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PPL Le Roux : « les opticiens risquent de devenir les salariés des Ocam ! »

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PPL Le Roux : « les opticiens risquent de devenir les salariés des Ocam ! »

Dimanche 29 septembre, « Les Opticiens Lunetiers Unis » (Olus) ont tenu leur toute première conférence nationale sur le Silmo. Durant cet réunion, quatre points majeurs ont été abordés : les dangers encourus par la profession, les actions à venir et les présentes (création d'un calendrier de l'association et de stickers symbolisant l'union entre confrères...). Répondant à l'invitation des Olus, Maître Fabrice Di Vizio, spécialiste en droit de la santé, est également intervenu afin d'évoquer l'avenir probable de la profession dans la perspective d'une adoption imminente de la PPL Le Roux. Pour Acuité, il revient en détail sur sa communication :

Acuité : Vous dites que les conditions d'entrée et de sortie des réseaux posent problème, pourquoi ?
Maître Fabrice Di Vizio :
Le législateur n'ignore pas cette question fondamentale, puisque l'un des articles de la PPL Le Roux explique qu'il faut que l'accès aux réseaux soit « non discriminatoire. » Le problème, c'est qu'elle ne définit pas ces conditions et qu'elle ne renvoie à aucune autorité pour le faire. Il y a donc un souci majeur : s'agit-il d'un droit opposable ? A priori non, puisque le législateur n'a pas prévu de sanctions. Si je n'ai pas de sanction qui encadre la violation des conditions fixées par la loi, qu'est-ce qui me prouve qu'un opticien ne serait pas exclu du réseau parce qu'il a critiqué Santéclair ou la Maaf, ou parce qu'il a pris une position opposée à la PPL Le Roux ? Ce texte consacre un pouvoir discrétionnaire des Ocam sur les praticiens, avec un déséquilibre extrêmement important.

A : Selon vous, il y a un risque pour l'indépendance des opticiens ?
Maître FDV :
Je note qu'en 2012, un de mes clients opticiens a été exclu du réseau de Santéclair, non parce qu'on lui reprochait de ne pas respecter la qualité ou de ne pas jouer le jeu du réseau, mais parce que Santéclair a « appris », que cet opticien a fait signer à ses clients une pétition contre la PPL Le Roux ! Cela a suffi pour faire dire à la plateforme que l'opticien se trouvait dans une situation « bien cornélienne » et qu'en conséquence, il violait à la fois les principes de la charte le liant à son enseigne, Krys en l'occurrence, ainsi que les principes de loyauté à l'égard de Santéclair. Sanction : la sortie du réseau.
On voit donc dans ce cas de figure que mon client opticien a été victime de discrimination, en raison de ses opinions ! Or sur le plan stricte du contrat, cet opticien n'a aucunement violé les obligations dudit contrat, puisqu'à aucun moment Santéclair n'a été en mesure de montrer la moindre faute sur ses facturations ou autre.Sans critères d'admission et de sortie clairement fixés, avec des garde-fous sérieux, on se trouve dans un déséquilibre économique tel, que cela revient finalement à annihiler toute indépendance des praticiens de santé quel qu'il soit, chirurgiens-dentistes et opticiens en particulier.

A : La question du numerus clausus vous tient également à coeur...
Maître FDV :
Ca aussi c'est extraordinaire ! On veut imposer un numerus clausus, mais pourquoi ? Avec cette limitation, les mutuelles vont pouvoir choisir elles-mêmes ceux qui sont « les bons ou les mauvais élèves ». On est donc dans un système de réseau fermé avec des conditions d'entrée qui ne sont pas clairement définies (conditions objectives de qualité, d'accueil etc.) et des critères de choix complètement inconnus... Comment vont-ils faire ce choix ? Voilà tout le problème !

A : Vous évoquez un vrai problème de transparence, et notamment d'ordre financier...
Maître FDV :
Au départ, l'idée de ces réseaux était de diminuer le reste à charge et ainsi, de favoriser l'accès aux soins. Mais cet accès va-t-il réellement être favorisé, à partir du moment où vous avez des Ocam qui décident eux-mêmes de ce que sera le marché de l'optique ? On veut imposer aux opticiens des conditions telles que de toute façon, ils ne peuvent pas survivre financièrement, en tout cas on diminue largement les marges. Au profit de qui vont être transférées ces marges ? On assiste à une augmentation extraordinaire du coût des cotisations depuis 20 ans, avec 25% de frais de gestion des Ocam. Le problème est donc le suivant : d'un côté, les cotisations n'ont pas cessé d'augmenter, et de l'autre on nous explique qu'il faut baisser les coûts de l'optique... Quelque chose ne va pas !
Les Ocam sont des organismes à but lucratif, ou du moins, qui dégagent des profits. Le problème est qu'ils ne publient pas leurs comptes et que le montant des cotisations continue de croitre. D'après moi, à force de vouloir faciliter l'accès aux soins, on va non seulement le restreindre en termes de qualité, mais on va aussi tuer quelque chose d'essentiel : la concurrence. Si j'impose les réseaux de manière systématique, il y a un fort risque d'entente à terme, puisque tout le monde sera aligné sur des tarifs et des prestations. On peut donc craindre in fine, une réduction des offres disponibles, et une baisse de la qualité optique pour les porteurs.

