Philippe Silberzahn, ancien entrepreneur, professeur à EMLYON Business School et chercheur associé à l’École Polytechnique, relate sa visite chez l’ophtalmologique, sur son blog. Une visite qu’il juge « pleine d’enseignements sur l’impact de l’innovation technologique sur l’avenir de la médecine et des médecins » ainsi que sur le poids de la réglementation. Revue de presse :
Des examens pratiqués par une secrétaire et un technicien
A l’occasion d’un rendez-vous chez son ophtalmologiste, Philippe Silberzahn explique : « la secrétaire, après m’avoir demandé ma carte vitale, me fait passer un premier examen. Tout est automatique : je pose mon menton sur une machine, et voilà. En quelques secondes c’est terminé. En lisant de travers, j’apprends qu’il s’agit d’un tonomètre. Les résultats sont envoyés à l’ordinateur ». Après cette première étape, le patient s’étonne de ne pas être reçu par le médecin mais par un technicien. Il décrit ainsi la scène : « Quelques minutes après, je suis reçu, non pas par le médecin, mais par un technicien qui me fait une batterie de tests pour voir comment ma vision a évolué depuis la dernière fois. Là encore, tout est quasiment automatisé, et le reste est totalement routinier ; les résultats sont là aussi envoyés à l’ordinateur. Parfaitement huilé ».
Suivent dix minutes en salle d’attente avant d’être reçu par l’ophtalmologiste. « Le médecin me reçoit. Il consulte les résultats sur son écran. Un examen de quelques secondes des deux yeux, trois questions, une ordonnance, et c’est terminé. Je suis resté moins de cinq minutes dans son bureau », fait-il savoir.
Des actes médicaux accessibles à des non-médecins grâce à la technologie
En bon observateur, Philippe Silberzahn livre ses conclusions de cette visite et fait partager ses sentiments. « Cette visite m’inspire deux choses. La première, c’est qu’effectivement la majorité des actes sont purement routiniers et largement automatisés. Ils ne requièrent plus la science d’un médecin, mais la connaissance d’un technicien, voire celle de la secrétaire d’accueil. On voit ici la banalisation de la connaissance, et surtout comment la technologie encapsule cette connaissance pour la rendre utilisable par ceux qui ne la possèdent pas. Il y a dès lors un glissement inévitable dans l’ordre de ceux qui peuvent effectuer ces actes médicaux. Ce qui nécessitait un expert il y a dix ans peut désormais être fait par la secrétaire », analyse-t-il. Et de tirer de ce constat : « Cela entraîne nécessairement une évolution des coûts, en l’occurrence une baisse et une répartition différente de la valeur ».
Un examen parfaitement réalisable par un opticien
Or, Philippe Silberzahn constate que le prix n’a pas diminué : 60€ la visite ! « Ce qui est frappant, c’est combien l’intervention du médecin est inutile : trois minutes pour signer une ordonnance dont le diagnostic a été établi soit par des machines, soit par des techniciens. La raison de sa présence est simple, elle tient à la réglementation. Impossible d’avoir une nouvelle paire de lunettes sans ordonnance d’un ophtalmo », commente-t-il.
Et de suggérer : « Mon examen aurait pu être tout à fait facilement réalisé par un opticien, pour un coût bien moindre pour la sécurité sociale et ma mutuelle. On voit comment l’impact de l’évolution des connaissances, dont la technologie n’est qu’une des manifestations, se retrouve bloqué par une réglementation qui n’a pour but que de protéger une situation acquise par une profession devenue inutile ».
Cette expérience rapportée est probablement vécue par nombre de porteurs de lunettes. Et sous réserve de la visite régulière chez un ophtalmologiste afin de dépister d’éventuelles pathologies, toute la partie réfraction pourrait en effet être transmise à l’opticien formé, si on lui accordait les mêmes délégations de tâches qu’à l’orthoptiste !
depuis le temps que l'on voit notre travail ( d'opticien) décrié cela fait plaisir qu'un quidam (ni medecin, ni opticien) touche du doigt cette abérration de l'ordonnance comme sésame à une nouvelle paire de lunettes.