Le monde entier est touché par la pandémie de Covid-19. Les premiers pays commencent à se déconfiner, mais beaucoup en ont encore pour plusieurs semaines. Comment les opticiens à l’étranger vivent-ils cette situation et s’organisent-ils ? Quels sont les dispositifs d’accompagnement dont ils disposent ? Acuité vous propose une série de témoignages de vos confrères. Notre série nous emmène aujourd'hui en Chine.

En Chine, où a commencé la propagation du virus, le déconfinement a commencé. Néanmoins, on craint la « deuxième vague » du virus qui, si elle est mal appréhendée, pourrait être pire que la première.

Voici donc le sixième épisode de notre série avec Mehdi Yahiani, optométriste à Chongqing, où il dirige trois points de vente pour la franchise Alain Afflelou.
 

Acuité : Quel est l’état d’esprit de la population ?

Mehdi Yahiani : Le plus gros de la crise est derrière nous ici. Chongqing a été confinée début février, quelques semaines après que la région de Wuhan (située à 1 000 kms à l’est) a été bouclée. La plupart des habitants ne sortaient déjà plus de chez eux et les stocks de masques en magasins étaient épuisés. Le souvenir de l’épidémie de SRAS (en 2003, NDLR) restait très présent dans la population et a entraîné un réflexe de confinement spontané. Les centres commerciaux ont rouvert le 18 mars et l’activité reprend progressivement. De nombreux restaurants et bars ont définitivement tiré le rideau, les cinémas n’ont pas encore rouverts et certaines activités comme les salles de sports accueillent désormais sur rendez-vous. La température est contrôlée systématiquement et on circule en ville avec un QR code qui détaille nos déplacements récents et notre état de santé.
 

A. : Les opticiens ont-ils poursuivi leur activité pendant le confinement ?

M.Y. : Avant même que les déplacements ne soient restreints au strict minimum, la plupart des magasins avaient déjà dû fermer. Considérés comme des commerces essentiels, les magasins d’optique ont toujours eu le droit de conserver leur activité, mais la clientèle s’est vite raréfiée. Mon patron a maintenu une activité de services essentiels pendant une dizaine de jours dans 4 de ses 36 points de ventes. Nous y faisions une distribution gratuite de lunettes de protection pour les personnels soignants et les forces de l’ordre, ainsi qu’une activité de services d’urgence de réparation d’équipements ou de dépannage de produits d’entretien. Quand les déplacements ont été limités au minimum, il n’a plus été possible que de maintenir une permanence ponctuelle. Comme notre chaîne de magasins possédait un mini-van d’optométrie, il a été mis à disposition des personnels soignants et des clients VIP pour effectuer des examens de vue directement dans le véhicule et livrer les équipements durant cette période.

 

A. : Comment la profession s'est-elle organisée ?

M.Y. : L’ensemble des services de vente et d’examens habituels sont à nouveau proposés en magasin, avec des horaires d’ouverture classiques. Tous les personnels sont équipés de gants et de masques et la température des clients est systématiquement contrôlée avant qu'ils n'entrent en magasin. Les personnes ayant plus de 37,3 degrés ne sont pas acceptées. L’ensemble de ces mesures protège suffisamment, d’autant qu’il n’y a plus de cas de contamination enregistrée dans notre province. Mais les chiffres d’affaires dans les points de ventes ont chuté de -30% à -40% depuis la réouverture par rapport à l’année dernière. Les gens ne sortent clairement plus autant qu’avant. Il y a une appréhension qui demeure et beaucoup d’achats sont reportés du fait de la perte de salaire sur 45 jours cumulés. Un certain nombre de commerces ont opéré des baisses de salaires dès la reprise pour compenser cette perte d’activité. Mon patron lui a tenu à maintenir nos salaires à leurs niveaux d’avant-confinement. Mais on ne sait pas comment l’activité va évoluer dans les mois à venir.
 

A. : De quelles aides publiques disposez-vous ?

M.Y. : Il y a pu y avoir des aides ponctuelles pour certains propriétaires et des loyers ont pu être reportés au cas par cas, en fonction de négociations avec les bailleurs. Les salariés comme moi ont été mis automatiquement en congés sans solde pendant la durée du confinement. J’ai perdu 6 semaines de salaires. Un certain nombre sont rentrés chez leurs parents faute de ressources suffisantes pour tenir. Personnellement, je suis parti juste avant le début du confinement en Thaïlande. J’avais très peur de me retrouver prisonnier ici sans ressources. Je suis rentré en Chine au bout d’un mois. Après 14 jours de quarantaine très stricte, j’ai repris le travail.

 

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