A : Les Ocam seraient donc aussi responsables de la situation ?
Maître FDV :
Les Ocam ont éduqué les porteurs à considérer que les grandes marques étaient un gage de qualité et que c'était ça le prestige et le privilège de ceux qui détiennent une mutuelle. Or aujourd'hui, on nous affirme l'inverse, que c'est trop cher. En tant que juriste, je me demande désormais quelles sont les garanties pour les opticiens qui se trouvent dans des réseaux, si les équipements qu'ils sont contraints de vendre sont les moins chers et pas forcément de la meilleure qualité ?
Les Ocam avancent le fait qu'un opticien peut choisir à tout moment de modifier son contrat et ainsi, de sortir d'un réseau, mais que se passe-t-il s'il a fait d'importants investissements pour intégrer ce réseau ?
On le voit bien, le pouvoir économique est entièrement détenu par les complémentaires ! Il n'y a même pas d'obligation de maintenir les tarifs sur une durée suffisamment longue pour que le retour sur investissement puisse éventuellement se faire.
On va donc exiger des baisses de tarifs des praticiens de santé, mais ces baisses vont améliorer les bénéfices des Ocam. On veut ainsi faire dépendre tout un secteur du bon vouloir financier d'organismes que l'on a dispensé de publication de leurs comptes !
On critique la soi-disant transparence des tarifs en optique, alors qu'en face, l'opacité est plus grande. Cette loi veut faire des praticiens en général, et des opticiens en particulier, des salariés des Ocam.

A : Le porteur risque-t-il lui aussi de perdre sa liberté ?
Maître FDV :
Il n'y aucune garantie pour le porteur qui pourrait empêcher un jour un Ocam de lui dire que le traitement antireflet, ou autre, qu'il souhaite n'est pas indispensable au vu de son activité professionnelle, par exemple... Puisque le remboursement différencié sera possible et que les réseaux sont libres de déterminer leurs tarifs, rien n'exclue de penser que demain, un Ocam pourra s'immiscer dans votre traitement alors qu'à l'origine, il n'avait qu'à décider du remboursement. Que se passe-t-il quand le praticien n'est pas d'accord avec le traitement imposé par la complémentaire ? Cette question a été posée à Santéclair et je n'ai toujours pas reçu de réponse.

A : La qualité des soins serait en jeu ?
Maître FDV :
L'opticien n'est pas qu'un vendeur de lunettes, c'est avant tout un professionnel de santé qui doit prendre du temps avec ses clients pour assurer un service adapté et avoir une offre suffisante pour répondre aux besoins. Pour l'instant, je note que l'expérience des réseaux nous prouve qu'il y a un déséquilibre total entre le praticien seul dans son coin et la puissance des Ocam. La PPL Le Roux dit que c'est aussi dans l'intérêt du patient. On en reparlera dans dix ans. D'autant qu'avec la complémentaire santé obligatoire, nous n'avons même plus le droit de choisir notre organisme, ce sera donc celle de notre employeur. Je pense que nous sommes en train de faire un système de santé à deux vitesses !

A : Quelles actions avez-vous prévu de mener ?
Maître FDV :
Concrètement, nous allons avec les Olus déposer des amendements à cette loi. Je vais demander à l'opposition de la déférer au Conseil constitutionnel une fois qu'elle sera votée, et enfin, nous continuerons d'interroger les Ocam pour obtenir la transparence que nous appelons déjà de nos voeux. Sans cela, il faudra à un moment donné que le gouvernement, voire la Commission européenne (puisqu'il s'agit d'une obligation de la vie économique), assume le fait qu'on laisse le pouvoir à des organismes de santé financeurs et financiers, sans aucune transparence pour contrôler leurs activités.
Concernant les amendements que j'ai évoqués, il y a deux axes principaux :
-Garantir la transparence : nous voulons qu'il y ait une vraie discussion entre opticiens et Ocam pour déterminer dans le détail ce que sont les conditions de transparence, afin d'avoir des critères à fixer. Nous souhaitons donc bloquer l'entrée en vigueur de cette loi -ce qui est tout à fait possible juridiquement et du point de vue réglementaire- tant que les conditions d'accès et de sortie des réseaux ne sont pas explicités précisément.
-Obtenir un bilan concret et complet (notamment sur l'accès aux soins, les types de prestations réalisées dans les réseaux etc.) et quel impact ça a eu sur le CA des opticiens qui sont entrés dans les réseaux.
Enfin, j'ai déjà déposé un amendement pour imposer un plafonnement -dans des conditions à déterminer- des cotisations de mutuelles qui ont un réseau de santé.

Voir notre débat sur le Silmo 2013 : Débat TV : En quoi la PPL Le Roux va changer la prise en charge du patient ?

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