Les avis divergent au sortir de la nouvelle réunion de concertation sur le reste à charge zéro qui s’est tenue le 25 mai, en présence des syndicats d’opticiens, de la Direction de la Sécurité sociale (DSS) et des organismes complémentaires d’assurance maladie (Ocam).
Des évolutions en vue
« Je suis sorti rassuré, j’ai senti un frémissement, une ouverture », a d’abord confié à acuite.fr Alain Gerbel, président de la Fédération des opticiens de France (Fnof). « Grâce à la forte mobilisation de tous les opticiens, dont certains ont été reçus par des députés, et le travail accompli par le syndicat, des évolutions sont en vue. Nous sommes sur la bonne voie », a-t-il ensuite expliqué, soulignant que, pour la première fois, face à cette réforme, la filière optique est toute entière mobilisée.
« Les pouvoirs publics se sont rendu compte qu’ils ont été un peu trop loin. On a senti une prise de conscience et, pour la première fois, il y a eu débat. Résultat : l’avis de projet de réforme publié au Journal Officiel (JO) pourrait être modifié. Le texte final sera vraisemblablement différent de celui proposé », nous a fait savoir Alain Gerbel.
Parmi les avancées possibles : des assouplissements sur la nomenclature, les montures ou encore les conditions de renouvellement anticipé des verres qui pourraient être réévaluées en cas d’évolution de la vue (l’avis de projet prévoit de limiter le renouvellement à une variation d’au moins 0,5D de l’addition, ou de la sphère ou du cylindre, ndlr).
Toutefois, le président de la Fnof déplore une nouvelle fois l’absence de réflexion globale : « les questions importantes telles que l’avenir de la filière, la formation et le devis restent toujours en stand by ».
Encore beaucoup d’interrogations
Alors qu'Alain Gerbel évoque « un assouplissement » au sortir de cette dernière réunion de concertation, le Rassemblement des opticiens de France (Rof), parle de « durcissement » des conditions d’accès aux soins visuels pour les Français.
« Lors de cette réunion, on attendait un retour sur les 31 points de modifications de l’avis de projet. La réunion n’a pas permis de tous les aborder, faute de temps. Nous n'avons pas eu de réponse non plus sur les tarifs du panier « RAC 0 ». Sur les nombreux points bloquants (dissociation, renouvellement anticipé, nomenclature…), on salue l’effort de la DSS d’avoir répondu à nos arguments, mais les réponses sont insatisfaisantes », nous a déclaré le Rof.
Dans le détail, la DSS souhaite ainsi maintenir plusieurs dispositions problématiques, selon le Rof, comme par exemple :
- imposer la péremption de l’ordonnance quand celle-ci n’a pas été exécutée au bout d’un an, empêchant l’opticien de contrôler et adapter si besoin cette ordonnance pendant 3 ou 5 ans et de libérer du temps médical au médecin prescripteur;
- empêcher les Français, sans aucune étude ni évaluation préalables, d’être remboursés avant 2 ans, sauf en cas d’une perte d’acuité visuelle d’au moins 5/10e (0,5 D, ndlr), seuil limite qui permet la conduite une voiture par exemple.
« Pour la première fois en France une réforme censée améliorer la qualité de soins empêchera délibérément la prise en compte d'un défaut de santé constaté par un professionnel », commente le syndicat.
Dans un communiqué, le Rof « regrette également les mesures dénaturant l’objectif de la réforme fixé par Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé ». Et de poursuivre : « la possibilité de panacher des produits ‘RAC 0’ avec des produits à prix libre est une mesure anti-sociale : les porteurs choisissant un reste à charge sur la monture, donc en capacité de payer, bénéficieront de la solidarité nationale pour financer leurs verres. Cet effort de l’Etat devrait être fléché en priorité vers ceux qui ne peuvent pas subir le moindre reste à charge ».
En outre, « la baisse annoncée du montant de remboursement de la monture pour tous les équipements vendus en dehors de l’offre ‘RAC 0’ va nécessairement majorer le reste à charge de l’ensemble des Français ».
L’actuel projet de réforme aura donc « comme conséquences pour les Français les plus modestes une baisse des remboursements combinée à une hausse de la cotisation mutuelle, un accès à des équipements dont la performance visuelle sera dégradée et un accès aux soins rendu encore plus difficile et préoccupant qu'il ne l'est déjà ».
Dans la continuité des propos tenus par le Premier ministre Edouard Philippe, lors de son dernier Facebook Live hebdomadaire, le Rof « maintient sa volonté d’aboutir à un accord avec la DSS, afin qu’à partir du 1er janvier 2020, les Français puissent être mieux couverts et protégés en ayant accès à des soins et des équipements de qualité sans reste à charge ».
Les négociations vont se poursuivre
Rien n’est encore joué : la concertation sur le « RAC 0 » va se prolonger « de quelques semaines », comme l’a annoncé Nicolas Revel, directeur général de la caisse nationale d’Assurance maladie (cnam). Une autre réunion entre les syndicats d’opticiens, la Direction de la Sécurité sociale (DSS) et les organismes complémentaires d’assurance maladie (Ocam) se déroulera prochainement.
S’ensuivra l’avis de la Haute Autorité de Santé (HAS) avant « le projet définitif de la DSS après arbitrage politique entre les membres du Gouvernement », nous a confié le Rof.