Les laboratoires de contactologie investissent chaque année en recherche et développement afin d'offrir aux professionnels de la santé visuelle et aux porteurs le meilleur produit. Docteur en biochimie et neurobiologie, Jean-François Rumigny est directeur scientifique chez Ophtalmic Compagnie depuis plus de 5 ans. Chargé de répondre aux questions techniques émanant du terrain, tant au niveau des opticiens que des ophtalmologistes, il revient sur les innovations qui font des lentilles de contact des produits de plus en plus performants.
Quels ont été vos principaux succès en R&D ?
Récemment, nous avons fait une étude métabolomique [science qui étudie l'ensemble des métabolites comme les sucres, les acides aminés ou les acides gras, présents dans une cellule, un organe ou un organisme. Elle utilise la spectrométrie de masse et la résonance magnétique nucléaire, ndlr] chez le lapin. Nous voulions comparer les profils métaboliques des cornées en prenant un oeil sans lentille, un autre ayant utilisé une lentille One Day et un dernier portant une lentille trempée au préalable dans une solution de décontamination multifonction. Le résultat attendu a été vite confirmé : nous n'avons pas observé de différences, ce qui conforte l'hypothèse de Brennan...
Nous avons également réalisé des études sur différents matériaux (mesure des coefficients de friction, des taux d'oxygénation etc.) pour nous aider à sélectionner le meilleur d'entre eux pour composer nos lentilles.
Sur quel type d'études travaillez-vous actuellement ?
Nous nous intéressons particulièrement aux lentilles dites « vectrices » donc capables de délivrer une substance à activité physiologique (vitamines anti-oxydantes, médicaments...). Ce sujet est très populaire mais il reste des difficultés techniques à résoudre, notamment sur le dosage de l'agent actif apporté par la lentille. Pour cela, nous travaillons en collaboration avec l'Université de Floride et le Pr. Chauhan qui est très connu dans ce domaine.
Reste-t-il encore des innovations à découvrir en contactologie ?
Absolument ! Au-delà du problème de dk, considéré comme résolu aujourd'hui (sauf dans le cas d'un port continu, jour et nuit mais les risques sont surtout d'une autre nature ), les efforts qu'il reste à faire concernent les matériaux eux-mêmes qui peuvent encore être améliorés. Notamment en étudiant les paramètres de surface de la lentille (mouillabilité, coefficients de friction, etc.), l'état de surface (porosité des lentilles, flux hydrauliques et ioniques qui changent en fonction des méthodes de fabrication...) et le fonctionnement comportement mécanique des matériaux. Nous travaillons actuellement sur un projet d'étude clinique de mesure de la mouillabilité in vivo avec l'équipe du Dr Katherin Oliver à Glasgow.
Enfin, il reste à mettre au point les « Smart lentilles » dont parlait récemment Google, et les lentilles « détectrices », notamment à glucose, pour lesquelles des travaux scientifiques se développent depuis 2006 et pour lesquels existent déjà des systèmes simples mais efficients.