Acuité a décortiqué les programmes des 7 candidats aux Primaires citoyennes, réunissant la gauche et les écologistes. Alors que le débat décisif a lieu ce soir et que le premier tour est imminent, la rédaction s’est posée deux questions : quelle politique de santé pour l’optique et, quelle organisation entre Assurance maladie obligatoire (AMO) et Assurance maladie complémentaire (AMC) ?
Il faut dire que les annonces sont nombreuses : depuis les déclarations de François Fillon à l’entre-deux tours de la Primaire de droite, la santé et son système de financement sont au cœur des attentions. Mais alors qu’à droite, certains candidats abordaient concrètement la question de l’optique médicale, les programmes des candidats aux primaires citoyennes en sont globalement dépourvus. Les sujets qui ont le plus retenu l’attention des candidats sont le financement du système de santé, entre sécurité sociale et complémentaires santé, l’accès aux soins et les déserts médicaux.
Ainsi Manuel Valls propose le remboursement « à 100 %, c’est-à-dire sans ticket modérateur, d’un ensemble de soins de ville » et la suppression du secteur 2 pour abolir les dépassements d’honoraires. Il propose « une convergence tarifaire progressive vers un tarif unique et opposable» et veut limiter la liberté d’installation des médecins. En parallèle, il souhaite également la suppression du numerus clausus, qui détermine le nombre d'étudiants admis en deuxième année de médecine. Selon lui, le numerus clausus a perdu son utilité dans le contexte européen qui permet de le contourner. De fait, un quart des nouveaux médecins s'installant chaque année en France ont été formés à l'étranger. La mesure aboutirait à plus d’ophtalmologistes dans 10 ans, le temps de former les praticiens.
Arnaud Montebourg défend pour sa part « une couverture complète des soins, en matière de prothèses auditives, de soins dentaires et de lunettes » ainsi qu’un plafonnement légal des tarifs des actes prothétiques et des « soins les plus courants ». Concrètement, il souhaite instaurer un plafond légal des tarifs. Arnaud Montebourg se déclare favorable au tiers payant généralisé, à condition que les professionnels de santé soient rapidement remboursés par la sécurité sociale. Enfin, contre le renoncement aux soins, Arnaud Montebourg propose de créer une mutuelle publique. Destinée aux Français dont les revenus sont inférieurs à un Smic complet, non couverts par la CMU. Cette mutuelle publique serait gérée par la sécurité sociale, coûterait à l’assuré environ 10 euros par mois et permettrait de supprimer le dispositif, jugé complexe, de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS).
On retrouve cette idée chez Vincent Peillon qui propose la création d’une complémentaire santé publique, accessible aux plus fragiles à un coût acceptable. « La Sécurité sociale doit continuer de prendre en charge tous les risques », mais « pour un certain nombre de Français se pose aujourd'hui un problème d'accès à une mutuelle », relève l'ancien ministre de l'Éducation, citant en particulier « les personnes inactives, des chômeurs, étudiants ou retraités ». Cette complémentaire serait financée par la solidarité et la CSG. Afin de lutter contre les déserts médicaux, il pourrait inciter les 20 000 médecins remplaçants à exercer dans les zones sous-dotées par une réduction de charges (exonérations de cotisations et d’impôts). Le déploiement de maisons de santé et un financement adéquat de la télémédecine doivent aussi, selon lui, permettre de rendre l’offre de soins plus accessible au sein des territoires.
L’œil de la rédaction : Les trois candidats proposent de revoir le rôle des complémentaires santé dans le remboursement des soins. Alors que un euro sur deux des soins parmi les plus fréquents n'est déjà plus remboursé, en ville et qu’en optique, la Sécurité sociale ne paie plus que 4% des frais, les lunettes pourraient-elles faire partie de cet ensemble de soins de ville dont parle Manuel Valls ? Si c’était le cas, cette proposition serait plutôt pénalisante pour le marché et fait penser à l’ancien dispositif du « modèle Sécurité sociale ». Concernant les mutuelles publiques de Vincent Peillon et Arnaud Montebourg, les candidats ne donnent pas plus d’information sur les remboursements attendus, notamment en optique. Aucun n’évoque la question des réseaux de soins et du remboursement différencié.
Concernant l’accès aux soins, Benoît Hamon se dit favorable à la généralisation du tiers payant. Pour lutter contre les déserts médicaux, il souhaite créer une « mission nationale d’accès aux soins » intégrée à chaque Agence régionale de santé (ARS) et développer les maisons de santé pluridisciplinaires. Pour « en finir avec l’inégale répartition des soins de premier recours sur le territoire », il juge également intéressant de ne plus autoriser le conventionnement des médecins qui s’installeraient dans une zone déjà fortement dotée. Sur le sujet des Ocam, il soutient un « droit à la santé universel » dans lequel les aides publiques à l’accès aux complémentaires seraient re-réparties pour bénéficier à tous
L’œil de la rédaction : Benoît Hamon est plus proche des mutualistes, qui regrettent la segmentation des dispositifs publics. Il veut faire le ménage dans le maquis des aides publiques à l'acquisition d'une couverture complémentaire. Rappelons que c’est lui qui a mené de front l’ouverture de notre secteur sur l’e-commerce avec la loi consommation de 2014. A l’époque, il avait estimé que l’e-optique pourrait aboutir à 1,3 milliard d’euros de pouvoir d'achat en plus aux Français.
Pour François de Rugy, la solution se trouve dans la création d’un nouveau statut de « professionnel de santé de proximité ». Concernant l’accès aux soins, le candidat se déclare favorable au tiers-payant généralisé, en maintenant les patients informés du coût de leur consultation. Pour François de Rugy, les soins remboursés par la sécurité sociale doivent évoluer uniquement sur la base des services médicalement constatés. Le candidat envisage le renforcement du rôle des complémentaires : un contrat de santé, conclu entre les patients, les médecins et les mutuelles, sur la base du volontariat, devrait permettre de limiter les coûts, mais aussi d’améliorer la prévention personnalisée.
L’œil de la rédaction : Un statut de « professionnel de santé de proximité » pourrait bénéficier aux opticiens, et confirmer la direction prise ces derniers mois : davantage de coopération et de coordination entre les « 3 O » pour une meilleure prise en charge des patients avec la modernisation de la formation pour les opticiens. En revanche, pour la prise en charge des soins, le candidat ne précise pas l’articulation entre ces « contrats de santé » et les actuels réseaux de soins.
Enfin, sur les 2 candidats restants, les propositions en matière de santé sont beaucoup plus généralistes et moins détaillées. Sylvia Pinel entend lutter contre les déserts médicaux en mettant en place des mécanismes incitatifs pour renforcer l’installation des médecins dans les territoires sous-dotés. Pour favoriser l’accès aux soins, Jean-Luc Bennahmias soutient aussi l’ouverture de maisons de santé dans les territoires à faible densité médicale et se dit favorable au tiers payant. Sur la question de la complémentaire santé, le candidat affirme son attachement aux valeurs de solidarité et d’universalité de la sécurité sociale, qui doit rester dans le domaine public et conserver son périmètre actuel. L’organisation d’une grande conférence réunissant les partenaires sociaux, l’assurance maladie et les complémentaires santé, devrait permettre, selon lui, d’aboutir à une simplification du système de prise en charge.
Pour mémoire, le premier tour aura lieu le 22 janvier, le second tour le 29 janvier.