Elu président du Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof) le 15 novembre dernier, le Dr. Thierry Bour* revient pour Acuité sur les ambitions de l'organisation professionnelle pour les mois à venir. Démographie médicale, nouvelle législation, délégations de tâches et protocoles de coopération, il s'engage pour un mandat de trois ans dans la lignée de son prédécesseur.
Acuité : Quelle ligne directrice allez-vous suivre pendant votre mandat en tant que président du Snof ?
Thierry Bour : Je souhaite travailler en cohésion avec les instances universitaires et les professions paramédicales qui entourent l'ophtalmologie pour garantir la continuité de l’accès aux soins. Nous développerons la délégation de tâches aux orthoptistes en la rendant notamment plus accessible au secteur 1. J’aurai aussi à cœur de continuer à plaider pour la remontée du numerus clausus en ophtalmologie. Enfin, sous ma présidence, le Snof restera très attentif aux prochains projets de lois susceptibles d’avoir un impact sur notre pratique et sur nos patients.
A. : Les énergies seront donc concentrées autour des protocoles de coopération avec les orthoptistes mais aussi les opticiens ?
T.B. : Cette ouverture est nécessaire pour la prise en charge de la santé visuelle. La loi Consommation vient d’ailleurs compléter les décrets de 2007 en instaurant l’obligation d’ordonnance pour les lunettes. En ce qui concerne les lentilles, nous avons participé ces dernières semaines à l’élaboration des décrets en attente de publication et, la première adaptation devrait nécessiter une prescription médicale qui sera valable un an. Les spécificités des premières lentilles seront également indiquées par l’ophtalmologiste.
Tout cela permet de rendre les choses plus efficaces avec un parcours de soins sécurisé pour le patient. De ce fait, la reconnaissance de l’optométrie serait un retour en arrière. Rappelons que le décret de 2007 ouvre la réfraction à tous les opticiens.
A. : Dernièrement les orthoptistes se sont inquiétés du silence du ministère de la Santé au sujet des discussions autour des protocoles de coopération. Qu’en est-il ?
T.B. : Nous ne sommes pas inquiets, ça suit son cours. Le nombre d’orthoptistes a considérablement augmenté et la réingénierie de la formation, validée par le ministère, devrait être effective l’an prochain. Les délégations de tâches en cabinet sont très efficaces depuis 2007 et, pour ce qui est des protocoles en cours d’évaluation, nous attendons encore les conclusions du Collège des financeurs sur leur modèle économique. Ces process sont nouveaux et prennent un certain temps à se mettre en place.
A : Le SNAO souhaite passer à la « vitesse supérieure » avec l’extension du travail coordonné aux structures libérales orthoptiques. Etes-vous pour ce mode d’exercice ?
T.B. La télémédecine est possible avec les protocoles des Pays-de-la-Loire mais nous désirons toujours être référent pour le diagnostic et le traitement thérapeutique. En 2007, nous avons élargi les compétences des orthoptistes mais certaines choses ne peuvent être faites à distance. Les délégations de tâches en cabinet sont efficaces. Il nous manque cependant un cadre juridique car le sujet traîne depuis plusieurs années. Les blocages sont souvent administratifs.
A : Les opticiens répondent également présents pour soulager la pression sur les cabinets d’ophtalmologie ! Qu’est-il possible d’envisager ?
T.B. : Les décrets de la loi Consommation vont stimuler le renouvellement directement chez l’opticien. Il faut savoir que de moins en moins d’ophtalmologistes s’y opposent et ils sont prêts en à en faire la promotion active. Il faut toutefois s’assurer qu’il n’y ait pas de problème particulier et que les retours sur les modifications d’ordonnances se fassent correctement. Les procédures vont se mettre en place progressivement.
Nous pourrons enfin envisager une modification de la durée de renouvellement pour les lentilles de contact. Si la loi Hamon encadre l’ordonnance initiale, il faudra ensuite aborder cette question.
A. : Quels seront vos objectifs pour les mois à venir ?
T.B. : Une enquête nationale sera lancée auprès de la profession en 2015 pour identifier les souhaits de mes confrères en termes de coopérations avec les orthoptistes et les opticiens. Nous allons aussi réfléchir à d’autres solutions qui vont permettre de limiter les délais d’attente. C’est une problématique commune avec beaucoup d’autres spécialités. Ce que nous avons fait depuis quelques années montre que nous ne sommes pas loin de la solution, mais il va falloir élargir les délégations. Toutefois, l’Assurance maladie n’a pas tant intérêt à les voir se réduire. C’est aussi une stratégie pour éviter que les Français ne se précipitent trop souvent chez le médecin.
*Membre du conseil d'administration du Snof depuis 2002, le Dr. Thierry Bour en a été le secrétaire général adjoint depuis 2009. Il est également secrétaire général de l’Académie française d’Ophtalmologie (AFO), conseil national professionnel de la spécialité. Exerçant une activité mixte en cabinet, clinique et hospitalière à Metz, il est particulièrement spécialisé sur les questions de démographie médicale, auteur de deux rapports sur le sujet en 2003 et 2005. Le Dr. Bour est également l’auteur de deux études sur la filière visuelle publiée en 2006 et 2011.