Suite à l'étude du Shift Project en juin dernier concernant les émissions de CO2 des médicaments, le temps est venu pour l'association de dresser une pré-étude des émissions des dispositifs médicaux, en partenariat avec l'Assurance maladie. 

Les activités humaines et l'exploitation des ressources naturelles

Lors d'une présentation au Cold (congrès de l'optique-lunetterie durable), Baptise Verneuil, chargé de mission au Shift Projet, a résumé la situation.

L'exploitation du charbon, du gaz et du pétrole, est la principale raison de la prospérité économique et sanitaire que nous connaissons depuis près de 2 siècles, qui s'est accentuée de façon exponentielle au fil du temps. Leur combustion est aussi le principal facteur du dérèglement climatique dont les conséquences seront désastreuses sur l'ensemble de notre qualité de vie. « L’augmentation des températures et de l’humidité vont rendre la planète invivable, d’où l'importance de s’intéresser au CO2 et de prendre les choses en main avant qu'il ne soit trop tard », explique en préambule Baptise Verneuil.

 

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Présentation de Baptise Verneuil au Cold 2024

 

Le Shift Project reprend les démonstrations scientifiques de son fondateur Jean-Marc Jancovici et défend la vision selon laquelle le PIB est directement lié au parc de machines (des "esclaves énergétiques" selon l'expression de Jancovici) en activité.

Autrement dit, notre niveau de richesse est lié à la consommation directe ou indirecte d'hydrocarbures et par conséquent lié aux émissions de CO2.

 

Des chiffres qui donnent le vertige

« Chaque jour, le monde consomme l'équivalent d'un baril de pétrole haut de 76 000 km, soit 6 fois le diamètre de la terre », indique Baptiste Verneuil. « Et, chaque jour, le monde consomme l’équivalent en masse de 45 Burj Khalifa (soit la plus haute structure humaine jamais construite, 828 mètres de haut, à DubaÏ) en charbon ».

Bilan carbone du secteur de la santé

Selon l'étude du Shift Project, le secteur de la santé représente l'équivalent de 49 MtCO2 émis chaque année.

 

Le secteur de la santé, c'est :

  • 8% des émissions de CO2 françaises
  • 87% d'émissions indirectes
  • 50% de ces émissions sont liées aux médicaments et dispositifs médicaux. Les DM sont nombreux et variés, depuis les IRM jusqu'aux seringues en passant par les lunettes et appareils auditifs.

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Ces émissions en santé sont réparties de la façon suivante (voir tableau ci-dessous) :

 

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Exemple des émissions de CO2 des verres multifocaux

Attention, le graphique ci-dessous propose une analyse qui n'est pas définitive. En février 2025 devrait être publiée une version améliorée. 

 

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Les émissions de CO2 dans le processus de fabrication dépend du mix énergétique du lieu de production et de l'optimisation énergétique des moyens de production. Grosso modo, fabriquer en France (où l'électricité est à 70% issue du nucléaire + 20% de renouvelable (hydraulique, biomasse, géothermie, éolien) est environ 2X moins carboné qu'une fabrication asiatique. Sans oublier que si la Chine (l'atelier du monde) génère beaucoup de CO2, c’est aussi pour satisfaire les besoins manufacturiers du monde entier, à commencer par les pays occidentaux.

 

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Réduire la consommation de DM et de médicaments

Y a-t-il trop de prescriptions de médicaments en France ? C'est ce que tend à montrer la cartographie ci-dessus, et c'est également l'avis de l'Assurance maladie qui souhaite diminuer les prescriptions systématiques. Depuis quelques semaines, « Le bon traitement, c’est pas forcément un médicament » est le message porté par la nouvelle campagne d'Ameli.fr, qui entend encourager un usage raisonné des médicaments et normaliser l'idée qu'une consultation peut se conclure sans prescription de médicaments. 

On pourrait se poser une question similaire pour l'optique : y a-t-il une surproduction de lunettes d'un point de vue du CO2 ?

Conclusion

Les émissions indirectes représentent la plus grande part des émissions du système de santé : alimentation, déplacements, médicaments et dispositifs médicaux.

Les marges de manœuvre pour réduire ces émissions sont nombreuses, et nécessitent :

  • D’être pertinentes et adaptées à l’envergure des enjeux climatiques
  • D’engager les fournisseurs
  • D’être planifiées, financées, puis mises en œuvre en embarquant l'ensemble des acteurs de la filière
  • Pour réduire les émissions des produits de santé, on doit baisser à la fois l’intensité carbone des produits et les volumes prescrits.
  • Il y un fort mouvement d’engagement depuis 5 ans de la part des professionnels de santé, des politiques publiques et des industriels.

 

Le Shift Project publiera son rapport final sur la décarbonation des DM (incluant les lunettes) en début d'année 2025.