Nous vous l'avons annoncé en avant-première et confirmé avant-hier : Hal va entrer au capital de Safilo, pour en contrôler à terme entre 37,23 et 49,99%. Le fonds d'investissement rachètera les chaînes de magasins du lunetier en Espagne, en Australie et en Chine. Hal-Safilo devrait devenir le challenger de Luxottica.
La synergie industrie - distribution, "potion magique" de l'optique ?
L'accord Hal - Safilo souligne en premier lieu une tendance mondiale : l'intégration verticale entre fabrication et distribution. C'est la stratégie de Luxottica, qui possède 6200 magasins. Le rachat de Marchon, en août 2008, par le groupe VSP Vision Care, un des leaders américains de l'assurance en santé visuelle, s'inscrit aussi dans ce mouvement, cet assureur disposant d'un réseau de 25 000 médecins et optométristes (qui vendent des lunettes). Autre exemple : De Rigo possède 800 magasins, en Grande-Bretagne et en Espagne, sous les enseignes Boots Opticians, Dollond & Aitchison et General Optica.
"Cette logique permet d'assurer la vente de ses produits. Dans les mois à venir, les magasins maîtrisés par Hal (en France : GrandOptical, Générale d'Optique, Solaris) seront sans doute remplis de montures Safilo, analyse Didier Papaz, PDG d'Optic 2000. Cette stratégie d'intégration ne peut cependant pas devenir dominante en France, car les coopératives, très présentes, ne sont ni achetables ni ‘OPAbles', et restent à l'abri des éventuels appétits des fabricants", ajoute-t-il.
"La combinaison industrie - retail est un exercice difficile. Et nouvelle pour l'ensemble Hal - Safilo. Hal va devoir éponger les dettes de Safilo (580 millions d'euros, ndlr), alors qu'ils ont l'habitude de faire de la gestion de profit. Ce qui va être déterminant aujourd'hui, c'est la force d'adaptation de Hal à la production de Safilo", explique un proche du dossier.
Luxottica - Hal / Safilo : une concurrence de poids
Luxottica, Hal - Safilo : les deux titans, déjà concurrents sur la fabrication, s'affronteront désormais aussi sur la distribution. Au niveau mondial, celle-ci s'organise aujourd'hui sur un schéma bipolaire : l'ouest, dominé par Luxottica avec 5 000 magasins en Amérique du nord, et l'est, dominé par Hal avec 3 700 points de vente en Europe. Ces deux pôles sont aujourd'hui verrouillés par les deux groupes, qui devraient désormais se livrer à une course au rachat de magasins sur un nouveau terrain de jeux : l'Asie, en particulier la Chine et l'Inde.
Les deux géants n'utiliseront vraisemblablement pas les mêmes armes. "Luxottica et Hal sont des entités incomparables : le premier est un producteur, un entrepreneur, axé sur le produit, le second est un financier, un investisseur, axé sur le rendement", souligne notre source proche du dossier.
En France, si la présence des produits Safilo se développera dans les magasins contrôlés par Hal, les montures Luxottica ne devraient pas en pâtir. "Ces produits tiendront la concurrence. Luxottica possède de très belles marques et licences, certaines quasiment incontournables, et les produits qui vont avec", déclare Didier Papaz.
Hal, futur actionnaire majoritaire de Safilo ?
Hal limite pour le moment sa participation au maximum à 49,99% du capital de Safilo. Ce plafond peut être interprété comme une approche prudente ouvrant une phase d'observation. "Il faut aussi souligner que si une entreprise est rachetée, elle peut perdre ses licences. En se limitant à moins de 50%, Hal garantit à Safilo de conserver les siennes", précise Didier Papaz.
Economie