Alors que la ministre de la Santé Roselyne Bachelot a évoqué hier 13 avril l'hypothèse d'un transfert de prise en charge des dépenses d'optique vers les complémentaires santé (voir notre news de ce matin), cette annonce a provoqué de nombreuses réactions, essentiellement négatives.
Dans un communiqué transmis à notre rédaction, l'Asnav estime que "les intentions des pouvoirs publics confirment que la santé visuelle reste le parent pauvre des politiques de santé publique de notre pays". "Supprimer ces remboursements serait une erreur économique et sociale. Cela installerait un système accentuant les inégalités d'accès aux soins, et risquerait de transformer l'organisation des soins oculaires au moment où la filière a oeuvré pour présenter une organisation simple et coordonnée afin d'améliorer la qualité des prestations" souligne Bertrand Roy, Président de l'Association. Dans la perspective d'un débat sur ce sujet, il annonce que "les professionnels de la santé visuelle seront à la disposition de Madame Bachelot pour démontrer les éléments qui militent pour le maintien des remboursements des soins optiques par l'Assurance maladie, tout en conciliant le bon sens et les exigences des finances publiques".
"Nous voulons une réunion entre les pouvoirs publics et les membres de la filière visuelle"
Dans l'émission "Le Grand Direct" d'Europe 1, aujourd'hui consacrée en partie à cette question, de nombreux porteurs se sont eux aussi déclarés majoritairement "scandalisés" par ce projet "anti-social". Intervenant par téléphone, Christian Roméas, vice-Président de l'Asnav et Président du Synope, a estimé qu'il ne faut pas "parler du montant du remboursement" mais avant tout "du risque de démédicalisation de la santé visuelle". "Le dépistage des troubles visuels participe à la lutte contre l'échec scolaire et à la sécurité routière. Si demain, les remboursements optiques ne passent plus que par les complémentaires santé, il n'y aura plus de contrôle. De plus, tout le monde n'a pas de complémentaire" a-t-il répondu à l'animateur Jean-Marc Morandini. "Ce que nous souhaitons aujourd'hui, c'est une réunion entre les pouvoirs publics et les membres de la filière visuelle" a-t-il ajouté.
C'est également le souhait de Jean-Pierre Davant, Président de la Mutualité Française, qui regrette la déclaration selon laquelle "le gouvernement va ouvrir des négociations". Il pense qu'il "serait plus raisonnable de négocier d'abord, entre gens raisonnables, avant de faire des déclarations de ce type". Il dénonce aussi les propos de la Ministre de la Santé sur les importantes marges bénéficiaires des complémentaires santé. "Les mutuelles redistribuent en prestations quasiment tout ce qu'elles encaissent en matière de cotisation. Je connais les grandes mutuelles qui équilibrent juste et je n'ai pas le sentiment qu'elles font des bénéfices" a-t-il expliqué sur RTL.
"Un début de privatisation de la Sécu"
L'opposition monte aussi au créneau, évoquant "un début de privatisation de la Sécurité sociale". "Personne ne peut croire une seconde que devant ces charges nouvelles, les organismes complémentaires n'augmenteront pas leurs cotisations" précise Jean-Marie Le Guen, député de Paris.
"La question de la prise en charge des lunettes suppose au préalable que tout le monde ait une couverture globale" a précisé aujourd'hui la porte-parole de l'UMP, Chantal Brunel. Frédéric Lefebvre, autre porte-parole de la majorité, a expliqué que Roselyne Bachelot "n'a absolument pas parlé" de supprimer le remboursement des lunettes par la Sécurité sociale, mais a souligné "qu'à partir du moment où les mutuelles pourraient couvrir tout le monde, on pourrait se poser la question de savoir si les lunettes devaient continuer à être prises en charge".
Notons en outre que le chroniqueur Emmanuel Maubert, de l'émission Le Grand Direct, a pour sa part établi un parallèle avec la carte Famille Nombreuses qui, peu de temps après l'annonce de son retrait, est finalement maintenue suite au tollé provoqué par ce projet. Il a ainsi suggéré que l'importance des réactions aux déclarations de Roselyne Bachelot pourrait de la même manière faire reculer le gouvernement sur la question du remboursement des frais d'optique. A suivre...
Economie