Le sujet des déserts médicaux est récurrent et la situation ne s'arrange pas. Bien au contraire… L'UFC-Que Choisir a mis à jour sa carte interactive qui montre l'aggravation des inégalités d'accès aux soins de médecins généralistes et aussi en santé visuelle.
Face à cette grave situation, l'association a décidé de frapper fort en déposant un recours devant le Conseil d'Etat « pour faire constater et sanctionner la coupable inaction gouvernementale ».
Piqûre de rappel
D'après les chiffres publiés sur le site de l'UFC-Que Choisir (basés sur l'offre médicale accessible à moins de 45 minutes de route) :
- 19,3% des Français résident dans un désert médical pour l’ophtalmologie,
- 24,8% des femmes dans un désert médical gynécologique
- 28,9% des enfants dans un désert médical pédiatrique.
Les déserts médicaux en ophtalmologie selon @UFC Que Choisir
L'association tire encore une fois la sonnette d'alarme - qui visiblement retentit peu : 38,8% de la population (25,3 millions de personnes) rencontrent d’importantes difficultés d’accès à ces spécialistes. La situation a empirée ces 2 dernières années : l'accès s'est détérioré pour 71,3% des citoyens, soit 46,5 millions de personnes.
Et si l'on prend en compte les dépassements d'honoraires, la situation s'assombrit davantage : 71,5% de la population rencontre des difficultés d’accès à un spécialiste pratiquant des tarifs modérés et même 83,3% pour ceux qui souhaitent consulter un praticien en secteur 1.
Dégradation VS amélioration de l'accès aux ophtalmologistes selon @UFC Que Choisir
28% des ophtalmologistes refusent de nouveaux patients
Pour étayer ces données, les bénévoles de l'association ont contacté 761 ophtalmologistes, dans 65 départements. Ils ont demandé un rendez-vous pour une visite de contrôle, en tant que nouveaux patients. « Dans 28% des cas, les professionnels interrogés ont refusé de planifier un rendez-vous. Et quand un ophtalmologiste accepte de vous recevoir, pour être effectivement examiné, il faut voir loin ! En effet, le délai moyen d’obtention d’un rendez-vous est de 65 jours (le délai médian étant de 43 jours). À certains enquêteurs, c’est même un délai supérieur à 1 an qui a été annoncé », déplore l'UFC-Que Choisir.
Les résultats varient fortement selon les régions.
Pour les urgences, il ne faut pas être pressé
C’est en Bretagne que les délais d’attente sont les plus importants : ils sont supérieurs à 3 mois dans 75% des cas. En Normandie, dans 43% des cas, les délais sont également supérieurs à 3 mois. En revanche, en Ile-de-France la situation est moins contraignante, dans 67% des cas le rendez-vous est obtenu en moins d’un mois. Des chiffres corroborés par les résultats d'une enquête réalisée en 2022 par Opinion Way pour le Rassemblement des opticiens de France (Rof) : 6 Français sur 10 doivent attendre 4 mois ou plus pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste. Ou celle d’acuite.fr en octobre 2021, où vous avez été plus de 1000 à répondre. Résultat : des délais de RV chez l'ophtalmologiste demandent 5,2 mois d'attente en moyenne en 2021.
Les solutions proposées par l'UFC Que Choisir
- L’instauration d’un conventionnement territorial des médecins, ne leur permettant plus de s’installer en zones surdotées, à l’exception du secteur 1 (tarif de la Sécurité sociale) quand la situation l’exige (remplacement d’un médecin partant à la retraite ou zone très largement sous-dotée en médecins en secteur 1)
- La fermeture de l’accès au secteur 2 (à honoraires libres) à l’origine du développement incontrôlé des dépassements d’honoraires. Les nouveaux médecins ne devraient avoir le choix qu’entre un secteur 1 aux honoraires sans dépassements et l’Option de pratique tarifaire maîtrisée (OPTAM), qui encadre les dépassements d’honoraires
« Qu'on nous accuse d'inaction m'énerve »
Après l'annonce de cette action en justice de l'UFC-Que Choisir, le ministre de la Santé Aurélien Rousseau a fait part de sa colère à nos confrères de Libération : « Qu'on nous accuse d'inaction m'énerve. Laisser planer cette idée que, pour les politiques, la vie des gens serait un décor dans lequel on se balade, est insupportable. Je ne suis pas déconnecté ». Et de poursuivre : « Sur les ophtalmos, c'est vrai qu'il y a des difficultés » mais « c'est justement pour cela qu'on les a poussés à accepter de partager certaines tâches avec les orthoptistes ».
Est-ce suffisant ? La réponse est sans équivoque non. La solution passerait-elle par la régulation de l'installation des médecins ? L'hypothèse a été écartée par le gouvernement. Face à ce constat on peut comprendre que des solutions de téléconsultation en ophtalmologie se mettent en place pour pallier à ces déserts médicaux. Mais on peut toujours s'étonner que les pouvoirs publics ne s'appuient pas davantage sur les opticiens. Parmi les « 3O », notre profession offre le meilleur maillage du territoire. Il est donc légitimement envisageable que les opticiens puissent collaborer avec les ophtalmologistes et les orthoptistes afin d'améliorer le parcours de soins des patients, de façon reconnue.
A l’occasion de l’étude Opinionway, le Rof appelait à mettre en place 4 mesures de bons sens, rapides et efficaces pour faciliter l’accès aux soins visuels :
- Que les opticiens soient autorisés à communiquer sur la possibilité de renouveler ses lunettes directement chez l'opticien avec une ordonnance valide (3 ans pour les plus de 42 ans, 5 ans pour les 16-42 ans). Cette mesure, entrée en vigueur en 2017, est encore trop peu connue du grand public : selon le sondage, 53% des Français n’en sont pas informés. Or, 88% des sondés considèrent que ce dispositif est une bonne chose.
- En s’appuyant sur le chiffre précédent et sur le fait que 93% des personnes ayant bénéficié de ce renouvellement direct chez l'opticien sont satisfaites, le Rof préconise d’augmenter la durée de validité des ordonnances pour les 16-42 ans.
- La troisième solution serait de faire réaliser certains examens par l’opticien, tels que la prise de tension oculaire ou la photographie de la rétine, et de finaliser l'examen en téléconsultation avec l’ophtalmologiste. Là encore, la grande majorité des personnes interrogées (76%) font confiance à leur opticien pour réaliser ce type de mesures.
- Le Rof préconise également de faire participer les opticiens à des dépistages auprès des adultes et des enfants, en partenariat avec les ophtalmologistes et les orthoptistes, afin de prévenir les amétropies. Là encore, 77% des sondés y seraient favorables.