Dans la bataille qui les oppose à Leclerc, les pharmaciens ont remporté une première victoire. Hier, le Tribunal de grande instance de Colmar a condamné Michel-Edouard Leclerc à retirer ses publicités sur les médicaments non remboursés. Le tribunal a épinglé une publicité "volontairement agressive et déloyale", qui "accuse indirectement les seules pharmacies d'officine d'être à l'origine de la baisse du pouvoir d'achat". Le visuel du collier (dont les pierres précieuses sont remplacées par des médicaments) ainsi que le slogan "Soigner un rhume sera bientôt un luxe" sont désormais proscrits.
"Je suis légaliste. Nous allons modifier les publicités en tenant compte des injonctions du tribunal", a déclaré Michel-Édouard Leclerc, qui a d'ores et déjà fait appel de la décision. Ce dernier a jusqu'au 23 avril pour retirer les spots télévisés et jusqu'au 28 avril pour les supports papier, sous réserve d'une astreinte de 20 000 euros par jour. Le contenu du site sesoigner-moinscher.com devra également être modifié d'ici le 1er mai.

Lancée il y a une dizaine de jours, la campagne publicitaire des Centres Leclerc prônait la vente des médicaments OTC (en libre service) dans la centaine de parapharmacies de l'enseigne, sous le contrôle de docteurs en pharmacie. Et s'engageait à "améliorer les conditions d'accès au marché de la santé", en faisant baisser les prix des médicaments d'automédication de 25%. La campagne avait été dénoncée par l'Ordre des Pharmaciens, pour qui "le médicament n'est pas une marchandise banale", puis par la ministre de la Santé arguant que "les expériences étrangères montrent qu'après trois mois de baisse, les prix des médicaments reflambent".
Cette action en justice est le fait d'Univers Pharmacie, un groupement de 470 officines, Directlabo SA (1700 adhérents), l'Union nationale des pharmacies de France (Unpf) et l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (Uspo), fédérant respectivement 1200 et 3500 pharmaciens. "Nous sommes très satisfaits. Le message véhiculé par cette publicité était mensonger, commente Gilles Bonnefond, secrétaire général de l'Uspo. Le juge a retenu que l'assimilation de la gélule à un objet de luxe n'était pas conforme. La santé n'est pas un outil publicitaire."

De son côté, Michel-Edouard Leclerc a précisé que "le juge n'a pas dit que cette publicité est mensongère. Il nous enjoint de modifier certaines allégations, ce qui va être fait. Mais cela ne change rien au fond, nous poursuivons notre offre." Excédés par une communication fondée sur "des informations erronées et simplistes", les pharmaciens se réservent la possibilité d'introduire une nouvelle action sur le fond. La bataille judiciaire ne fait que commencer.
Dans son édition du jour, Le Figaro rappelle qu'il y a 20 ans, les centres Leclerc voulaient obtenir la possibilité de vendre des produits parapharmaceutiques. "La vitamine C interdite chez Leclerc. À quand les oranges vendues en pharmacie ?", ironisait un des slogans. La publicité avait alors fait scandale. Attaqué par le Conseil de l'ordre des pharmaciens, Leclerc avait été condamné pour atteinte à la dignité de la profession. Leclerc avait finalement fait bouger la réglementation et ouvert ses espaces de parapharmacie.


Extrait de la campagne publicitaire de l'enseigne Leclerc