Dernière série de nos interviews... Alors que 2013 a été dense en mesures législatives et que notre secteur a été touché de plein fouet par la crise, nous sommes allés à la rencontre des acteurs majeurs de notre profession. Comment ont-ils réagi à cette vague parlementaire ? Comment voient-ils l'année à venir, avec angoisse ou optimisme ? Que vont-ils mettre en place ? Acuité a posé la question à Christian Rothacker (Groupe One) et Jean-Luc Sélignan (Club OpticLibre).
Christian Rothacker, président du Groupe One
« On ne peut pas réagir très positivement à l'année qui vient de s'écouler. On va essayer de revenir sur la loi Le Roux à travers des amendements mais globalement on a sacrifié le métier. On va également se mobiliser pour la loi relative à la consommation afin de donner de la valeur à la profession. Le but est d'accentuer la compétence des opticiens en tant que professionnels de santé avec un véritable service rendu au consommateur. Quand on regarde par rapport aux autres pays européen, Internet n'a pas forcément pris une part de marché importante. Il faut prouver aux porteurs que les réseaux physiques leur apporteront plus, en s'inscrivant dans le progrès avec des produits techniques.
Sur le PLFSS 2014, il est difficile de se prononcer car plusieurs paramètres entrent en ligne de compte : planchers et plafonds de remboursement, complémentaire santé collective obligatoire... Ce qui est certain aujourd'hui, c'est que les Ocam proposeront des sur-complémentaires pour compléter les remboursements optiques, mais bien-sûr à condition que les Français aient les moyens. Ni les Ocam, ni les opticiens n'ont à se réjouir de cette position dommageable.
L'année 2014 s'annonce donc comme une année de transition où il va falloir reprendre ses repères. Mais je crains encore plus 2015, où le PLFSS va se mettre en place. Il est clair qu'il y a un malaise dans la filière. Il faut trouver maintenant comment s'en sortir par le haut. On a la chance d'avoir un secteur dynamique par ses produits, il va falloir les mettre en avant. Économiquement, ça va être extrêmement tendu comme dans tous les domaines d'activité. Il s'agit d'être le plus professionnel possible, d'apporter une véritable valeur ajoutée technique et le maximum de satisfaction à nos clients. Nous avons encore beaucoup de choses à leur apporter. Si Internet prenait des parts trop importantes, ça voudrait dire qu'on n'a pas fait notre boulot en réseau physique. Nous allons aider l'opticien indépendant à passer ce virage. Ce n'est pas forcément lui qui trinquera le plus : en période de crise, il vaut mieux être petit, souple et agile ».
Jean-Luc Sélignan, président du Club OpticLibre
« Sur un plan juridique et non pas pratique, il est exact que j'avais pensé que la loi Le Roux serait inconstitutionnelle. J'ai été déçu de constater que le texte de la saisine, effectuée par le groupe parlementaire UMP, ne reprenait que deux des six griefs d'inconstitutionnalité que j'avais relevés. Honnêtement, j'ai du mal à comprendre pourquoi cette saisine a été si succincte et légère. Je persiste à penser que si tous les points avaient été soulignés, il est très probable que la loi aurait été censurée.
La loi Hamon, qui vise à faciliter les protocoles de vente sur Internet, n'est évidemment pas favorable aux opticiens. Une des raisons pour lesquelles ça ne fonctionne pas dans le secteur de l'optique, est un protocole de vente extrêmement complexe. Au demeurant, les prix des équipements optiques ont augmenté en moyenne de 1% par an sur les 10 dernières années, ce qui est très inférieur à l'indice des prix à la consommation. Les lunettes ne sont absolument pas plus chères qu'ailleurs, par contre la vitesse de renouvellement en France est inférieure à 3 ans quand elle est de 4,5 en Allemagne.
On n'y voit pas clair dans la stratégie du Gouvernement. Une chose est sûre : le ministère de la Consommation a pris le pas sur celui de la Santé concernant les produits optiques et c'est grave pour la santé publique. Il n'y a pas de raison pour que 2014 soit très différente de 2013. Le marché est entré en récession. En revanche, nos adhérents ont un intérêt croissant à l'adhésion de certains réseaux. Leur appétence est aujourd'hui supérieure à ce qu'elle était il y a trois ans. Il y aura à priori beaucoup plus de candidats aux appels d'offre à venir. Il faut souligner que de nombreux opticiens, et en particulier ceux qui ont beaucoup de dossiers en attente auprès des Ocam, ont de gros problèmes de trésorerie. Le point clef pour tenter de résister à tout ça est de mieux gérer : automatiser sa facturation quand cela est possible, ne pas prendre des modules d'avance de trésorerie toujours très onéreux mais plutôt aller voir sa banque afin d'obtenir un découvert bancaire... Ajouter à cela, on se doit d'être toujours dans l'excellence en termes de services au client. Le professionnalisme d'aujourd'hui est un savoureux mélange entre celui d'hier et les outils technologiques mis à notre disposition ».
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