Le projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs présenté par le secrétaire d'Etat au commerce Frédéric Lefebvre contient plusieurs dispositions relatives à notre secteur. Certaines d'entre elles suscitent quelques interrogations qui méritent réflexion.

Une remise en cause de l'indépendance entre prescripteur et vendeur ?

L'article 6 vise à encadrer la vente sur Internet de produits optiques. Il prévoit notamment d'obliger les sites à mettre à la disposition de leurs clients « un opticien-lunetier, un orthoptiste ou un ophtalmologiste pour répondre à toute demande d'informations ou de conseils ». Or, la mention de l'ophtalmologiste dans cette disposition pourrait remettre en cause le principe de l'indépendance entre le prescripteur et le vendeur auquel notre système de santé est très attaché, et qui est destiné à éviter les conflits d'intérêts.
En effet, en France, les ophtalmologistes (et plus généralement les médecins) ne sont pas censés délivrer les produits qu'ils prescrivent. « L'affiliation » d'un ophtalmologiste à un site de vente de lunettes et/ou de lentilles pourrait donc être contraire à ce postulat. Celui-ci pourrait également être mis à mal, de manière encore plus flagrante, dans les magasins, le projet de loi prévoyant également d'ouvrir la propriété et/ou la gestion des points de vente à des non-opticiens : si cette mesure est adoptée, rien n'interdirait en effet à un ophtalmologiste de posséder un magasin.

Des solaires soumises à prescription ?

L'article 5 du projet de loi comporte quant à lui une imprécision qui peut faire débat. Il prévoit de soumettre la « délivrance de lunettes et de verres correcteurs, à la possession, par l'opticien-lunetier, d'une ordonnance en cours de validité ». L'absence de la mention « correctrices » derrière le mot « lunettes » pourrait laisser entendre que même les solaires seraient soumises à prescription. Si ce n'est pas l'esprit de la loi, des juristes scrupuleux pourraient cependant l'interpréter ainsi. Raisonnons par l'absurde : dans ce cas de figure, pourrait-on supposer que les solaires soient prises en charge par la Sécu et les complémentaires santé ? Nul doute que les autorités lèveront ces imprécisions avant l'adoption définitive du texte...