La Cour des comptes s'est invitée dans le débat sur le transfert des dépenses de santé vers les organismes complémentaires. Selon une étude réalisée à la demande du Sénat, les frais de gestion des complémentaires atteignent 25,4%, tandis que ceux de l'Assurance maladie s'établissent à 5,4%. De plus, en additionnant l'ensemble des aides accordées aux complémentaires, la Cour des comptes parvient à un total de 7,6 milliards d'euros, soit environ 35% du montant des prestations complémentaires versées.
Au regard de ces données, les sénateurs s'interrogent sur l'intérêt et la rentabilité de nouveaux transferts de dépenses vers les mutuelles. Des chiffres et une méthode que conteste l'Unocam (Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire), qui s'étonne dans un communiqué que la Cour "ait rendu possible la diffusion publique de ces données, au mépris de la procédure contradictoire qu'elle doit normalement appliquer".
Des arguments pour l'assurance publique
Cette moyenne de 25,4% comprend "des montants très variés selon les acteurs", précise la Cour des comptes. Pour Vincent Touzé, de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), "plus on est gros, plus les coûts fixes sont faibles, ça peut être une bonne raison" pour expliquer l'écart vis-à-vis de l'Assurance maladie, qui "gère une masse telle que, globalement, il y a des coûts qui sont assez faibles. C'est d'ailleurs un des arguments des défenseurs de l'assurance publique", a-t-il précisé à nos confrères de l'AFP. En outre, une telle structure "n'a pas besoin de dépenses marketing. Or, quand on met les entreprises en concurrence, il y a des frais importants (...) Elles ont des dépenses publicitaires, mais il y a aussi toute une logique commerciale : il faut payer des gens pour vendre", estime Vincent Touzé.
Le transfert a un coût pour la collectivité
L'étude de la Cour des comptes met également l'accent sur le montant des fonds publics consacrés à accroître le taux de couverture de la population par des assurances complémentaires. Le montant de 7,6 milliards d'euros englobe le coût de la CMU complémentaire, mais aussi les aides fiscales et sociales pour les contrats collectifs en entreprise, les exonérations de taxe d'assurance, l'aide à l'acquisition d'une complémentaire pour les ménages immédiatement au-dessus du plafond CMU, etc.
"Ce montant qui n'est pas neutre représente le coût, pour la collectivité, du déplacement du remboursement de certaines dépenses de l'assurance maladie obligatoire vers les assurances complémentaires", poursuit le rapport de la Cour, qui constate par ailleurs "de grandes différences" dans le contenu de ces contrats qui couvrent 93% de la population.
De son côté, l'Unocam souligne que la Cour des comptes sous-estime les frais de gestion de l'assurance maladie obligatoire, en omettant notamment de comptabiliser les frais de gestion hospitaliers, la dette déplacée sur la Cades (Caisse d'amortissement de la dette sociale) et le poids du déficit. En conclusion, l'Unocam appelle à une réelle concertation" sur la place des complémentaires dans le financement des dépenses de santé.
Rappelons qu'en 2007, le remboursement des produits et prestations optiques par le Régime Général de l'Assurance Maladie, a atteint 157,2 millions d'euros (+4,6% par rapport à 2006). A ce montant, il faut ajouter les remboursements des régimes des travailleurs agricoles et indépendants, ainsi que ceux de régimes spéciaux. Le total cumulé s'élève à environ 180 millions d'euros en 2007.