Le silicone-hydrogel est une avancée technologique importante dans l'évolution des matériaux de lentilles de contact souples. Avec des performances élevées en termes d'oxygénation cornéenne, d'hydrophilie et d'élasticité, il a su séduire les professionnels de santé visuelle. Mais les silico-hydrogels sont-ils tous les mêmes ? Nous avons posé la question à Alain Schmulewitsch, opticien propriétaire de deux magasins en Ile-de-France et fondateur du laboratoire Wagram Contact.
Quelle part accordez-vous à la contactologie dans votre pratique quotidienne du métier ?
Nos magasins sont atypiques. En contactologie, les points de vente dépassent très rarement 10% de chiffre d'affaires. Chez nous, c'est autour de 40% de notre CA. En termes d'activité chronophage, nous sommes entre 60 et 70% réalisés en lentilles de contact. Cela est dû à notre notoriété, avec la création en 1980 du laboratoire d'adaptation Wagram Contact. Mais aussi à mon engouement que j'ai sûrement su transmettre à mes équipes.
Quel regard posez-vous sur les nouveaux matériaux en contactologie ?
La grande révolution des années 2000 a été la mutation des hydrogels classiques vers les matériaux silico-hydrogels. Pendant 30 ans, on a tenté de les utiliser, mais pour des raisons techniques on n'y arrivait pas. En 1999, on a vu l'avènement des premières lentilles en silicone-hydrogel réellement praticables, caractérisées par un Dk/e élevé. Mais ces performances ont été contrecarrées par deux difficultés : une faible mouillabilité (20 à 30% d'hydrophilie) et une forte rigidité (1,1 à 1,2). Alors qu'on avait gagné en oxygénation, pour réduire les problèmes d'hypoxie, on conservait des problèmes mécaniques importants, responsables de phénomènes inflammatoires et parfois infectieux.
Les fabricants ont donc travaillé pour arriver aux deuxièmes générations de silico-hydrogels, apparues il y a 5 ans. Aujourd'hui, les lentilles sont à la fois perméables à l'oxygène et confortables mécaniquement. Une personne qui va mettre une lentille le matin, sera toujours confortable 10 à 12 heures plus tard. L'avènement des matériaux silico-hydrogels a permis dans la grande majorité des cas de réduire la néovascularisation, d'éliminer les oedèmes, d'augmenter le temps de port et le confort mécanique subjectif.
Les lentilles en silicone-hydrogel ont-elles modifié votre choix de première intention ?
Quand les premières silico-hydrogels sont arrivées, il y a eu un engouement des professionnels et notamment des ophtalmologistes. Toutefois, nous avons observés beaucoup d'échecs dus aux problèmes mécaniques. Jusqu'à l'avènement de la deuxième génération de lentilles en silicone-hydrogel, où nous avons été forcés d'admettre qu'aujourd'hui c'est une lentille de première intention. Les phénomènes irritatifs ont été résolus et l'oxygénation de l'oeil est assurée. J'estime toutefois que 5% de nos porteurs sont réfractaires à ce type de lentilles, pour des raisons différentes. Cela s'exprime par des allergies ou des voiles sur les lentilles, par exemples.
Tous les silico-hydrogels se valent-ils ?
On ne peut les évaluer que sur le terrain. Même si les laboratoires nous donnent les grandes lignes des composants, les synthèses de matériaux sont des secrets de fabrication. Les grands laboratoires ont tous joué une course effrénée aux meilleurs matériaux, il est donc très difficile de les différencier. Toutefois, ce qui va aller à Pierre n'ira pas à Paul. Il faut prendre en compte à la fois la qualité intrinsèque du silico-hydrogel et la géométrie même de la lentille. L'alliance des deux va nous permettre d'évaluer le confort d'un patient. La matière ne fait pas tout !
Comment évaluez-vous une lentille ?
Dans nos magasins, on s'adresse à des porteurs à problèmes qui souvent ne supportent plus les lentilles. On hésite toujours à continuer sur une forme de lentilles souples ou à bifurquer vers une lentille rigide perméable. Si on décide de continuer en matériaux souples, on va essayer d'équiper en silico-hydrogels. On va laisser 2 à 3 mois de port pour observer la réaction subjective du client et comparer ce que nous voyons à la lampe à fente, toujours en lien avec les ophtalmologistes bien entendu. L'analyse est toujours un peu compliquée car il faut être en concordance entre ce que le patient ressent et ce que nous voyons.
Pour vous, quelle est la lentille idéale ?
Ce sera une journalière pour une lentille neuve et propre tous les matins sur les yeux. Ainsi, on évite au maximum les phénomènes infectieux et l'utilisation de produits qui, on le sait, engendre des problèmes d'hygiène. Ensuite, il faut qu'elle soit en silicone-hydrogel avec une hydrophilie au-dessus de 60%, un module de rigidité inférieur à 0,5 et un Dk/e autour de 100. On est très proche de cela aujourd'hui !