Début janvier, les autorités américaines ont donné leur feu vert au laboratoire ACT, Advanced Cell Technology, pour un essai clinique de traitement de la dégénérescence maculaire sèche à l'aide de cellules souches* sur des personnes âgées. Pour en savoir plus sur les conséquences de cette annonce, Acuité a interviewé le professeur Jean-François Korobelnik, ophtalmologiste spécialiste de la DMLA au CHU de Bordeaux.
Que pensez-vous de ces nouvelles recherches et que peut-on en attendre ?
Toutes les approches cliniques sont les bienvenues. Je suis favorable à tous les essais qui ont une base scientifique. Je ne connais pas les détails de ce projet mais il s'agit clairement d'un protocole exploratoire. Nous sommes encore loin d'une application généralisée aux patients. Après cette phase exploratoire, il doit y avoir des essais cliniques. Déjà, à l'heure actuelle, plusieurs traitements sont essayés dans le monde pour la DMLA sèche. Mais aucun n'est parvenu pour l'instant à être efficace. Les espoirs sont immenses mais le médicament miracle est rare.
Quelles cellules peuvent être remplacées par des cellules souches dans le cadre de la DMLA sèche ?
Au niveau de l'oeil, il y a deux types de cellules atteintes : les cellules photoréceptrices de la rétine et, juste en dessous, celles de l'épithélium pigmentaire. Dans les deux cas, les cellules s'atrophient. Je ne sais pas à l'heure actuelle quelles sont les cellules concernées par ces recherches.
Quand peut-on espérer voir l'arrivée d'un traitement pour les patients ?
En général, quand tout va bien, ce type de recherche peut amener à un traitement curatif au bout de 5 ans. Il faut vérifier que le traitement est efficace mais également qu'il n'est pas dangereux. Ensuite, il faut que des patients participent à des essais cliniques pour le mettre au point, c'est très important. Tout cela prend donc du temps à développer et nécessite beaucoup d'argent.
Pourquoi toutes les formes de DMLA n'arrivent pas à être traitées ?
Un million de personnes en France sont touchées par la DMLA. Mais il existe 2 formes de la maladie. Avec la DMLA humide, qui touche près de 200 000 personnes dans notre pays, des néo-vaisseaux poussent sous la rétine. Et nous savons bloquer leur croissance avec des médicaments. Par contre, avec la DMLA sèche, qui touche environ 800 000 personnes, c'est le contraire : des cellules s'atrophient lentement, il y a une sorte de « mort cellulaire » si vous voulez. Et ça, on ne sait pas encore l'arrêter. En ce qui concerne la DMLA humide, il faut aussi préciser que les traitements sont d'autant plus efficaces que la maladie est détectée tôt. C'est pourquoi, en cas de déformation de la vue, il faut consulter un médecin ophtalmologiste dans la semaine.
Participez-vous à des essais cliniques au CHU de Bordeaux dans le traitement de la DMLA sèche ?
Oui. Le CHU de Bordeaux et d'autres centres hospitaliers français participent à des essais cliniques pour un traitement par un collyre de la DMLA sèche. Mais il est encore trop tôt pour savoir si cela marche.
* cellules souches : cellules indifférenciées de l'organisme humain qui peuvent se multiplier quasiment indéfiniment à l'identique et se spécialiser. Les chercheurs tentent de les utiliser pour remplacer ou régénérer d'autres cellules du corps.
Photo de la rétine d'un patient atteint de la DMLA atrophique (ou DMLA sèche)