En quelques années seulement, les Lunettes de Zac a su devenir un acteur incontournable de la lunetterie de seconde main, souvent cité comme référence par de nombreux acteurs de la filière.

L'entreprise lilloise est régulièrement apparue dans de grands médias aux côtés d'importantes enseignes comme si elle les avait toujours côtoyées. Elle s'est récemment engagée auprès d'Ecouter Voir et ses 750 points de vente potentiels pour alimenter des corners de solaires reconditionnées. Et si l'activité de Zac s'est d'abord appuyée sur la remise en état de solaires (80% des ventes), les montures équipées de verres optiques prennent de plus en plus d'importance. L'objectif est d'inverser la tendance (80% de montures optiques).

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Arthur Havis, DG d'Écouter Voir, et Ophélie Vanbremeersch, fondatrice et présidente de Lunettes de Zac

 

Alors que la filière de l'optique lunetterie s'est construite sur une économie parfaitement linéaire depuis des décennies, Zac se fait sa place au coeur du système de distribution en prouvant, petit à petit, que les « déchets » n'avaient pas dit leur dernier mot et qu'ils avaient leur place sur le marché - pour lui donner une forme un peu plus circulaire. La fondatrice et présidente de Zac, Ophélie Vanbremeersch, 23 ans, a partagé avec nous quelques recettes de sa réussite.

Acuite : Comment se porte votre activité ?

ophelie_vanbremeersch.jpegOphélie Vanbremeersch : La société se porte très bien. L’équipe est actuellement constituée de 10 collaborateurs, dont 6 CDI et 4 alternants. Nous sommes accompagnés par 2 entreprises locales pour reconditionner les lunettes : AlterEos, qui emploie des personnes en situation de handicap, et Vitamine T, entreprise de réinsertion. Ce sont là 8 emplois qui sont liés à notre activité.

Nous avons tout d'abord créé le concept Zac Stores, notre magasin aujourd'hui enraciné à Lille. Nous développons actuellement Zac Collections, qui propose aux opticiens des corners de lunettes reconditionnées. Une cinquantaine d'opticiens nous ont fait confiance depuis le début de l'année ; d'ici fin 2025 nous visons 2 000 opticiens partenaires sur le territoire national.

 

AC : Vous vendez quelques marques écoconçues, mais majoritairement des montures reconditionnées. Comment se déroule leur remise en état ?

OV : La monture comportant des verres ophtalmiques est un dispositif médical : cela exige un processus de reconditionnement particulièrement poussé pour garantir la sécurité sanitaire du porteur.

Il y a 3 étapes pour remettre une monture optique sur le marché :

  • Le tri : aujourd'hui, entre 30% et 40% des montures usagées sont éligibles au reconditionnement pour correspondre aux attentes du marché. Nos opérateurs, les sublimeurs, effectuent un contrôle qualité initial lors de ce 1er tri en repérant les défauts détectables à l’oeil nu, des traces d’usure, de griffes ou de de morsures, en vérifiant que la matière n'est pas trop fragile. Ce 1er tri est revérifié.

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Opération de tri de lunettes usagées collectées

 

  • Le reconditionnement : ce processus varie selon les matières dont est composée la monture. Mais pour résumer, nous vérifions d'abord son état général et ses composants : les drageoirs, la visserie, les manchons, etc. que nous remplaçons après avoir passé chaque élément, démonté, au bac à ultrason, l'un après l'autre, manuellement. Nous changeons alors les éléments de visseries, les manchons, les plaquettes...qui le nécessitent. Enfin, nous remontons la monture, la rhabillons et nous effectuons un contrôle qualité après la phase de reconditionnement. Chaque sublimeur passe en moyenne 20 minutes par monture.

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Chaque sublimeur passe environ 20 minutes par monture pour le reconditionnement

 

  • La livraison : les montures sont emballées pour être livrées à nos opticiens partenaires. C’est à cette étape que s’effectue un dernier contrôle qualité. Depuis le début de l'année 2023, nous remettons sur le marché en moyenne 1 000 lunettes reconditionnées par mois. Chaque pack envoyé est référencé et nous assurons sa traçabilité via plusieurs sécurités numériques. Comme sur des montures neuves, nous assurons un SAV pendant 2 ans.

