1200 euros d'un iPhone neuf. Donc le reconditionné a moins de chances de marcher pour cette raison là. Car l'optique reste quand même relativement accessible. Sans parler des offres à foison des opticiens pour se démarquer de la concurrence qui permettent parfois de faire de bonnes affaires (et les fraudes malheureusement aussi).
Donc le reconditionné en optique semble très limité, c'est le sentiment que j'ai à l'instant T. Le temps me fera peut être voir les choses différemment mais pour l'instant cela ne semble pas vraiment apte à décoller.
D'abord, nous avons choisi de ne pas remettre de verres de présentation sur nos montures reconditionnées. Comme vous l'avez justement relevé, ces bouts de plastiques ne sont pas encore recyclés (même si Recycloptics y travaille !) et nous avons donc choisi de ne pas en utiliser. Les clients en magasin ne sont absolument pas génés, et sont ême conquis par nos arguments lorsqu'ils réalisent que ces verres ne sont pas recyclables.
Sur la question du transport, vous avez raison, c'est l'un des points que nous nous attachons à réduire le plus possible. Effectivement les lunettes collectées en France feront plusieurs trajets en camions, mais nous passons par des services postaux déjà très optimisés (ne serait-ce pour limiter leurs coûts). Pour nous, ces trajets seront toujours moins conséquents que ceux engendrés par la fabrication de produits neufs à l'autre bout du monde.
Pour le SAV, nous avons choisi de proposer 2 ans de garantie (réparation ou échange). Cela s'explique par une confiance en notre processus de tri et reconditionnement poussé. Tout est fait pour garantir une seconde vie durable à la monture.
Pour le changement de monture tous les 2 ans, je comprends votre point de vue. Malheureusement, nous devons faire face à un appauvrissement des foyers, et donc à une recherche déquipements peu chers. Le prix des montures est le 1er critères d'achat pour des lunettes de vue en France (en 2019
Statista Research Department, 2023). Et cela se reflète énormément chez Zac, nos clients cherchent à s'équiper à petit prix, que ce soit avec des montures classiques ou des montures haut de gamme (proposées à 99€ en magasin, soit beaucoup moins chers qu'en neuf). Avec 4 ans de magasin, nous avons des clients qui sont revenus faire des équipements après 2 ans, et qui sont toujours convaincus que le reconditionné est une super alternative.
Enfin, pour les prix (comme évoqué plus tôt) c'est l'un des arguments qui fait pousser la porte de nos magasins à nos clients : ils peuvent s'équiper pour très peu cher, avec des monture de qualité. Comptez entre 39 et 99€ la monture (remboursées grâce à un code LPP délivré en 2020), auxquels doivent s'ajouter les verres, mais un panier qui reste abordable.
Ce serait un plaisir de continuer cette conversation enrichissante ! Au plaisir de discuter de l'avenir du reconditionné ensemble. N'hésitez pas à contacter Ophélie Vanbremeersch, fondatrice de Zac sur Linkedin
J'ai alors contacté des opticiens normands (voir Acuité) qui pratiquent déjà cela qui m'ont expliqué avoir pu créer leur propre code LPP. J'ai recontacté la SS mais n'ai jamais eu de suite à mes demandes...
SI quelqu' un sait comment faire, je suis tout ouïe !
Merci beaucoup !
Il y aura probablement un jour un travail juridique pour prendre en compte ce sujet.
Mais en l état actuel des choses, on est sur une monture qui ne bénéficiera pas une 2e fois du systeme d assurance maladie. En échange la personne achète un produit soit à bas prix soit vintage dont elle aime le cachet et elle en assume seule le coût.
Des produits de 2e main ont une place à trouver dans la société. Mais il faut réfléchir à tout :
- Quel impact pour les fournisseurs de montures si par exemple 20% de leurs commandes neuves disparaissent ?
- Refuser une pseudo gratuité de main d oeuvre pour au contraire reconnaître le coût nécessaire à une remise en état. Aujourd'hui est souvent utilisée une main d oeuvre subventionnée type Esat. C'est bien mais il faut évaluer le modèle économique global pour la filière.
- Définir clairement sa gestion en terme de sav et être attentif à la réparabilité des modèles sélectionnés. En optique, retailler des verres engendre souvent une perte de qualité de centrage ou bien une monture moins bien adaptée à la morphologie du porteur.
Contrairement à l'électroménager par exemple, les lunettes doivent suivre un minimum la mode pour être vendues facilement.
A part réutiliser les matériaux des lunettes usagées pour en refabriquer d'autres je ne vois pas d'autres moyens efficaces...