Dans un entretien ce jour au journal économique La Tribune, Alain Afflelou, interrogé par notre confrère Yves Sassi, s’explique sur son rôle de franchiseur, son développement et le lancement, en septembre de sa nouvelle enseigne.
Yves Sassi : Lorsque nous nous sommes rencontrés la première fois, vous m'expliquiez que vous n'étiez pas franchiseur, mais un opticien qui apportait des outils marketing à vos adhérents. Dix ans ont passés, êtes vous devenu franchiseur ?
Alain Afflelou : Etre franchiseur, c'est pratiquer une forme de commerce. Je pense que le pire qui puisse arriver, c'est de faire de la franchise son métier.
Quand on en fait un métier, c'est parce que l'on pense que c'est un bon moyen pour faire de l'argent. Et à partir de là, on tente de créer un concept franchisable. C'est la pire des chose qui puisse arriver au franchisé potentiel. D'ailleurs, il n'y a pas de diplôme de franchiseur. Je pense que l'on devient franchiseur lorsque le produit, le concept rencontrent une demande réelle. Là, on va créer une relation entre des partenaires.
J'ai souvent été en relation avec des gens qui souhaitaient devenir franchiseur. Ma réponse est toujours la même : Si ce que vous souhaitez franchiser n'a pas d'intérêt pour le public, pour le consommateur final, il n'en aura pas pour le franchisé potentiel. Si vous avez un bon concept, il se transformera en réseau de franchise.
On ne vous rencontre jamais dans les instances, réunions et autres assemblées de franchiseurs. Pourquoi ?
Je ne suis pas certain qu'un corporatisme de franchiseur soit nécessaire. Je pense que le seul intérêt que nous ayons est qu'il y ait une législation sur la franchise qui soit claire, comme il y a une législation sur le commerce. Comme je vous le disais, la franchise n'est pas un métier. Etre opticien est un métier, marchand de meuble, coiffeur... et je n'éprouve pas le besoin d'adhérer à ces réunions... peut être à tort.
Vous avez introduit votre groupe en Bourse il y a un an. Quelle analyse en faites vous aujourd'hui ?
Je dirais en tout premier lieu que les analystes et les investisseurs ont une très mauvaise image de la franchise. Simplement parce qu'ils estiment que le franchiseur n'est pas maître du destin de son entreprise, ce qui est entièrement faux. C'est sans doute pour cela qu'il y a peu de franchiseurs en Bourse.
Concernant le cours de notre entreprise, il est peu significatif. Nos résultats sont bons, mais il y a peu de mouvements. La moindre opération a des effets importants sur le cours.
Mais la Bourse est un outil de développement qui peut s'avérer fort, en particulier pour des opérations de développement à l'étranger. C'est en grande partie dans cette optique que nous avons réalisé cette introduction. Pour ouvrir des points de vente en France, ce n'est pas intéressant. Nous avons largement les capitaux nécessaires pour cela.
Il y a quelques temps, vous aviez laissé entendre que vous souhaitiez reprendre un réseau allemand...
L'opération ne s'est pas faite, en raison de la conjoncture dans le pays. Le contexte économique n'est pas favorable et les investisseurs vous disent sur ce type d'opération qu'ils ne souhaitent pas suivre. On ne peut avoir raison contre tout le monde. Pour l'instant, nous poursuivons nos efforts sur la France. Mais si tout redevenait normal, en dehors des catastrophes économiques, boursières, de la guerre... c'est pour un développement à l'étranger que la Bourse nous servirait.
On murmure dans la profession que vous préparez un nouveau développement. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Nous allons lancer un deuxième concept de magasins, une nouvelle enseigne avec une politique commerciale que nous estimons tout à fait complémentaire à celle du réseau Afflelou. Ce concept sera proposé en exclusivité à nos franchisés. Vous savez, ils nous ont aidé en adhérant à notre enseigne, nous avons aussi participé à leur réussite. Si ce nouveau concept fonctionne, ce sera pour eux. Nous n'irons pas les concurrencer sur leur propre terrain, dans leur ville.
Quel est le nom de cette nouvelle enseigne ? Quel sera son positionnement, haut de gamme ou non... ?
Il y aura probablement le mot Afflelou dans le nom ! Pour vous en dire un peu plus... ce n'est plus possible de développer des enseignes avec un concept de "petit bouclard". Nos magasins auront des surfaces de 150 à 200 m².
Concernant son positionnement, je ne crois pas que l'on puisse dire aux porteurs de lunettes que nous leur vendons du bas de gamme. Ce n'est pas possible. Il n'y a pas de porteur de lunette bas de gamme. La lunette bas de gamme, ce n'est pas de la lunette. L'opticien ne peut pas proposer un sous produit. Le client préfère payer moins cher, c'est évident, mais il lui faut une bonne paire de lunettes.
Notre volonté n'est pas d'occuper le terrain. Je pense que nous avons une idée forte et originale, capable de séduire DES porteurs de lunettes, pas LES porteurs de lunettes. Aucun concept ne peut dire je fais tout !
Ce que nous sommes en train de tester ne pourrait pas fonctionner dans un magasin Afflelou, c'est pour cette raison que nous allons le lancer dans des magasins autonomes. Pour un concurrent, cela sera sans doute plus difficile, puisqu'il devra lutter contre les deux concepts.
La première ouverture aura lieu en septembre vraisemblablement. Nous recherchons des points de vente. Certaines options sont déjà prises. Le deuxième test que nous ferons se fera dans des centres commerciaux de la région parisienne où nous avons des succursales. Pour vérifier que le nouveau magasin ne vampirise pas le magasin Afflelou.
En réalité, j'espère que ce que nous pourrons proposer à nos franchisés sera également un outil de développement pour leur propre entreprise.
Etes-vous resté le franchiseur de votre réseau? Il y a dix ans, lorsque que nous sommes rencontrés, vous parliez de tel ou tel franchisé. Les rencontrez-vous encore ou avez-vous délégué totalement cette fonction ?
Si je ne le faisais pas, je crois que j'aurais l'impression de me mentir... et de leur mentir. Un franchiseur qui n'est pas au contact de ses franchisés, c'est comme un opticien qui dirige sa boutique du haut de sa maison de campagne. J'ai besoin de voir une fois par an chacun des franchisés. Je ne peux pas les rencontrer tous en tête à tête, sauf lorsqu'ils le demandent, mais je suis présent aux réunions régionales. Je tiens à rester proche du réseau. C'est indispensable dans notre métier.
Beaucoup de nos franchisés ont réussi à créer de belles affaires. Sur 300 franchisés, 160 ont un magasin et 140 en ont trois en moyenne. Certains sont devenus des patrons de PME avec une dizaine de points de vente.
Quels sont vos projets de développement en France ?
Nous pensons qu'il y a encore la place pour 120 à 150 magasins qui seront implantés dans les 5 à 10 ans. Ce ne sont pas les candidats qui nous manquent, mais plutôt de trouver l'emplacement qui conviendra au franchisé de qualité disposant du financement suffisant.
Qui sont, en général vos candidats ?
Les candidats sont en majorité de jeunes opticiens, d'une trentaine d'années, qui souhaitent se mettre à leur compte. Les banquiers financent dans de bonnes conditions ces créations, dans la mesure où l'enseigne Afflelou est une bonne "garantie" de réussite. D'ailleurs, beaucoup étaient employés chez nos franchisés.
Propos recueillis par Yves Sassi
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