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Le résultat en magasin d'optique

 

AC : La loi oblige d'assurer un SAV de 6 mois sur les produits d'occasion. Pourquoi aller jusqu'à 2 ans ?

OV : C’est un positionnement de notre part. C'est également un feeling personnel, car je pense que c’est ce qui nous sera demandé à l’avenir.
De plus, si on souhaite réellement opérer un changement sur le marché, il est nécessaire de s’adapter au cahier des charges habituel des opticiens pour les convaincre que les produits reconditionnés peuvent être de qualité identique à du neuf. Un SAV de 2 ans en fait partie.

Enfin, c’est une garantie pour l’usager final. Nous fournissons un dispositif médical qui ne peut être remboursé qu'une fois tous les 2 ans. Le porteur doit pouvoir compter sur sa monture reconditionnée pendant cette période, au minimum. Et c'est tout à fait possible. 

 

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Présentoir de solaires Zac chez un opticien indépendant

 

AC : Comment assurez-vous ce SAV ?

OV : Zac Collections n'est disponible que depuis le début de l'année, et jusqu'à présent nous n'avons été confrontés à aucune sollicitation de SAV.

Dans le cadre du Zac Store de Lille, les reconditionnées vendues font l'objet de SAV moins de 2% du temps. En revanche, avec un recul de plus de 2 années de retail, je constate que nous avons davantage de SAV sur nos produits neufs écoconçus que sur nos montures reconditionnées, bien que cela reste marginal.

Dans une situation où le client est confronté à un problème, nous avons 3 solutions. Dans chaque cas, la livraison est à notre charge :

  • Reconditionnement direct de la monture, si possible
  • Remplacement par une monture identique, si en stock
  • Choix d’une monture directement avec le client final et retaille des verres.

 

AC : Les montures que vous reconditionnez bénéficient-elles d'un code LPP donnant accès à une prise en charge auprès des mutuelles ?

OV : Dès le début de l'année 2021, alors que l'activité du Zac Store s'établissait, nous avons contacté la Direction de la Sécurité Sociale pour leur présenter notre activité. Nous avons eu un retour favorable en obtenant notre code LPP Zac. Depuis, nous avons échangé plusieurs fois avec la DSS et ses équipes pour aller bien delà de l'obtention d'un code LPP spécifique. Nous voulons partager avec eux notre expérience et les renseigner sur l'enjeu à la fois écologique et social que représente la lunetterie reconditionnée.

 

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Le modèle de Lunettes de Zac s'appuye sur les compétences professionnelles locales 

 

AC : La filière de l'optique-lunetterie, comme toutes les autres, est responsable d'un gaspillage considérable. Nous en avons parlé concernant les verres de présentation, la collecte de lunettes usagées ou encore la chirurgie de la cataracte. Quel rôle peuvent jouer les opticiens dans cette transformation ? Comment voyez-vous le marché des lunettes d’occasion par rapport à d’autres secteurs (textile, agroalimentaire, électronique, etc) ?

 

OV : Je suis entourée d'amis entrepreneurs engagés dans ces autres secteurs professionnels. Ces filières sont confrontées à des problématiques complexes et fondamentales qui remettent en cause leur modèle économique. Je trouve que le marché de l’optique est très en retard sur les problématiques actuelles, qu'elles soient environnementales ou sociétales.

Il existe de bonnes initiatives en optique-lunetterie mais elles sont malheureusement marginales. Le greenwashing est fréquent, et trompe les acteurs de la filière mais surtout le porteur, alors que les lunettes sont un produit que tout le monde porte tôt ou tard. Le marché de l'optique-lunetterie est très opaque : c'est comme si personne ne savait vraiment où sont produites les lunettes, par qui, dans quelles conditions, dans quel pays, et avec quel impact environnemental. Comme d'autres filières, c'est lamentable de pousser à une surconsommation et à une surproduction à outrance avec des offres de X montures supplémentaires alors que l’utilisateur final n’en a pas besoin.

Néanmoins j’ai espoir que dans les prochaines années une prise de conscience généralisée aura lieu et entrainera un tournant en faveur de l'environnement. Dans ce scénario, les produits seront fabriqués en France, à prix juste, en s'appuyant sur les compétences des acteurs locaux. Les opticiens ont ici un rôle essentiel à jouer.

 

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Le Zac Store, à Lille