L'article 17 quater du projet de loi relatif à la consommation a été adopté* hier soir, mardi 28 janvier, au Sénat à la suite d'un débat animé. Au coeur des discussions en séance : le prix des lunettes « deux fois plus élevé en France que la moyenne européenne ». Le ministre chargé de l'Economie sociale et solidaire et de la Consommation, Benoît Hamon, a affiché un seul objectif, celui d'« organiser et réglementer l'optique sur Internet ». Toutefois plusieurs parlementaires ont souligné leur « gêne » à examiner des mesures relatives à la santé dans un texte lié à la consommation.
« Le citoyen est à la fois client, patient et consommateur. D'où notre gêne à voir ce sujet, qui est avant tout de santé publique, traité dans une loi de consommation », a confirmé la sénatrice socialiste Catherine Génisson. Elle a regretté auprès de Benoît Hamon que « Mme Touraine ne soit pas à vos côtés pour aller au fond du débat ». Ce à quoi le ministre a répondu : « Je suis ici l'interprète de Mme Touraine, de Bercy et du Gouvernement. Ma parole sur le sujet a été validée, soutenue, défendue publiquement par la ministre de la Santé. Les lunettes sont aussi un sujet de consommation, ne serait-ce que parce que les verres nécessitent une monture... ».
Favoriser l'e-commerce en optique pour faire baisser les prix
Sans surprise, un grand nombre de sénateurs se sont prononcés en faveur de l'ouverture de la vente des produits optiques sur le web. Selon Alain Fauconnier, sénateur PS et co-rapporteur du texte, « la vente sur Internet est insuffisamment développée. Les professionnels de la vente en ligne assurent pouvoir faire baisser les prix de moitié pour des produits de même qualité ». Ainsi, la motivation du Gouvernement est de « faire passer la vente par Internet de 1% à 10% ». « Ce qui veut dire que les 90% restants seront assurés par les opticiens », a précisé Benoît Hamon en pointant du doigt « le leader français des verres » qui « est d'ailleurs un des leaders de la vente en ligne, hors France bien sûr ».
Du côté de l'opposition, le sénateur UMP Jean-François Husson a estimé que « pour faire baisser le prix des lunettes, il ne serait pas indécent de ramener le taux de TVA de 20% à 5% ». « Une solution simple existe : des montures de série, a soutenu le parlementaire UMP et opticien Gérard Cornu. Le consommateur n'en veut pas... La main-d'oeuvre représente 60% du prix des lunettes. Son coût n'est pas le même en France qu'en Chine ou au Bangladesh. La baisse des prix par l'encouragement à se fournir à l'étranger, c'est très facile ! Et le Made in France ? », a-t-il interrogé.
EP sur ordonnance : un « obstacle » en moins
Pour tenir son objectif, le Gouvernement a donc trouvé un moyen de dépasser le principal obstacle à la vente des lunettes en ligne : demander aux ophtalmologistes d'inscrire l'EP sur l'ordonnance. Pourtant, certains sénateurs, comme Catherine Deroche (UMP), se sont opposés « à cette disposition introduite à la va-vite dans une loi de consommation. L'opticien ne réalise pas cette seule tâche : il adapte la monture ainsi que les verres à la morphologie du visage. On a besoin de lui pour des lunettes quand on peut se contenter d'Internet pour des liseuses ». « Disons-le clairement : la mesure de l'EP n'est pas un acte médical mais un acte technique, a insisté Gérard Cornu. On manque déjà d'ophtalmologistes et on va leur ajouter une tâche ? Franchement, que les vendeurs sur Internet assument les mêmes responsabilités que les opticiens ».
Pour Alain Fauconnier, « cet acte n'allongera pas le temps médical : il prend quelques minutes ; une fois dans la vie suffit et l'équipement coûte seulement quelques centaines d'euros. La commission a adopté un amendement leur accordant (aux ophtalmologistes, ndlr) un délai de six mois pour s'équiper ».
La validité de l'ordonnance restera de 3 ans
Enfin, si la Commission des affaires économiques du Sénat tenait à allonger la validité de l'ordonnance de 3 à 5 ans, un amendement déposé par le Gouvernement, et adopté par les sénateurs, a finalement supprimé la mesure du projet de loi. Pour Benoît Hamon, « l'aggravation d'une amétropie nécessitant un changement de verres correcteurs peut être le symptôme d'une pathologie que seul le médecin peut diagnostiquer ». « Si les délais d'obtention d'un rendez-vous chez un ophtalmologiste s'allongent, mieux vaut attendre six mois pour refaire ses lunettes que dix ans pour consulter », a estimé Catherine Deroche (UMP).
« Ne faisons rien qui soit susceptible de fragiliser la santé des patients, a insisté la sénatrice et présidente de la Commission des affaires sociales Annie David. Ils sont aussi clients et consommateurs, reste que la santé doit passer avant le coût des lunettes qui ne sont pas un produit comme un autre ». « Il a été question de la filière visuelle dans nos débats, n'oublions pas qu'elle compte aussi les orthoptistes et d'autres. Traitons plus sereinement ces questions », a demandé Catherine Génisson.
Pour conclure, Alain Fauconnier, qui souhaitait trouver un équilibre entre la délivrance de verres correcteurs soumise à une ordonnance et la durée de validité de la prescription médicale, a estimé que le texte est « déséquilibré ». Mais « nous avons réussi à faire baisser le prix des lunettes. Les consommateurs sortiront gagnants de cette histoire », s'est-il réjoui.
Reste à savoir si, à la suite d'une éventuelle saisine du Conseil constitutionnel, l'ensemble de ces mesures ne constituerait pas un « cavalier législatif » : c'est-à-dire qu'elles seraient sans lien avec l'objectif poursuivi par le projet de loi initial, et donc contraires à l'article 45 de la Constitution.
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