« Aujourd'hui, la téléexpertise entre un opticien et un ophtalmologiste aujourd'hui c'est souvent une vente d'ordonnance par des ophtalmologistes et un achat d'ordonnances par des opticiens », résume Vincent Dedes, président du syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof). « Aujourd'hui la téléexpertise entre un opticien et un ophtalmologiste n'est pas définie, il n'y a pas de cotation, parce que la Caisse d'assurance maladie ne le souhaite pas ».

Téléconsultation VS téléexpertise

Le Snof, plutôt favorable à la téléconsultation encadrée dans les magasins d'optique, émet de sérieux doutes quant à la légalité de certaines solutions de téléexpertises. La Haute Autorité de Santé qui a récemment émis des recommandations concernant la téléconsultation ne s'est pas exprimée sur la téléexpertise, qui n'entrait pas dans son champ d'étude. 

En dehors du cadre règlementaire ?

Si les solutions de téléexpertise fleurissent ces derniers mois et que de plus en plus d'opticiens y adhèrent, le cadre règlementaire implique des limites qui sont franchies dans certains cas, selon le Snof. Des modèles qui rappellent le site ophtalmos.io, fermé début 2023 après l'intervention du Snof.

Dans l'interview vidéo ci-dessus, réalisée lors du 130e congrès de la Société Française d'Ophtalmologie, le syndicat explique les dérives qu'il constate dans certains modèles de téléexpertise : « Parfois la téléexpertise est en fait totalement inexistente, l'ophtalmologiste ne connait pas son patient, n'échange pas avec lui, ce qui est contraire à la déontologie et à l'article 65* de la Loi de financement de la sécurité sociale 2024 ».

Cet article prévoit que la prise en charge financière des prescriptions réalisées par télémédecine ne peut avoir lieu qu'après un échange oral entre le patient et le médecin - ce qui n'est pas le cas dans la téléexpertise. 

Procédures judiciaires en cours

Vincent Dedes indique également qu'actuellement plusieurs procédures judiciaires sont en cours, notamment à l'initative de l'Ordre des médecins et de l'Agence de lutte contre la fraude à l'assurance, et que la Cnam a été interpellée sur ce sujet. À la fois certains opticiens et sociétés de téléexpertise seraient ciblées. 

 

« La Sécurité sociale et les Ocam s'intéressent au sujet de la prise en charge d'équipements optique obtenus suite à une téléexpertise. Ils sont rarement justifiés, souvent les corrections sont extrêmement faibles. On est loin d'une pratique médicale déontologique », conclut Vincent Dedes.  

 

*Extrait de l'article 65 de la LFSS 2024 : « Les produits, les prestations et les actes prescrits à l'occasion d'un acte de téléconsultation réalisé en application de l'article L. 6316-1 du code de la santé publique ainsi que les prescriptions réalisées lors des télésoins mentionnés à l'article L. 6316-2 du même code ne sont pris en charge qu'à la condition d'avoir fait l'objet d'une communication orale, en vidéotransmission ou téléphonique, entre le prescripteur et le patient. »