Alain Gerbel est satisfait du lancement officiel de la campagne « Mon opticien, j’y tiens », organisé hier 13 novembre à Lyon. Le président de la Fédération nationale des opticiens de France (Fnof) a fait salle comble, avec une centaine de professionnels de la région venus pour l’occasion. Néanmoins, à l’image de Didier Rosset, opticien à Chambéry, les participants ne se sont pas spécialement déplacés pour découvrir l’opération de communication du syndicat, mais plutôt pour exprimer leurs inquiétudes et leur volonté de recentrer le débat sur les priorités du moment.
Des analyses du terrain qui diffèrent selon les magasins
« La campagne « Mon opticien, j’y tiens » c’est très bien, mais aujourd’hui, si nous voulons régler le problème de l’optique, la priorité est avant tout de s’occuper de nos clients plutôt que de leur argent », estime Didier Rosset. Une analyse tranchante, qui a fait suite à un échange musclé sur la question du reste à charge entre deux opticiens de l’agglomération lyonnaise.
« Ce n’est pas si simple que le pense mon confrère Thierry Caillat, explique Jean Turjman, à la tête d’un magasin à Décines, dans l’Est lyonnais. Il y a de plus en plus de gens qui deviennent pauvres et pour qui le reste à charge est une question fondamentale. Non, tous ne peuvent pas sortir 200€ de leur poche pour s’équiper avec les lunettes et les verres de leur choix. » Si cet échange entre deux professionnels intervenant sur des secteurs géographiques clairement distincts et touchant des populations totalement différente ne suffit pas à résumer la tonalité de la soirée, il est en revanche symptomatique de la lecture différenciée que font les opticiens sur le terrain et du virage qui s’amorce.
Lutter contre la segmentation de la profession
« Je ne suis pas spécialement inquiète à titre personnel, mais je pense que la profession va effectivement se segmenter fortement à l’avenir, analyse Evelyne Brethes, propriétaire de 3 magasins au cœur de la Presqu’Ile à Lyon. D’un côté, il y aura les vendeurs de lunettes et de l’autre, les opticiens qui prennent le temps de s’occuper du confort visuel de leurs clients. » Ce tournant, Alain Gerbel entend bien l’anticiper avec une série de propositions qu’il a dévoilées devant les professionnels de la région Rhône-Alpes.
« L’objectif ultime, c’est que l’opticien ne soit plus considéré comme un quincailler, affirme le président de la Fnof. Nous avons des marges de manœuvre et nous pouvons trouver des relais de croissance pour refuser d’entrer dans la logique de paupérisation que veulent nous imposer certains réseaux. Pour cela, nous vous proposons de travailler sur 6 pistes qui représentent de véritables gisements d’activités pour ceux qui voudront bien les suivre. » Et d’égrener les axes de travail que le syndicat souhaite défendre au cours des prochains mois devant la ministre de la Santé : visites obligatoires préalable au permis de conduire, prévention en milieu scolaire, prévention sur le lieu de travail, coopération avec les professions de santé et notamment les médecins généralistes, prise en charge des personnes à mobilité réduite et des personnes âgées, adaptation et manipulation des lentilles.
« Une riposte positive basée sur la réalité de notre travail »
Ce dernier point n’a pas manqué de faire réagir, à l’image de Jean Turjman qui a fait part de ses doutes. « Quand je dis que nous ne pouvons pas faire l’adaptation des lentilles, ce n’est pas de la théorie mais du vécu. Un ophtalmologiste, avec lequel j’entretiens de bonnes relations, m’a demandé d’apprendre à sa secrétaire à manipuler les lentilles de contact. Je lui ai alors expliqué que je pouvais m’en occuper et il m’a répondu que je n’avais pas le droit de m’en charger. »
Une anecdote qui renforce, selon Alain Gerbel, la nécessité de s’approprier la campagne « Mon opticien, j’y tiens » et de la diffuser le plus largement possible. « Vous devez la prendre comme un moyen de riposter aux attaques que nous subissons chaque jour, en mettant en place une riposte positive basée sur la réalité de notre travail quotidien et notre savoir-faire. Les clients ne savent pas ce que nous faisons et quelle place nous pouvons prendre dans la filière visuelle de demain. » Et pour les sensibiliser, la Fnof a décidé de donner une ampleur exceptionnelle à cette opération. « C’est assurément la plus grande que nous ayons jamais lancée », confirme Alain Gerbel, qui refuse cependant d’en dévoiler le coût total.
La Fnof veut faire pression sur les pouvoirs publics
Toutefois, les moyens conséquents mis en œuvre disent à quel point le syndicat compte sur cette campagne pour faire pression sur les pouvoirs publics. Site Internet dédié, newsletter, réseaux sociaux, kit de communication, tour de France des régions, rencontres avec les élus et, dès la semaine prochaine, un petit film téléchargeable gratuitement et présentant les 4 verrous qu’il convient de lever pour répondre aux besoins des porteurs en matière de santé visuelle.
Et selon Alain Gerbel, les premiers effets se font déjà sentir. Une centaine de kits de communication sont sur le point de partir et plus de 200 autres ont d’ores et déjà été envoyés, avec une visibilité qui semble avérée. « Nous avons rencontré cet après-midi Dominique Nachury, député de la 4ème circonscription de Lyon, explique-t-il. Elle a vu la campagne et nous avons senti que le message était passé. »
Plus d’une cinquantaine de rendez-vous identiques avec des élus sont programmés sur l’agenda du président de la Fnof dans les semaines à venir. Il poursuivra dans le même temps son tour de France des régions pour présenter « Mon opticien, j’y tiens », à Rennes le 10 décembre, puis Metz le 15 janvier, et enfin Lille le 12 février.