Le 28 novembre, les députés ont adopté en première lecture la proposition de loi « relative au fonctionnement des réseaux de soins créés par les mutuelles et aux modalités de mise en oeuvre des conventions conclues entre les organismes de protection sociale complémentaire et les professionnels de santé ». Trois articles composent ce texte qui vise à modifier le Code de la mutualité et le Code de la sécurité sociale. Les deuxième et troisième concernent toutes les conventions passées entre des Ocam et des professionnels de santé. Ils ont notamment pour but d'instaurer des règles communes à tous ces contrats. Acuité décrypte ces dispositions.
Article 2 - I. - Après le chapitre III du titre VI du livre VIII du code de la sécurité sociale, il est inséré un chapitre III bis ainsi rédigé : « Art. L. 863-8. - I. - Les conventions souscrites, directement ou par l'intermédiaire d'un tiers, entre, d'une part, une mutuelle, union ou fédération relevant du code de la mutualité, une entreprise d'assurances régie par le code des assurances ou une institution de prévoyance régie par le présent code et, d'autre part, des professionnels de santé, des établissements de santé ou des services de santé comportant des engagements relatifs, pour l'organisme assureur, au niveau ou à la nature des garanties, ou, pour le professionnel, l'établissement ou le service de santé, aux services rendus, aux prestations, ainsi qu'aux tarifs ou aux prix, respectent les principes suivants :
« 1° Les conventions ne peuvent comprendre aucune stipulation portant atteinte au droit fondamental de chaque patient au libre choix du professionnel, de l'établissement ou du service de santé ;
« 2° L'adhésion aux conventions des professionnels, établissements et services de santé s'effectue sur la base de critères objectifs, transparents et non discriminatoires. L'adhésion à la convention ne peut comporter de clause d'exclusivité.
Décryptage : Cette disposition concerne les conventions passées avec toutes les complémentaires santé : mutuelles, assurances et institutions de prévoyance. Elle consacre le principe de libre choix du patient, mais cette mention restera très libre d'interprétation en cas de litige. Elle obligera aussi les Ocam à choisir les partenaires de leurs réseaux sur des critères « objectifs, transparents et non discriminatoires » : ici encore, faute de précision, cette disposition pourra être interprétée très largement. Enfin, l'interdiction des clauses d'exclusivité signifie que les complémentaires ne pourront pas interdire à leurs partenaires de signer des conventions avec d'autres organismes.
Article 2 - I. « II. - Les conventions souscrites, directement ou par l'intermédiaire d'un tiers, entre une mutuelle ou union relevant du code de la mutualité, une entreprise d'assurances régie par le code des assurances ou une institution de prévoyance régie par le présent code et les médecins ne peuvent comporter de stipulations tarifaires relatives aux actes et prestations médicaux mentionnés aux articles L. 162-1-7 et L. 162-14-1 du présent code.
Décryptage : Cette disposition interdit aux Ocam de négocier avec les médecins les tarifs de leurs actes et prestations remboursables par l'Assurance maladie. Les conventions pourront en revanche porter sur les tarifs de leurs actes non remboursables, comme la chirurgie esthétique. Elles pourront aussi porter sur d'autres éléments non relatifs au tarif, comme le niveau de formation du médecin, le degré d'équipement du cabinet...
Article 2 - I. « III. - L'organisme assureur garantit une information complète auprès de ses assurés ou adhérents sur l'existence du conventionnement, ses caractéristiques et son impact sur leurs droits. »
Décryptage : Cette disposition tente de répondre aux critiques souvent formulées à l'encontre des Ocam quant à leur manque de transparence. Elle a pour but de prévenir leurs adhérents des implications des conventionnements. Les termes « information complète » sont cependant sujets à diverses interprétations : les complémentaires santé devront-elles par exemple informer leurs clients des éventuelles restrictions de gamme de produit qu'impliquent certains conventionnements ? La loi ne le dit pas...
Article 2 - II. - Le I s'applique aux conventions conclues ou renouvelées à compter de la date de promulgation de la présente loi.
Décryptage : Les dispositions précitées ne s'appliqueront pas aux réseaux déjà constitués, mais seulement à ceux qui seront créés ou renouvelés après la mise en oeuvre de la loi. Ainsi, si une complémentaire santé décide de ne pas renouveler son réseau existant et de le maintenir tel quel, elle ne sera jamais contrainte de se plier aux obligations de cette loi.
Article 3 - À compter du 30 juin 2013 et pour une période de trois ans, le Gouvernement, sur la base de données transmises par les organismes d'assurance maladie complémentaire, remet chaque année un rapport au Parlement qui porte un bilan des conventions souscrites (...) notamment sur les garanties et prestations qu'elles comportent et leur bénéfice pour les patients, notamment en termes de reste à charge, et leur impact sur les tarifs et prix négociés avec les professionnels, établissements et services de santé.
Décryptage : Le but de cette disposition est de vérifier le bien-fondé et l'efficacité des conventionnements. Le gouvernement devra rédiger un rapport annuel sur leurs effets, côté clients / patients et côté professionnels de santé. Mais celui-ci devra pour cela se baser sur les seules informations transmises par les complémentaires santé, sans entendre ni les organisations professionnelles, ni les patients.
Rappelons que cette proposition de loi n'est pas encore définitivement adoptée. Elle a été transmise au Sénat, qui pourra l'amender. Si tel est le cas, une commission mixte paritaire composée de députés et de sénateurs sera chargée de trouver un compromis entre l'Assemblée nationale et le Sénat. En cas d'échec, l'Assemblée nationale aura le dernier mot.
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