Cinq professeurs en ophtalmologie ont adressé hier, lundi 9 décembre, un courrier à la ministre des Affaires sociales et de la Santé, sur les conséquences des mesures du projet de loi relatif à la consommation pour la santé oculaire des Français. Deux d'entre elles inquiètent particulièrement les ophtalmologistes :
-l'autorisation, pour les magasins d'optique et les sites de commerce en ligne, de vendre des lentilles de contact sans prescription médicale,
-et l'extension de la validité de trois à cinq ans de l'ordonnance.
Béatrice Cochener, Christophe Baudouin, Jean-François Korobelnik, Catherine Creuzot-Garcher et Braham Bodaghi* expriment leurs craintes face à ces mesures qu'ils jugent dangereuses et s'étonnent qu'elles soient discutées dans un projet de loi sur la consommation, par la Commission des Affaires économiques, sans avis de la Commission des Affaires sociales, ni de sollicitation de la Haute autorité de santé (HAS) ou d'expertise médicale.
Leurs arguments
Concernant les lentilles, les spécialistes rappellent l'« affluence grandissante dans les services d'urgence des hôpitaux pour des cas de kératites et d'abcès cornéens liés à un port de lentilles mal adaptées ou sans suivi médical ». Ils déplorent que l'on fasse fi des recommandations de l'Académie de médecine sur l'adaptation des lentilles.
« Les patients qui ne font pas adapter leurs lentilles par un ophtalmologiste ont un risque six fois plus important de complications, selon l'étude épidémiologique en cours depuis 2008 sur les complications infectieuses liées au port de lentilles. Plus de 600 personnes sont hospitalisées chaque année pour des abcès cornéens liés à des lentilles mal ou non adaptées », notent-ils.
Aussi, « l'allongement de la durée de validité de l'ordonnance risque de conduire à des retards au diagnostic pour des maladies graves comme le glaucome, la rétinopathie diabétique, la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) ou le mélanome de l'oeil ». Les spécialistes soulignent que plus du tiers des patients venus chez l'ophtalmologiste pour renouveler une ordonnance se voient diagnostiquer un autre problème médical.
Les cinq professeurs des universités et praticiens hospitaliers demandent à leur ministre de tutelle de « s'emparer du sujet » pour se battre « contre des mesures qui dégradent la qualité de la santé de nos concitoyens ». Ils souhaitent « un véritable programme d'orientation en matière de santé oculaire, compatible avec une politique de dépistage et un parcours de soins sécurisé optimisé par des délégations de tâches contrôlées et efficaces ».
*Le 5 signataires sont les professeurs :
Béatrice Cochener, présidente du Collège national professionnel d'ophtalmologie appelé Académie française d'ophtalmologie (AFO) et chef de service au CHU de Brest,
Christophe Baudouin, secrétaire général de la Société française d'ophtalmologie (SFO) et chef de service au Centre hospitalier national d'ophtalmologie (CHNO) des Quinze-Vingt à Paris,
Jean-François Korobelnik, président de la SFO et chef de service au CHU de Bordeaux,
Catherine Creuzot-Garcher, présidente du Collège des ophtalmologistes universitaires (Couf) et chef de service au CHU de Dijon,
et Braham Bodaghi, président de la sous-section ophtalmologie du Conseil national des universités (CNU-Santé) et chef de service à la Pitié-Salpêtrière (Paris, AP-HP).
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