Législation

PPL Le Roux : interview exclusive du sénateur Daudigny, au lendemain du vote

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La PPL Le Roux a été votée hier, mercredi 24 juillet, en séance publique au Sénat à 172 voix contre 137. Si son article 1er, visant à autoriser les mutuelles à pratiquer les remboursements différenciés, est définitivement adopté, les articles 2 et 3 doivent être présentés en deuxième lecture à l'Assemblée nationale. Yves Daudigny, sénateur PS et rapporteur du texte pour la Commission des Affaires sociales du Sénat, revient pour Acuité sur les débats qui ont entourés le vote et sur les enjeux des deux articles en discussion.

Acuité : Etes-vous satisfait du vote ?
Yves Daudigny :
Je suis content. Le pari était difficile au Sénat car il y avait des réticences dans tous les groupes même à l'intérieur du groupe socialiste et il n'y avait pas de majorité de gauche possible, car les membres du groupe communiste avaient décidé de s'abstenir. Il a fallu trouver une autre majorité, ce qui a été fait avec le groupe centriste.

A : Cette proposition de loi ne va-t-elle pas à l'encontre des valeurs mutualistes, comme le soutient Philippe Mixe, président de la Fnim (voir notre interview) ?
YD :
J'ai eu comme interlocuteur le président de la Mutualité Française, qui lui aussi est représentatif du mouvement mutualiste et qui a été demandeur de ce texte. Il a été demandeur essentiellement sur l'article 1er, c'est-à-dire sur la mise sur un pied d'égalité des trois familles de complémentaires santé. J'ai suivi cette position et l'ai faite mienne. J'adhère complètement à l'idée qu'il fallait rétablir l'égalité entre les 3 types d'organismes, en particulier avec la prévision de la mise en oeuvre de l'article 1er de la sécurisation de l'emploi et la mise en oeuvre des complémentaires collectives dans les mois qui viennent. Il était impensable que les mutuelles ne puissent pas affirmer leurs arguments au même titre que les institutions de prévoyance et les assurances privées.

A : Donc, pour vous, ce texte ne pose aucun problème en termes de liberté de choix du consommateur ?
YD :
Le texte comprend deux parties. La première partie qui maintenant est définitivement adoptée, car nous l'avons votée dans les mêmes termes que l'Assemblée nationale. L'article 2 est beaucoup plus complexe car c'est une nouveauté totale. Il encadre et affirme les valeurs des conventions qui sont ou seront passées entre les organismes complémentaires et les professionnels de santé. Les règles, que nous avons fixées, s'appliqueront à tous les organismes complémentaires. Nous avons commencé ce travail en particulier en réaffirmant la liberté de choix du patient.

N'oublions pas que l'objectif des réseaux de soins n'est pas de fermer des magasin d'optique, mais de maîtriser les dépenses de santé et de réduire le reste à charge. A un moment, c'est à chaque individu de prendre le parti de tel ou tel opticien pour des raisons qui le regardent, ou de décider d'effectuer une recherche pour avoir moins de reste à charge en s'assurant de la qualité du produit qu'il va acheter. Cette liberté relève de chacun et elle n'est pas aujourd'hui remise en question. Par contre, le dispositif en place doit conduire à ce que la qualité soit assurée avec des dépenses de santé contenues et un reste à charge pour l'assuré qui soit le plus petit possible.

A : Pourquoi avoir réservé les réseaux fermés aux seuls opticiens ?
YD :
Je le répète, l'objectif n'est pas de réduire le nombre de magasins. Il y a aujourd'hui au minium une interrogation sur l'explosion du nombre d'opticiens dans toutes les villes de France. C'est un problème de la profession. Je pense qu'elle-même doit s'interroger.
Le texte d'hier part de l'intérêt du réseau, qui est un moindre reste à charge pour le patient mais aussi d'assurer une clientèle plus importante à ses opticiens. Si le réseau est ouvert et que tous les opticiens adhèrent à ce réseau, il n'y a plus d'intérêt pour les opticiens eux-mêmes. Dans le domaine de l'optique, seul un réseau comportant un nombre raisonnable d'opérateurs peut avoir un sens. C'est pour cela que nous avons différencié dans la loi la situation des opticiens de celle des deux autres secteurs concernés. C'est une question d'efficacité du réseau.

Pour les chirurgiens-dentistes et les audioprothésistes, il y a une faible densité de présence sur les territoires. Cette faible densité fait que les réseaux ne comportent pas un grand nombre d'opérateurs. Les trois secteurs sont régis par des règles différentes en termes de numerus clausus, d'entrée dans les études... Et c'est en fonction de cela qu'il y a eu un traitement différent pour ces trois catégories, qui ne sont pas en situation d'égalité. Donc, on ne peut pas dire que ce soit inconstitutionnel de les traiter différemment.

A : Vous aviez annoncé des auditions ouvertes à tous, certains acteurs de l'optique n'ont pas été reçus. Comment l'expliquez-vous ?
YD :
Nous avons auditionné très largement dans tous les secteurs et particulièrement dans celui de l'optique. Matériellement, il était impossible de donner une suite favorable à toutes les demandes. Mais nous avons essayé d'avoir une représentation large de la profession.

A : Quelle est la suite du parcours législatif ?
YD :
L'article 1er est définitivement adopté. Il ne sera plus en discussion. Il ne s'applique pas encore puisque la loi n'est pas votée mais il a été voté exactement dans les mêmes termes par les députés et les sénateurs. Il va y avoir une deuxième lecture à l'Assemblée nationale pour les articles 2 et 3. Nous avons le souhait que les députés votent le texte dans les même termes, ce qui donnerait lieu dans ce cas à un vote définitif. Si les députés modifient notre texte, il reviendra ensuite en deuxième lecture au sénat.

A : Avez-vous une idée de la date de séance à l'Assemblée nationale ?
YD :
C'est difficile de prévoir, les calendriers sont déjà bien remplis. Ce n'est pas un texte qui demande beaucoup de temps. Je pense que le Gouvernement veillera à ce que les discussions puissent avoir lieu le plus rapidement possible à partir de septembre ou octobre.

A la suite des débats du 24 juillet, nous avons tenté d'interviewer plusieurs sénateurs en sortie de séance. Sur cinq demandes d'interviews, seulement deux nous ont été accordées par Laurence Cohen, groupe Communiste Républicain et Citoyen (en vidéo ci-dessous), et Yves Daudigny (PS).

Lire aussi :
-Tous les débats de la séance publique du 24 juillet au Sénat
 

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