Le cabinet Xerfi vient de publier une étude sur le marché optique et sa mutation d’ici 2023. Plus de 75 acteurs du secteur (enseignes, centrales, distributeurs, fabricants…) sont cités ou analysés. Voici les principaux bilans que dresse cette étude.
Retour à la normale en 2023 ?
Malgré la crise sanitaire qui perdure en 2021, les experts de Xerfi Precepta estiment que le marché optique va croître de +8% vs 2020, année pour laquelle la baisse est estimée à -10,4% (nous vous annoncions entre -7 et -10% dès le 13 janvier dernier). Le cabinet estime qu’il faudra attendre 2023 pour retrouver le niveau d’avant Covid.
« Ce chiffre reste une prévision », rappelle Emmanuel Sève, auteur de l’étude, que nous avons contacté. « La longue fermeture des centres commerciaux nous pousse à rester prudents. Mais beaucoup d’éléments de 2020 sont rassurants : on remarque qu’il y a eu un vrai phénomène de reports d’achats. Les opticiens qui ont été fermés ne devraient pas subir de très grosse chute sur l’année cumulée. Je pense par ailleurs que la profession sort renforcée de cette période, par rapport à ses fondamentaux et aux nouveaux besoins qui surgissent. »
Les raisons du futur rebond
Ces nouveaux besoins d’équipements, nous vous en avons déjà parlé à plusieurs reprises sur Acuité. L’utilisation accrue des écrans depuis plus d’un an les encourage. Xerfi le constate donc aussi. Lena Henry, directrice générale d’Essilor France, nous confiait avoir déjà noté une augmentation des petites puissances.
L’étude pointe aussi l’audioprothèse comme futur relais de diversification pour l’opticien, notamment grâce à la réforme 100% Santé qui a fait exploser le marché.
Aussi, Xerfi prévoit un essor grandissant des prestations hors les murs. D’abord l’optique à domicile, qui « permettra de contourner les freins à la mobilité des clientèles et de mieux adresser certains publics (personnes âgées et dépendantes, salariés sur site et publics urbains dans une moindre mesure) ». Mais aussi tout ce que le porteur peut faire en dehors du magasin (click & collect, prendre rendez-vous en ligne…).
Le digital : un partenaire, pas une menace
Ces pratiques du click & collect et de la prise de rendez-vous, nombre d’entre vous les ont adopté au cours des derniers mois, au moins temporairement. Selon cette étude Xerfi, « l’association du commerce en ligne d’optique à un réseau physique restera en effet un facteur clé de réussite ».
Le parcours client va être un véritable enjeu pour l’opticien selon le cabinet. Sa digitalisation lui semble importante, mais elle « fait le jeu des enseignes au détriment des opticiens indépendants » du fait de leur puissance en termes de visibilité.
En revanche, il n’est pas l’heure pour les opticiens de s’inquiéter des pure players (qui ne pratiquent que la vente en ligne). « La menace semble limitée » selon Xerfi, qui note que seuls 7% des Français affichent une préférence pour l’achat en ligne d’optique. Pour les consommateurs, c’est surtout pour les solaires (20%) et la contactologie (26%) que l’appétence se manifeste.
Du fait de leur expérience dans le e-commerce alimentaire, les grandes surfaces pourraient « dégager des synergies au profit de l’optique en ligne ». Et donc pas seulement en magasin, comme on a pu le voir récemment avec Monoprix. « Cette initiative était inattendue mais ambitieuse », commente Emmanuel Sève. « C’est une voie qui s’ouvre et qui sera utilisée par d’autres. Le 100% Santé correspond au positionnement des grandes surfaces alimentaires donc c’est intéressant pour elles. »
« Tous ne sont pas aussi bien armés »
« Cette crise sanitaire va durablement impacter les parcours clients dans la distribution d’optique. En plus d’avoir contribué à la percée des canaux digitaux et favorisé celle de l’optique hors les murs, elle pousse à une nouvelle répartition des tâches entre acteurs de la santé visuelle – opticiens, ophtalmologistes et orthoptistes. Une évolution dont pourrait bien bénéficier les enseignes sur la base de prestations et outils élargis : dispositifs omnicanaux, prestations en mobilité, télémédecine…
Mais entre les enseignes d’optique, les indépendants regroupés en centrales, les DNVB* (Jimmy Fairly, Polette…) et la grande distribution, tous ne sont pas aussi bien armés pour profiter de ces nouvelles opportunités. Au-delà, une recomposition plus globale de la filière se dessine, orchestrée par les Ocam, les fournisseurs (EssilorLuxottica en tête) ainsi que par la possible entrée en jeu de plateformes d’intermédiation comme Doctolib », indique Emmanuel Sève.
* Ndlr : Digital Native Vertical Brands : ces marques ont été créées par et pour des milleniums, auprès de qui elles trouvent une résonance. Elles leur parlent sur un ton nouveau, et suscitent un bouche-à-oreille sur les réseaux sociaux ainsi qu’une couverture médiatique qui soutiennent des croissances rapides en dehors des normes et résultats du marché traditionnel.
la seule question qui reste en suspend est donc : l'opticien et son savoir faire , sert-il encore à quelque chose? on se croirait sur BFM