Depuis le 7 décembre 2016, les orthoptistes sont dotés de nouvelles compétences. Le décret relatif à la définition des actes d'orthoptie, paru le 6 décembre au Journal Officiel, introduit également la notion de protocoles organisationnels avec l’ophtalmologiste, dans l’objectif de réduire les délais d'attente en cabinet. Une étape supplémentaire qui élargit et assouplit le cadre des délégations de tâches*.
Réfraction, manipulation des lentilles... les nouvelles compétences des orthoptistes
« On est satisfait de la redéfinition de la profession qui méritait un relifting depuis quelques années, nous a confié Laurent Milstayn, président du Syndicat national autonome des orthoptistes (SNAO). Globalement, ce sont de bonnes avancées, intégrant une notion d’urgence pour les premiers actes de soins nécessaires en orthoptie. On est content d’avoir de nouveaux actes comme la quasi-totalité des examens d’exploration fonctionnelle de l’œil sans présence de médecin et la réfraction seule » sur prescription médicale ou dans le cadre défini d'un cabinet aidé et des protocoles organisationnels.
Attention toutefois, s’ils peuvent pratiquer la réfraction et la mesure de l’acuité visuelle, les orthoptistes n’ont pas obtenu le droit de prescrire des verres correcteurs d'amétropie et des lentilles de contact oculaires correctrices. Le SNAO revendique pourtant la possibilité, tout comme les opticiens, de renouveler et adapter les corrections optiques. Les orthoptistes sont en revanche autorisés à réaliser les séances d'apprentissage à la manipulation et à la pose des lentilles de contact oculaires et des verres scléraux.
Des protocoles organisationnels pour venir à bout des délais d’attente
Concrètement, le texte fait de l’orthoptiste le collaborateur privilégié de l’ophtalmologiste au service d’un parcours de soins efficace et sécurisé. « Nous sommes maintenant en mesure de déployer largement le travail aidé dans les cabinets d’ophtalmologie, a précisé à acuite.fr le Dr. Thierry Bour, président du Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof). L’orthoptiste peut maintenant participer à la prise en charge des patients suivis par un ophtalmologiste, lorsqu’il exerce dans le cadre du cabinet d’ophtalmologie, au sein d’un établissement de santé, dans les hôpitaux et centres médicaux des armées ou dans les services de santé au travail ». En clair, si la présence simultanée du spécialiste et de l’orthoptiste n’est pas requise, les deux professionnels doivent travailler au sein de la même structure.
L’élargissement des compétences des orthoptistes concerne autant la préparation de l’examen médical que le suivi d’un patient dont la pathologie visuelle est déjà diagnostiquée et stabilisée (glaucome, diabète…), avec le contrôle et la validation à distance de l’ophtalmologiste. « Aujourd’hui, nous ne sommes plus dans l’expérimentation des protocoles de coopération prévus par l’article 51 de la loi HPST de 2009* mais dans l’application de protocoles organisationnels définis et encadrés par la Loi, ajoute le Dr. Thierry Bour. Ils permettent l’intervention des orthoptistes sur une palette nettement plus large de pathologies ophtalmologiques, pour un déploiement plus rapide et efficace du travail aidé dans le cadre des délégations de tâches ».
L’exemple de Point Vision
Pour le Dr. François Pelen, ophtalmologiste fondateur des centres Point Vision et administrateur du Snof, « ce décret est très important pour les ophtalmologistes, les orthoptistes et surtout les patients qui sont en demande. On ne s’en aperçoit pas encore mais c’est un élément très structurant. L’avènement des protocoles organisationnels va révolutionner les deux professions. Désormais, nous aurons la possibilité de faire des protocoles de coopération beaucoup plus souples au sein des cabinets médicaux ».
Une façon de travailler déjà testée par Point Vision : « Nous avons rédigé et validé deux protocoles organisationnels avec une prise en charge du patient par l’orthoptiste pour la partie technique, nous a précisé le Dr. Pelen. Le premier concerne l’organisation de la visite standard pour tous types de consultations avec pour finir, un contrôle par l’ophtalmologiste qui verra le patient. Le deuxième se concentre sur le renouvellement des lunettes, avec un envoi de l’ordonnance de l’ophtalmologiste par courrier (mail ou voie postale). Tout cela à condition que le patient n’ait pas de pathologie particulière ».
Des mesures suffisantes ?
Jusqu’à présent, les protocoles de coopération validés par la Haute Autorité de Santé (HAS) concernaient seulement 200 ophtalmologistes en France. « Avec le nouveau cadre des protocoles organisationnels, ils seront plusieurs milliers à les mettre en place rapidement, prédit le président du Snof. La profession va par ailleurs proposer des protocoles types pour faciliter ce déploiement ». Les premiers protocoles organisationnels devraient être effectifs début 2017. Pour voir l’impact réel sur la réduction des délais d’attente, il faudra patienter un an minimum. Selon le Dr. Bour, dans 5 à 10 ans, 80% des ophtalmologistes travailleront en cabinet aidé.
Toutefois pour les orthoptistes, ces mesures seront loin d’être suffisantes. « Ça ne diminuera pas les délais d’attente car, en autorisant les protocoles seulement dans les cabinets d’ophtalmologie, au sein d’un établissement de santé, dans les hôpitaux et centres médicaux des armées ou dans les services de santé au travail, le décret écarte les 2/3 des orthoptistes qui travaillent sous régime libéral. Enfin, trois professions sont aujourd’hui habilitées à pratiquer la réfraction (ophtalmologistes – opticiens – orthoptistes, ndlr) et les seuls qui n’ont pas le droit d’en faire quelque chose sont les orthoptistes ». Ces derniers souhaitent obtenir la possibilité, tout comme les opticiens, de renouveler et adapter les correction optiques. Ce que la loi leur interdit actuellement !
*Jusqu’à présent les ophtalmologistes pouvaient mettre en place des protocoles de coopération avec les orthoptistes en faisant appel à l’article 51 de la loi HPST de 2009. Les protocoles devaient alors être déposés auprès des ARS (Agences Régionales de Santé) et validés par la HAS (Haute Autorité de Santé).